Tour de l'Avenir : L'Avenir, c'est la mondialisation

www.directvelo.com consacre chaque jour jusqu'à dimanche un article lié au Tour de l'Avenir. Aujourd'hui, premier thème, l'Avenir, c'est la mondialisation.

Le Tour de France 1960 a montré les limites de la formule par équipes nationales. Depuis l'arrivée des marques extra-sportives dans le financement des équipes, les groupes italiens sont les plus riches et attirent les vedettes vers les épreuves italiennes dont, bien sûr le Giro qui risque de supplanter le Tour. Gaul, Van Looy, Bahamontès, De Bruyne et même Anquetil roulent sous la bannière de marques italiennes qui préfèrent les voir se livrer sur le Giro, sous leur maillot que sur le Tour sous le drapeau de leur pays. De plus, les managers (aujourd'hui on dirait agents) font la pluie et le beau temps. Le premier tournant du Tour 1960 se joue entre Saint-Malo et Lorient. Roger Rivière participe activement avec Nencini à une échappée royale qui prend 14 minutes alors que son équipier Henry Anglade est en jaune. Marcel Bidot, le directeur technique des tricolores lui avait pourtant demandé de ne plus rouler. A l'arrivée sur le vélodrome de Lorient, Daniel Dousset, le manager de Rivière attend son poulain avec le sourire. Henry Anglade dont le manager est son concurrent, Roger Piel, ne gagnera pas le Tour.

Le réservoir existe

Pour trouver de l'air frais, il faut explorer de nouvelles terres, notamment vers l'Est, de l'autre côté du rideau de fer. Ça tombe bien, à l'été 1960 les coureurs de la R.D.A. ont dominé à domicile les Championnats du Monde amateurs et le soviétique Viktor Kapitanov est devenu champion olympique à Rome en ajustant l'italien Livio Trape.
Autour de l'Europe de l'Ouest, le réservoir existe déjà : 73 fédérations sont affiliées à l'U.C.I. en 1961. Et encore la Chine vient de quitter le navire, les anciennes colonies françaises d'Afrique noire viennent juste d'acquérir l'indépendance et les Républiques soviétiques sont unies pour 30 ans encore. Tous les continents sont représentés à l'U.C.I., du Canada à l'Argentine, de l'Atlantique à l'Oural, du Maroc au Cap de Bonne Espérance, du Pakistan à l'Australie.
Mais pour que ces coureurs puissent venir défier un jour les pros du Tour, il faut les aguerrir. D'où l'idée de Jacques Marchand, journaliste à L'Equipe, de créer le Tour de l'Avenir. Félix Lévitan qui n'est encore que directeur adjoint du Tour, est d'accord. Quand il était journaliste à L'Intransigeant, Félix Lévitan prévoyait et se réjouissait dès 1938 de l'internationalisation du peloton.

L'URSS, le Congo, l'Inde candidats

L'annonce du Tour de l'Avenir est faite le 3 novembre 1960. Le « T.2 » - c'est son nom de code – sera ouvert aux amateurs et indépendants en lever de rideau d'une partie des étapes du « T.1 », le Tour des pros. Mais le but est, à long terme, de fusionner un jour les deux épreuves quand les « nouveaux » pays pourront présenter une sélection valable. Dans ce T.2, il n'y aura de la place que pour une seule équipe de France. C'est ça aussi le prix de l'internationalisation.
L'annonce de la création du Tour de l'Avenir soulève l'enthousiasme. Les candidatures affluent dès le mois qui suit. L'URSS, le Canada, le Maroc, le Congo ex-Français, l'Inde ou les Philippines sont sur les rangs. Au final l'URSS déclare forfait fin mai 1961. Elle viendra en 1963 et le Champion Olympique Kapitanov se classera 19e. Au mois d'août 1960, avant même l'annonce de la création du T.2, le vice-président du Conseil des sports d'URSS, Postinikov déclarait à Paris : "En 1963, nous serons prêts à participer au Tour de France qui est vraiment une très grande épreuve. Il faudra d'abord que les dirigeants de l'UCI acceptent la licence unique. Il faudra aussi que la Course de la Paix et le Tour de France soient moins rapprochés."

Plus international que le Tour de France

En revanche, la Yougoslavie (l'enfant terrible des « pays frères ») et la Pologne sont au départ de Saint-Etienne du premier Tour de l'Avenir en 1961. Tout comme le Canada, le Maroc, l'Uruguay et une sélection scandinave. Seize nations sont présentes au T.2 contre dix sur le Tour 1961. Si Jean-Claude Lebaube donne le premier Maillot Jaune à la France, dès le lendemain le Britannique à lunettes Alan Ramsbottom porte le maillot de leader un an avant que Tom Simpson ne l'endosse sur le Tour des « grands ».
En 1962, l'équipe internations  accueille un Libanais, un Australien et un Américain. Le Mexique débarque en 1969 et Augustin Alcantara enlève l'étape de Quimper. La Colombie vient en 1973, la Turquie en 1977, le Japon et le Costa-Rica en 1983, la Corée du Sud en 1987 un an avant les J.O. de Séoul. Pour la R.D.A, il faut attendre 1982 mais les hommes en gris fêtent leur arrivée par trois victoires d'étapes consécutives dont le contre-la-montre par équipes devant les pros de Renault-Gitane, l'équipe de Greg LeMond.
La fusion du T.1 et du T.2 ne se fera jamais malgré une tentative en 1967 après  un Tour 1966 où les managers, encore eux, avaient joué un rôle qui avait déplu à Félix Lévitan.
Un mur encore plus infranchissable que celui de Berlin, construit juste après le Tour de l'Avenir 1961, séparait le cyclisme en deux mondes : l'Olympisme avec d'un côté les pros et de l'autre, les pseudo amateurs payés par leurs pays pour faire du vélo. Les « purs » auraient perdu le droit de courir les J.O. en se fondant dans le peloton des pros. Et ça, une moitié du monde, surtout la partie Est, ne le voulait pas.

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

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