Fabien Taillefer : « Je veux revenir »
Au 1er avril prochain, Fabien Taillefer, 22 ans, peut revenir de sa suspension. Il le veut ainsi et prépare les conditions de ce retour dans le peloton. Entretien avec www.directvelo.com.
DirectVélo : Est-il exact que tu es actuellement suspendu un an ?
Fabien Taillefer : Oui. Je suis suspendu pour manquement à l'honneur et à la probité, et en raison de mes aveux dans la presse qui ont dégradé l'image de la FFC. J'avais été suspendu à titre provisoire, le 1er avril dernier. Puis je suis passé en commission disciplinaire mi-juin. J'ai fait appel de la décision, je suis donc allé en commission d'appel fin juillet. Je suis ensuite passé devant le CNOSF (Comité national Olympique du sport français, NDLR) avec un conciliateur, début octobre. Je n'avais plus ensuite la possibilité de faire appel. J'ai donc été suspendu un an. Je l'ai appris il y a une semaine par le biais de mon avocat.
« J'ai eu le temps de prendre conscience que j'avais des capacités »
Peux-tu revenir à la complétion en avril prochain ?
Oui. Les deux années où j'ai fait mes conneries (2009 et 2010), je n'étais pas sûr de moi. Je mangeais mal, je ne m'entraînais pas. C'est la vérité que j'ai dit la dernière fois (Voir ici). Il y a eu l'arrestation de mes proches en décembre 2010. J'ai donc passé trois mois à m'entraîner sans me poser de question et sans me doper, car je savais que si j'avais fait une connerie j'aurais été arrêté aussitôt. En février dernier, sur le Circuit des Plages Vendéennes, je pensais uniquement à moi. C'était le premier hiver depuis deux ans que je ne me posais pas de question sur les autres. Je suis arrivé en forme, avec un poids correct. Je termine deux fois 2e. Avant mon arrestation, j'ai donc eu le temps de prendre conscience que j'avais des capacités. C'est pour cela qu'aujourd'hui je veux revenir. Je n'aurais peut-être pas repris le vélo si je n'avais pas fait ce début de saison-là.
Dans quel club vas-tu évoluer ?
Je travaille sur un projet avec un autre coureur. Je ne préfère pas en parler pour l'instant. Je vais courir en France à partir du 1er avril, c'est sûr.
Ton retour va faire grincer des dents...
C'est sûr, je le sais. A mon retour, les faits qu'on me reproche dateront de deux ans. J'ai fait une demande pour avoir le passeport biologique et le système ADAMS. C'est à mes frais. Je serai le seul amateur à être suivi par ce système. Je n'ai gagné que deux courses avec l'influence du dopage. J'ai eu d'autres places mais pas de victoires.
« J'ai raconté toute mon histoire aux enquêteurs »
Comment penses-tu que tes aveux ont été perçus dans le milieu du vélo ?
Certains pensent que j'ai juste répondu aux questions des enquêteurs. Cela ne s'est pas passé comme cela. Je n'ai pas juste répondu aux questions et parler uniquement de ce qu'ils savaient. Je n'ai pas fait cela. J'ai raconté toute mon histoire, du début à la fin. J'ai donné des informations qu'ils avaient déjà mais également d'autres dont ils ne disposaient sans doute pas. Je n'ai pas cherché à jouer avec eux. Je n'ai dénoncé personne, j'ai parlé uniquement de moi. De toute manière, ils font un tel boulot que les tricheurs se font rattraper tôt ou tard.
Comment imagines-tu tes retrouvailles avec le peloton amateur ?
Je ne les crains pas. Beaucoup de personnes dans le milieu savait déjà que j'avais des reproches à me faire. Les gens se posaient des questions sur moi, à tort ou à raison car ça n'a pas toujours été vrai. Aujourd'hui, je n'ai plus honte de moi, je n'ai plus peur. Si on m’insulte ou si on me regarde de travers, je n'irai pas chercher plus loin. Je n'ai pas besoin d'être ami avec tout le monde. Je veux faire du vélo pour moi-même, me faire plaisir. Je vais être le coureur amateur le plus contrôlé. Je le serai même hors-course, ce qui fera de moi le seul amateur dans ce cas. Un dopé sait ce qu'il risque mais il ne sait pas ce que ça représente d'être éloigné des pelotons. Je sais ce que j'ai perdu. Le dopage m'a permis de remporter des courses mais finalement je n'ai rien gagné. Si on prend la balance... je passe pro à 19 ans, je gagnais des courses sans me doper, et aujourd'hui je n'ai plus rien. Qu'est-ce que j'ai gagné à me doper ? Rien. Je ne vois pas pourquoi je recommencerais.
Il se dit que depuis mars, tu roules énormément...
Non, j'ai passé près de sept mois sans faire de sport. J'ai repris le vélo il y a un mois. J'ai fait deux semaines d'entraînement. Puis je n'ai plus roulé en attendant la décision sur ma suspension. C'est stressant, humiliant. Je n'avais pas la force de rouler.
« Je connais les raisons qui ont fait que j'en arrive à me doper »
Cela va t'apporter quoi de revenir ?
Je vais avoir une vraie hygiène de vie. Je vais reprendre confiance en moi. Je vais avoir un vrai objectif, une motivation. Je ne reviendrai pas pour tout casser, tout gagner. Je préfère faire 5e et être au départ de la course, que de tout faire pour gagner en me dopant et finir pendant un an sur mon canapé. Je l'ai fait ça... Si je gagne tant mieux, sinon tant pis. Je veux arriver au départ d'une course en m'étant donné les moyens de gagner proprement. Si je n'y arrive pas, tant pis.
Quelle est la différence entre le Fabien Taillefer dopé et celui de maintenant ?
J'ai clairement évolué. Je travaille avec un psychologue. Je connais les raisons qui ont fait que j'en arrive à me doper. Les rencontres, les mauvais choix effectués etc. Normalement, quand tu es bien dans ta tête, tu ne fais pas ça.
« Je ne sais faire que ça »
Il y aura toujours des gens sceptiques sur tes possibles prochains résultats...
J'espère qu'on va croire en moi. Je pense que le seul moyen de les faire taire est de durer. Cela se voit quand on est bien dans sa tête. Je ne sais pas quel visage j'avais quand je gagnais des courses en étant dopé mais je ne devais pas être beau à voir. Quand on réfléchit pas à tout ça, ça se passe tranquillement.
N'aurait-il pas été plus simple de tout arrêter ?
Non, non c'est impossible. Je n'ai aucun diplôme. Je ne sais faire que ça. C'est toute ma vie le vélo. J'ai été n°1 junior français. J'avais les moyens de faire mieux que ça. Je ne reviens pas revanchard car je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je reviens pour me prouver des choses à moi-même, avoir un nouvel objectif. J'aimerais bien aider des jeunes qui sortent des juniors à ne pas faire ce que j'ai fait. J'aimerais bien bosser pour d'autres coureurs plus que pour moi-même maintenant. J'espère que ça servira à quelque chose ce qu'il m'est arrivé. Je tiens en tout cas à remercier Johan Poisson pour tout son soutien. C'est le seul à ne m'avoir jamais laissé tomber.
Retrouvez en cliquant ici la fiche wiki de Fabien Taillefer.
Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com