Contre-la-montre : Pourquoi les Français rament ?

"Les quatre représentants français sur les épreuves contre-la-montre Hommes sont passés à côté ces deux derniers jours. Ce n’est sans doute pas qu’une histoire de circonstances défavorables. Il y a certainement des leçons à tirer de ces résultats. Il faut se remettre en question", admet le sélectionneur de l’Equipe de France Espoirs Hommes, Pierre-Yves Chatelon pour DirectVelo.com. Lundi, ses deux protégés, Rémi Cavagna et Bruno Armirail, étaient passés à côté de leur contre-la-montre, en prenant respectivement les 40e et 46e places. Même constat pour le sélectionneur des Juniors, Julien Thollet. "Le sentiment qui prédomine, c’est la déception, forcément. On avait fondé de gros espoirs sur Corentin (Ermenault) notamment. Jérémy (Defaye) aussi était capable de mieux." Ce mardi après-midi également, Aude Biannic et Audrey Cordon n’étaient "pas dans un bon jour" sur le chrono Elites Dames, comme elles ont pu le confier à DirectVelo.com. Alors comment expliquer toutes ces contre-performances ?

« EN FRANCE, LE CHRONO N’EST PAS UNE PRIORITE »

"Nous n’avons pas du tout la culture du chrono comme peuvent l’avoir les Allemands, les Australiens ou les Britanniques", explique Pierre-Yves Chatelon. "Je pense notamment à l’absence d’organisations de courses chronométrées pour les Cadets ou les Juniors. En France, on rêve de voir un coureur du pays gagner le Tour de France, mais le chrono n’est pas une priorité". Julien Thollet partage cet avis. "On n’a pas la culture du chrono. Les Australiens marchent très fort depuis deux jours. Les Américains aussi, c’est leur truc. Mais nous, on n’aime pas le chrono en France". Ce n’est pourtant pas faute de ne pas s’investir. "On bosse ! Depuis 10 ans, nous avons toujours préparé minutieusement les chronos. Alors c’est vrai que l’on est dans l’expectative. On a beau travailler, on n’arrive quand même pas à obtenir de résultats. Il faut se poser les bonnes questions", poursuit Pierre-Yves Chatelon.

Alors, ne serait-il pas - par exemple - plus judicieux de voir les Juniors français disputer l’ensemble de leurs chronos nationaux sur des machines... de contre-la-montre ? "Cela peut compter, oui. On avait mis en place cette règle du vélo de route pour éviter une course à l’armement. Mais c’est sûr que du coup, on n’aborde pas un travail de contre-la-montre de la même façon avec du matériel traditionnel", précise Pierre-Yves Chatelon. Qu’en est-il de la longueur des contre-la-montre tout au long de la saison ? "C’est vrai que même en Espoirs, nous ne faisons jamais de chrono de cette distance-là. Ce ne sont pas des choses que l’on peut travailler naturellement. Il faut du travail spécifique. Mais le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Si on prend le palmarès des Championnats du Monde contre-la-montre individuel, que ce soit en Juniors ou Espoirs sur ces 10-15 dernières années ; est-ce que ce sont des gars que l’on retrouve au plus haut-niveau chez les pros par la suite ? Pas toujours, puisque notre système n’est pas le bon. Faut-il absolument faire une mue complète pour sortir de purs spécialistes du contre-la-montre ? Nous n’en sommes pas convaincus non plus", admet le sélectionneur national Espoirs.

« UN REFRAIN QUI REVIENT TROP SOUVENT »

"Rémi (Cavagna) et Bruno (Armirail) vont progresser parce qu’ils sont jeunes. Mais on les voit difficilement atteindre le niveau pour faire un podium sur un Mondial, à près de 50 km/h de moyenne comme le vainqueur de lundi (Campbell Flakemore). C’est vrai que je suis assez dubitatif. En plus, ce n’est pas la première fois que l’on se rate sur un Mondial. Il n’y a pas si longtemps, nous avions Pierre-Henri Lecuisinier ou Alexis Gougeard qui gagnaient des chronos en Coupe des Nations. On était arrivé avec de grosses ambitions au Championnat du Monde, avec une vraie préparation. On avait fait du spécifique derrière scooter toute l’année. Et puis à Copenhague, ils avaient pris les 10e et 11e places". Julien Thollet, qui a eu l’occasion d’échanger à ce sujet avec Pierre-Yves Chatelon quelques minutes après l’arrivée, partage cet avis. "Jérôme Coppel était très performant chez les jeunes et là, chez les pros, il se cherche un peu sur certains chronos. Même chose pour Tony Gallopin. C’est un refrain qui revient trop souvent, et du coup il faut que l’on bosse notre approche, notre méthode. Il faut aussi se battre pour qu’il y ait plus de chronos".

"L’exemple de Corentin (Ermenault) aujourd’hui est encore très parlant. Il avait un problème de force par rapport à Kämna, on l’a vu lorsqu’il l’a passé", ajoute Pierre-Yves Chatelon. Il est vrai que la contre-performance de Corentin Ermenault est peut-être la plus frappante de toutes, tant le Picard avait réalisé de grosses performances contre-la-montre jusqu’à présent en 2014. Julien Thollet semble incapable d’expliquer cette 14e place. "Il avait fait de très bons Championnats d’Europe. Il avait eu un bel été avec plusieurs Championnats route et piste. J’étais régulièrement en contact avec son entraîneur. Je pensais que la gestion était bonne, même s’il a eu de longs voyages à Séoul ou au Portugal notamment. Après la piste, il avait su se reconcentrer sur le Championnat de France où il avait écrasé la concurrence. Derrière, il était parti en vacances et fait une bonne coupure. On pouvait être confiant. Mais finalement, aujourd’hui c’est un peu le naufrage". Pourrait-il également y avoir une pression de l’enjeu ? "Peut-être. On travaille aussi dans ce sens-là, avec une préparation mentale. C’est difficile de trouver des explications, mais il est certain que l’on ne peut pas se satisfaire de ces résultats-là", réagit Pierre-Yves Chatelon.

Faut-il également voir ce qu’il se fait du côté des formations anglophones ou de l’Allemagne ? "Y’a-t-il d’autres méthodes que les étrangers appliqueraient et que l’on ne connaît pas ? Peut-être. Il ne faut s’interdire aucunes questions. Et pourtant quand on voit l’Allemand (Lennard Kämna)... il avait fait une préparation sur route très classique puisqu’il était avec nous au GP Rüebliland". Beaucoup de questions et donc de réponses à trouver dans les mois à venir pour les rouleurs français et leur staff. "Il y a plein de choses à creuser. J’ai envie de me pencher sur la méthode, de travailler là-dessus. Je sais que ça tient à cœur à Pierre-Yves également", conclut Julien Thollet.  

Crédit photo : Gwendolène Poisson
 

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