La Grande Interview : Grégoire Somogyi
Grégoire Somogyi a dû demander une dérogation pour participer au Circuit Méditerranéen, deuxième épreuve des Courses au Soleil, le 9 février. L'épreuve était en effet réservée aux coureurs âgés de 18 à 39 ans... Mais lui en compte 41. La recrue du CC Villeneuve Saint-Germain est ainsi le doyen du peloton DN1 cette saison. Pour autant, il n'entre pas dans la catégorie des vieux briscards, puisqu'il a débuté la compétition par petites touches il y a dix ans, jusqu'à atteindre la première catégorie l'an passé. "Je découvre tout ! Je vis un petit rêve", s'enthousiasme-t-il. C'est dire si le Picard ne touche plus terre en ce moment. Quand il n'est pas sur son vélo, il est pilote de ligne sur des lignes européennes voire africaines.
DirectVélo : Comment débarques-tu dans une équipe de DN1 à 41 ans ?
Grégoire Somogyi : J'ai toujours fait du vélo sur route et du VTT depuis tout petit. J'ai commencé la compétition il y a dix ans, à la fin de mes études. Je n'avais pas le temps auparavant.
Il t'a fallu attendre 2013 pour accéder à la première catégorie...
Oui, j'ai mis le temps. Je disputais entre trois et dix courses par saison au maximum. Il y a deux ans, j'ai essayé de faire du vélo plus sérieusement. J'étais installé dans mon travail donc au moment où on établissait les plannings j'ai pu commencer à proposer des horaires de travail qui me convenaient, pour pouvoir m'entraîner et courir en parallèle. De façon quasi automatique, mon niveau sportif a augmenté. Je me retrouvais souvent devant et je me sentais capable de lever les bras.
« LE VELO NOUS RASSEMBLE »
C'est ainsi que tu as remporté ta première course en première caté ?
Ça s'est passé en juillet dernier au Grand Prix de Villers-en-Cauchies (Nord). En première catégorie, ce n'est pas facile de s'imposer. La course n'est jamais terminée, il y a toujours un gars qui peut revenir de l'arrière. Alors j'étais vraiment satisfait.
Ce succès t'a aidé à nouer contact avec le CC Villeneuve Saint-Germain ?
Nous avons commencé à discuter le jour-même. Puis nous avons poursuivi les échanges sur les courses du Nord-Pas-de-Calais. Le Team Peltrax et l'AS Corbeil-Essonne m'ont également contacté. Mais pour des raisons géographiques et surtout de feeling, j'ai préféré de loin rejoindre le CC Villeneuve Saint-Germain. Aujourd'hui, je ne regrette pas mon choix. Il y a une bonne ambiance, avec un staff et des coureurs sympas.
Des coureurs qui ont une vingtaine d'année de moins que toi...
Le vélo nous rassemble ! Même si je suis plus âgé que mes coéquipiers, nous sommes tous des cyclistes. Je me sens assez bien intégré, que ce soit à table ou lors des déplacements.
« PREMIERS COLS, PREMIERES DESCENTES »
Et sur le vélo, il y a une différence entre les jeunes coureurs et toi ?
Paradoxalement, ils ont souvent plus d'expérience du cyclisme que moi. La semaine dernière en Espagne, pour notre stage de pré-saison, j'ai monté des cols pour la première fois. J'ai donc découvert mes premières grandes descentes également, et j'ai encore un peu de mal dans ce domaine. Moi, je vais avoir tendance à trop réfléchir, je me vais demander ce qu'il y aura derrière le virage. Un jeune sera davantage fonceur.
Même manque d'habitudes pour rouler dans un peloton ?
Sur la première course de la saison, le Circuit Méditerranéen, nous étions cent-vingt, ça frottait beaucoup. Je n'allais pas faire le sprint... Ce n'est pas mon truc. Alors, j'ai laissé faire les autres en me disant que j'aurai la chance de m'exprimer plus tard dans la saison, sur des parcours plus difficiles. Malgré tout, cette première s'est bien passée. J'étais dans le peloton, à mi-course, quand il restait une quarantaine de coureurs dans le peloton. Il y a ensuite eu une erreur de parcours, ce qui a permis au second peloton de revenir. Par la suite, je suis resté tranquille.
Tu profites de ton métier de pilote de ligne pour rouler au soleil ?
Ce n'est pas si facile... Je travaille pour la société Europe Airpost. La nuit, je transporte du courrier. La journée, des passagers. Je vais dans toute l'Europe mais il m'arrive aussi d'aller en Afrique, comme récemment au Burkina-Faso. Ces derniers jours, j'étais à Palma de Majorque (Espagne) et j'ai d’ailleurs croisé les BMC et les Giant-Shimano. Mais c'est trop compliqué de transporter mon vélo. Alors je profite des escales pour récupérer ou pour faire du vélo en salle.
« PLUS DE STRESS SUR LE VELO QUE DANS L'AVION »
Qu'est ce qui te rend le plus fier ? Ton statut de pilote de ligne ou celui de coureur en DN1 ?
Compliqué de répondre à cette question : je ne sais pas si mon chef va lire l'article (sourires) ! Etre cycliste, c'est plus « punchy ». J'ai l'impression qu'être pilote de ligne, c'est donné à plus de monde. Une fois que tu entres dans ce métier, le travail est moins difficile qu'on ne se l'imagine. Pour être devant en vélo, il faut faire attention à beaucoup de choses. Ce n'est pas si simple d'obtenir des résultats.
Pilote ou coureur : qu'est-ce qui est le plus stressant ?
Je suis bien plus stressé sur le vélo qu'aux commandes de l'avion ! Je suis moins habitué à être cycliste au cœur d'un peloton. Mais mes deux activités se complètent. En vélo, il y a le stress des objectifs, le désir de décrocher une bonne place. Au travail également, il y a une part de stress. Mais j'arrive à bien la gérer grâce à mon expérience dans le vélo.
Pilote ou coureur : qu'est-ce qui est le plus dangereux ?
Probablement le vélo. Tout peut arriver : un nid de poule, une route glissante, une crevaison, un voiture qui vient de face, un accrochage dans le peloton... Mon métier de pilote m'aide un peu quand je suis sur un vélo, en particulier dans les trajectoires, mais conduire une voiture ou une moto est encore plus proche du ressenti cycliste. Dans l'avion, tout est en trois dimensions.
« JE VIS UN PETIT REVE »
A l'aube de cette saison, on te sent motivé comme un Cadet...
Je m'amuse, je découvre tout ! Je vis en quelque sorte un petit rêve. Je suis content d'être sur le vélo. Je le vois à l'entraînement. Parfois, autour de chez moi, je roule avec des gars qui me disent qu'ils doivent encore s'entraîner trois heures. Moi, quand il ne me reste plus que trois heures de sortie, je commence à me dire "dommage".
Tu espères courir combien de saisons à ce niveau ?
Au moins une, c'est sûr. Si le club m'accorde sa confiance en fin d'année, je serai encore en DN1 en 2015. Et pourquoi pas en 2016 également ? Au-delà, je ne me verrais pas continuer. Je descendrai en deuxième catégorie, puis en troisième et enfin en Départementale.
Il y a des courses que tu aimerais disputer plus que d'autres cette année ?
La Ronde de l'Oise, je crois que ça s'appelle comme ça ? Elle se déroule près chez moi, alors je suis candidat pour être au départ. J'ai aussi envie de participer aux épreuves d'un jour dans le Nord, comme le Grand Prix de Pérenchies ou le Grand Prix des Marbriers.
« JE RATTRAPE LE TEMPS PERDU »
Tu aimes ces courses d'un jour dans le Nord ?
Oui, beaucoup et j'en garde un très bon souvenir. L'an passé, je m'y rendais dans des conditions un peu différentes de celles que le club mettra à notre disposition cette année. Je me déplaçais tout seul et je garais ma petite bagnole entre le bus de l'Armée de Terre et le camping-car de Roubaix-Lille Métropole...
Et les manches de la Coupe de France ?
Avec le règlement qui limite à deux coureurs par équipe les étrangers et/ou les plus de 26 ans, je sais que ce sera difficile d'obtenir ma place dans notre effectif. J'espère tout de même pouvoir disputer quelques manches et marquer quelques points. Par ailleurs, l'objectif serait de gagner une course en première catégorie.
Tu as des regrets d'arriver à ce niveau sur le tard ?
Des petits regrets, mais ils vont s'estomper. Aujourd'hui, j'ai l'impression de bien rattraper le temps perdu. Il fallait de toute façon faire un choix entre les études et le vélo. Ma priorité, c'était de me battre pour obtenir le premier poste de pilote de ligne.
Crédit Photo : Nicolas Gachet - www.directvelo.com