La Grande Interview : Clément Mary

Encore un Mayennais ! Après Philippe Dalibard, Ludovic Turpin, Freddy Bichot, les frères Madiot, Jacky Durand et même François Pervis, c'est encore un Mayennais qui devient Champion de France. Pour son premier bouquet de l'année, Clément Mary a visé juste, au bon moment et a réalisé la course parfaite. "Le circuit était difficile, il fallait être costaud", tient à rappeler le coureur de Sojasun espoir.
Fraîchement auréolé de son titre de Champion de France Amateurs, le coureur, pas vraiment habitué à être sous les feux des projecteurs, a accepté de se confier à DirectVelo.com. Sérieux dans son approche du vélo, le Mayennais espère que le maillot tricolore lui permettra de "prendre confiance" en lui. Pas vraiment ennuyé à l'idée d'avoir une pancarte dans le dos, celui qui était encore en DN3 la saison dernière préfère prendre son temps. Il compte sur une "progression linéaire" pour atteindre ses objectifs, avec, pourquoi pas, l'ambition de passer pro.

DirectVelo.com : Tu as pu étrenner ton maillot de Champion de France lundi dernier sur le Critérium d'Avranches. Comment l'as-tu vécu ?
Clément Mary : J'ai senti les regards sur moi. Je n'y suis pas habitué, ça m'a un peu stressé... J'ai eu la sensation d'avoir une pancarte dans le dos. Les autres coureurs m'attendent plus, forcément, mais je n'ai disputé qu'une seule course depuis mon titre. Je pense que ça ira beaucoup mieux sur la prochaine. Depuis quelques jours, l'euphorie est passée.

Tu as la sensation de mériter ce maillot ?
Oui, le circuit était difficile, il fallait être costaud pour s'imposer. Je me dis que si j'en suis là c'est que je fais sûrement partie des meilleurs. Mais je n'oublie pas mon équipe : sans le travail de mes coéquipiers je n'aurais rien pu faire. Il y a une très bonne ambiance dans le groupe, on court ensemble. On gagne chacun notre tour avec Fabrice (Seigneur), Adrien (Legros) et Camille (Guérin).

« PAS DU GENRE A FAIRE LA FÊTE EN COURS DE SAISON »

As-tu déjà ta propre tenue bleu-blanc-rouge ?
Pas encore. Dimanche je pourrai la porter sur Manche-Océan si tout va bien. En attendant, je cours avec une des tenues de Jean-Marie Gouret (Champion de France de poursuite par équipes 2014, NDLR). De toutes façons, Sojasun a encore une tenue d'Anthony Delaplace qui sert de modèle d'exposition si besoin est [rires]. Je pense faire encadrer mon maillot de protocole avec ma médaille et mes dossards. Je les accrocherai dans ma chambre.

Comment as-tu fêté ton titre ?
J'ai bu un verre avec les gars le soir même, c'est tout. Je savourerai plus pleinement une fois la saison terminée. Je ne suis pas du genre à faire la fête en cours de saison. Je n'aime pas me coucher tard. Pendant l'hiver, d'accord, mais le vélo nécessite une certaine hygiène de vie. On se doit d'être sérieux tout au long de la saison, c'est à dire de février à octobre.

Vas-tu changer ta manière de courir, de t'entraîner ?
Pas du tout ! Je vais continuer à faire ce que je sais faire. Je vais courir comme d'habitude et m'adapter selon les situations de course.

As-tu connu un déclic cette saison ?
En fait tout part du Tour de Bretagne, fin avril, pendant lequel je me suis blessé et n'ai pas pu disputer la dernière étape. A la suite de ça, j'ai dû arrêter pendant un dizaine de jours. J'ai commencé à me sentir mieux sur le Tour de Gironde et sur le Championnat de Bretagne, où je termine 7e. Les sensations étaient vraiment bonnes. Ensuite, au Tour d'Eure-et-Loir, ça allait même si l'équipe a été en retrait à cause du prologue qu'on a un peu loupé. Finalement, sur le Tour Nivernais-Morvan j'ai pris conscience que ma forme était vraiment bonne. Je me suis dit que je pouvais être Champion de France à condition de faire la course parfaite et d'avoir un peu de réussite...

« J'AI REFUSE UNE PROPOSITION DE SOJASUN EN 2013 »

C'est donc le résultat d'une progression constante...
Tous les ans je franchis un palier. Je m'améliore tranquillement. D'habitude je finis bien la saison donc j'espère que cette année ce sera encore le cas. J'encaisse bien les charges d'entraînement, je ne lâche rien de février à septembre.

Ton passage de l'ASPTT Rennes à Sojasun espoir t'a aidé à changer de dimension ?
C'est sûr que la DN1 est un autre monde. L'organisation est semblable à celle des pros : plus besoin de préparer toi-même ton vélo, de penser à tes bidons... Je trouve ça très agréable de ne pas avoir à penser à autre chose que la course elle-même. Après, il y a bien entendu la pression du résultat mais j'ai bien commencé l'année, tout comme l'équipe d'ailleurs. La transition s'est donc bien déroulée. J'ai également pu engranger pas mal d'expérience grâce aux courses par étape ce qui est une très bonne chose.

Comment es-tu passé de la DN3 à la DN1 ?
Fin 2013, Sojasun m'avait déjà proposé d'intégrer leur équipe mais j'avais refusé. Je ne me sentais pas prêt. A la fin de la saison dernière, j'ai plutôt bien marché et je me suis rendu compte que je pouvais jouer la gagne sur des Élites Nationales. C'était d'ailleurs le problème à l'ASPTT Rennes : on n'y participait pas souvent et quand on le faisait, on n'était que trois ou quatre... (lire ici) Je connais Fabrice Seigneur depuis son passage à l'ASPTT, nous avons le même entraîneur. Il a discuté avec son directeur sportif pour voir s'il y avait une possibilité de m'intégrer à leur effectif...

« PAS TROP TARD POUR PASSER PRO »

Comment te décrirais-tu en tant que coureur ?
J'ai une bonne pointe de vitesse, j'ai déjà fait des places sur des sprints massifs. Quand la forme est là, je passe bien les bosses. Je n'ai jamais de gros trous dans la saison, je suis un coureur régulier. Le passage en DN1 n'est pas si facile, notamment en raison de la distance. A la base, je n'ai pas forcément confiance en moi. Mon titre de Champion de France va sûrement m'amener à tenter d'avantage en course, faire des choses que je ne faisais pas avant.

As-tu dans un coin de ta tête l'ambition de passer pro ?
Quand je suis arrivé en DN1, mon objectif était de passer pro mais mes résultats du début de saison n'ont pas été suffisants. Ma victoire à Chantonnay n'y change rien, il faut que je confirme. Je me laisse jusqu'à la saison prochaine, jusqu'à 25 ans ce n'est pas trop tard. Même après, c'est encore possible. Il y a de nombreux exemples de coureurs qui sont passés pros sur le tard...

As-tu un plan de secours, au cas où ?
J'ai validé un BTS en travaux publics. Au début de l'année, j'ai passé un concours de la fonction territoriale qui est valable trois ans. Pour l'instant, je ne me projette pas plus que ça. Cette année, c'est la première fois que je me consacre uniquement au vélo. On fera les comptes à la fin.

« LE VELO C'EST PLUS TACTIQUE QUE LE FOOT»

Comment es-tu arrivé dans le milieu du cyclisme ?
C'est une passion. J'aime le sport en général. Par le passé, j'ai fait du foot, du tennis et même de l'athlétisme. J'avais un bon copain qui faisait du vélo et j'ai intégré une école de cyclisme. On faisait du jeu de quilles et le samedi c'était soit course, soit sprint. J'ai trouvé ça sympa. A 13 ans, j'ai intégré mon premier club : le Bocage Cycliste Mayennais. Honnêtement, je n'étais pas un crack... J'ai même bien "galéré" jusqu'à ma deuxième année chez les Cadets où j'ai enfin remporté ma première victoire.

Pourquoi avoir choisi le vélo plutôt que le foot ou l'athlétisme ?
Je n'ai pas fait beaucoup d'athlé, un an seulement. On faisait un peu de tout mais je me souviens que je courais vite... Dans le vélo, l'aspect physique m'a tout de suite plu, j'aime me dépasser. Et puis ça peut paraître bizarre mais je trouve la discipline beaucoup plus collective que le foot. Jusqu'à 12 ans, de ce que j'ai pu en voir, le but était simplement de marquer, je n'ai pas aimé la mentalité... C'était beaucoup trop déséquilibré : des fois on gagnait largement, d'autres fois c'était l'inverse. Le plus gênant c'est qu'il n'y avait aucune tactique.

Où vis-tu cette saison ?
A Châteaugiron. Je partage un appartement de 60 m² avec ma copine depuis trois ans. D'ailleurs, comme Thomas Rostollan, j'avais parié que si j'étais Champion de France elle arrêterait de fumer. Elle m'avait dit qu'en échange je la demanderais en mariage. Elle a rempli sa part du contrat mais moi pas encore : je ne lui ai pas précisé quand je lui demanderai sa main [rires]. Je n'ai pas encore la situation pour l'assumer...

Crédit photo : Maxime Segers - www.directvelo.com
 

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