Audrey Cordon: «Une nouvelle ère pour l’Equipe de France»
Partie à l’étranger cette saison après des années dans l’équipe Vienne-Futuroscope, Audrey Cordon a passé un gros cap en 2014 avec un calendrier très riche, un rôle d’équipière de luxe auprès de l’Italienne Elisa Longo Borghini et tout de même trois victoires de prestige sur le sol français lorsqu’on lui a laissé carte blanche. Quelques jours avant les Championnats du Monde de Ponferrada où elle aura un rôle de co-leader aux côtés de Pauline Ferrand-Prévot, la Bretonne de 24 ans fait un point complet sur sa saison pour DirectVelo.com.
DirectVélo : Tu vas disputer le Chrono Champenois ce dimanche. Ce devrait être un bon test avant le Mondial, d’autant que les parcours des deux chronos sont plus ou moins similaires ?
Audrey Cordon : Oui, il n’y aura que quatre kilomètres de moins là-bas (33 kilomètres contre 29 au Mondial, NDLR). Le format sera sensiblement le même entre les deux chronos. Le profil est comparable, avec un départ assez plat et puis un final plus vallonné, même si le Chrono Champenois sera quand même moins dur que celui du Mondial. Ce chrono, ce sera surtout une bonne conclusion à notre stage avec l’ensemble de l’Equipe de France. Je suis vraiment contente de la semaine écoulée. Toute l’équipe a pu se retrouver avant le Championnat du Monde. Cela ne nous était pas arrivé depuis pas mal d’années. On se rejoignait seulement sur le lieu de la compétition. En course, c’était compliqué car nous n’avions aucun automatisme. Nous étions adversaires tout le reste de l’année et n’avions pas le temps de prendre de repères. Cette année, le stage a apporté beaucoup de choses. C’est une très bonne initiative de Sandrine Guirronnet (la sélectionneuse nationale). On a pu passer du temps ensemble, discuter de tout et de rien, y compris d’autres choses que du vélo. Cela a créé une bonne ambiance. Et puis sportivement parlant, on a pu se régler.
« J’AVAIS BESOIN D’UN BOL D’AIR »
Juste avant ce stage, tu avais disputé le Boels Rental Ladies Tour, course d’une semaine aux Pays-Bas. Etait-ce la préparation idéale en vue des Championnats du Monde ?
Oui, je pense. J’ai vraiment eu de superbes sensations toute la semaine là-bas, même si le profil n’était pas forcément à mon avantage. J’ai pu me tester sur un contre-la-montre mais aussi sur la dernière étape qui était assez dure, même si j’ai dû abandonner sur incident mécanique. Il y avait beaucoup de rythme toute la semaine et un gros niveau. C’était une meilleure préparation que le Tour d’Ardèche car là-bas, le temps de récupération est minime et les étapes très exigeantes. D’ailleurs, on a pu le voir durant le stage : les filles qui revenaient d’Ardèche étaient un peu cramées. Le Tour d’Ardèche, je sais ce que c’est. A chaque fois que je l’ai fait, j’ai eu du mal au Mondial. Cette fois, j’ai changé de programme. On verra si c’est payant.
Beaucoup de choses ont changées pour toi cette saison. On te sent épanouie à l’étranger…
L’équipe du Futuroscope m’a permis de progresser depuis ma première année Espoirs. Mais j’avais besoin d’un bol d’air. J’avais vraiment fait le tour au Futuroscope. On était au maximum de ce que je pouvais leur apporter, et de ce qu’eux pouvaient m’apporter également. Il était temps de prendre des risques en partant à l’étranger (elle a rejoint la formation norvégienne Hitec Products, NDLR). J’ai été obligée de m’adapter, d’apprendre l’anglais. Encore une fois, c’était une vraie prise de risque mais franchement, je me suis intégrée super vite. Il faut dire que j’ai joué le jeu d’entrée en me tenant à un rôle d’équipière dès le début de saison. Les filles ont vite vu qu’elles pouvaient me faire confiance, et je pense en particulier à notre leader Elisa Longo Borghini. J’ai vite pu créer des liens très forts avec elle. Je n’avais jamais connu une telle relation avec quelqu’un dans le vélo jusqu’à présent. C’est vraiment une chance.
« DEVENIR LEADER A MON TOUR, ET LE PLUS VITE POSSIBLE »
N’aspires-tu pas malgré tout à un rôle plus important à moyen terme ?
Evidemment ! Je me dis que moi aussi, je pourrais être à la place d’Elisa (Longo Borghini). Je connais la marche à suivre. J’aspire à devenir leader à mon tour, et le plus vite possible. C’est ce qui me motive. L’objectif n’est pas de rester équipière toute ma vie. D’ici un voire deux ans, j’espère être au top et pouvoir tenir ce rôle-là. Mais encore une fois, il faut passer par ce rôle d’équipière. Et je le fais avec grand plaisir. Ce n’est pas une corvée.
Tu as eu un calendrier riche et dense cette année, avec entre autres une participation au Tour d'Italie. N’était-ce pas là le meilleur moyen de progresser ?
J’avais besoin de découvrir de nouvelles courses, de changer de calendrier. Et franchement, je n’ai pas été déçue ! En plus, j’ai plutôt bien digéré ce gros calendrier. J’ai simplement eu une petite période creuse juste avant le Tour des Flandres, qui était quand même l’un de mes objectifs. Mais derrière, j’ai vite su me remobiliser et je suis repartie sur une bonne dynamique. Je pense avoir été régulière tout au long de l’année. Surtout, j’ai quand même eu ma chance de temps en temps (elle avait pris la 3e place sur le Circuit d’Hageland en Belgique en début de saison, puis la 5e place de Cholet-Pays de Loire avant de remporter le Grand Prix de Plumelec devant sa co-équipière Elisa Longo Borghini, NDLR). C’est aussi ce qui me fait plaisir avec Elisa et le reste de l’équipe. Je sais que personne n’a d’arrière-pensée. On ne me met pas de pression. On me laisse ma chance et si je me rate, les filles continuent de me soutenir. Ce comportement de l’ensemble de l’équipe m’a donné confiance en moi.
« EN EQUIPE DE FRANCE, IL Y A UNE COHESION ET UNE MOTIVATION INCROYABLE »
Tu sembles marcher très fort depuis le début de l’été, avec notamment une victoire d’étape sur le Tour de Bretagne puis une autre sur la Route de France. Peut-on parler de montée en puissance jusqu’au Mondial ?
Complètement, je suis montée en puissance et ce notamment grâce à l’Equipe de France. D’ailleurs, je veux encore insister sur le rôle de l’Equipe nationale cette année. Avant, il faut bien le dire, c’était un peu une corvée d’aller en Equipe de France. L’ambiance n’y était pas exceptionnelle non plus. Personnellement, j’avoue que je n’avais plus envie d’y aller. Et finalement, j’y ai vraiment repris goût. Encore une fois, c’est grâce à Sandrine (Guirronnet) et au travail du nouveau staff. Cela a boosté tout le monde. Mon expérience sur la Route de France a été superbe. L’équipe n’était pas forcément la plus forte sur le papier, mais il y avait une cohésion et une motivation incroyable. Grâce à tout ça, nous avons pu faire des miracles (outre sa victoire d’étape sur la Route de France, Audrey Cordon a pris la 4e place du général puis a terminé 11e du Grand Prix de Plouay NDLR).
Les sorties avec l’Equipe de France semblent devenues un objectif prioritaire pour toi…
Oui, je suis très optimiste quant aux chances de l’ensemble du groupe de faire de gros résultats. J’ai entièrement confiance en l’ensemble des filles sélectionnées pour le Mondial. Je sais que l’on sera toutes prêtes le Jour-J. Je suis persuadée que l’on peut faire un truc. Je crois que c’est la première année où l’on va toutes arriver au Mondial avec cette motivation-là. Personnellement, je pense que c’est vraiment une nouvelle ère pour l’Equipe de France. En tout cas, c’est une nouvelle ère pour moi. Et puis, si vraiment on se loupe sur ce Mondial, il y aura celui de l’an prochain ! Je suis déjà prête à resigner avec ce groupe (sourires). Puis il y aura les Jeux Olympiques en 2016 ! On est en train de construire un beau groupe pour l’avenir.
« LES FILLES SAVENT QUE JE LACHE DIFFICILEMENT LE MORCEAU »
A Ponferrada, tu seras co-leader de l’Equipe de France avec Pauline Ferrand-Prévot. Te penses-tu capable de faire un gros coup sur ce Mondial ?
Cette année, je pense avoir prouvé que j’étais capable d’être leader et d’assumer un statut de leader. Je pense notamment à la Route de France. Maintenant, c’est vrai qu’il est difficile de comparer la Route de France avec le Championnat du Monde. Je sais que le circuit du Mondial peut me convenir. Sur des courses longues et difficiles, je peux tirer mon épingle du jeu. Quant au chrono, c’est encore autre chose. C’est un effort particulier, je serai toute seule. J’aimerais finir dans le Top 12.
Pauline Ferrand-Prévot sera sans doute très surveillée lors de la course en ligne. Dans un scénario de course idéal, cela pourrait te profiter…
Oui, complètement. J’en ai parlé avec Pauline ! Elle ne veut pas que l’on joue uniquement sa carte. Elle a bien conscience qu’elle sera très surveillée. Maintenant, je sais que je ne suis pas une inconnue non plus. Les filles savent que je suis en forme et que je lâche difficilement le morceau. Je pense aussi aux autres filles de l’équipe. Si Pauline et moi sommes trop contrôlées, ça laissera des opportunités à des filles comme Elise (Delzenne) ou Aude (Biannic). C’est ce qui est intéressant dans l’équipe. Le groupe est homogène, même si Pauline sort du lot. Le but, ce sera d’arriver en surnombre dans le final et d’essayer d’en profiter. Sur ce type de circuit, il faudrait que j’anticipe car sinon, j’aurais peut-être du mal à accrocher un Top 10. Idéalement, il faudrait que je puisse sortir avec un groupe de trois-quatre filles, puis qu’un groupe avec les favorites revienne de l’arrière dans les tous derniers kilomètres. Là, franchement, ce serait l’idéal (sourires).
Crédit Photo: Elen Rius