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Ancienne gloire du cyclisme estonien dans les années 1990 et 2000, Jaan Kirsipuu attend beaucoup des jeunes talents du pays sur les Championnats d’Europe qui débutent ce jeudi à Tartu, en Estonie. DirectVelo.com est allé à sa rencontre à la veille des premières épreuves.
DirectVelo.com : Que t’inspire le parcours de ces Championnats d’Europe 2015 à Tartu ?
Jaan Kirsipuu : C’est un parcours que je connais bien. La 2e étape du Tour d’Estonie se déroule sur le même circuit. C’est un parcours assez usant. Les conditions climatiques vont beaucoup jouer pour le déroulement des différentes courses. Il y a une partie très technique sur le circuit. S’il pleut, ça pourrait beaucoup étirer le peloton et créer des chutes dans des virages dangereux. Sur le Grand Prix de Tartu, il n’y a jamais d’arrivée massive. Mais sur ces Championnats d’Europe, je pense qu’il y a beaucoup plus de chances qu’il y ait des arrivées massives.
D’autant que les deux principales bosses de parcours sont au début du circuit…
C’est vrai, même s’il y a une troisième légère bosse dans le final. Mais ce sera sans doute difficile de s’échapper dans le final. Si c’est groupé à 2-3 kilomètres de l’arrivée, j’imagine difficilement quelqu’un pouvoir sortir et aller au bout. Cela dit, tout est possible. Ce sont de petites bosses mais à la longue, ça fait bien mal aux jambes. Sur une course de 160 kilomètres pour les Espoirs, ça peut faire de grandes différences. Les dernières bosses feront mal en fin de course.
« IL Y A PLUS DE COUREURS DE TRES BON NIVEAU QU’A MON EPOQUE »
Le contre-la-montre est-il favorable aux purs rouleurs ?
Oui, clairement. La plus grosse bosse, ce sera un tout petit faux-plat au niveau d’un pont (sourires). C’est un beau parcours pour purs spécialistes. Il y aura quelques ronds-points sur le parcours, mais rien de vraiment technique. Les coureurs estoniens connaissent les pièges de ce parcours. C’est un avantage. La pluie pourrait nous être favorable mais honnêtement, ce n’est même pas souhaitable. S’il fait aussi beau qu’aujourd’hui (mercredi, 25°C au meilleur de la journée, NDLR), ce sera plus sympa, et il y aura beaucoup plus de monde sur le bord de la route.
Quel regard portes-tu sur l’évolution du cyclisme estonien ces dernières saisons ?
Aujourd’hui, il y a plus de coureurs de très bon niveau qu’à mon époque. D’ailleurs, on a eu du mal à sélectionner les coureurs pour ces Championnats, notamment dans la catégorie Espoirs. Nous avons opté pour les plus anciens, qui ont l’expérience de courir en France. Il ne faut pas oublier que les coureurs présents ici courent en France chez les amateurs. Cette année, les gars ont vraiment pu faire de bons résultats. Je pense notamment à Mihkel Räïm ou Martin Laas, et bien d’autres atouts encore. On peut compter sur trois ou quatre coureurs au moins pour aller faire un résultat. Je pense que l’équipe Espoirs d’Estonie est l’une des meilleures nations mondiales actuellement. La course en ligne Espoirs sera notre plus grande chance de décrocher un titre, mais il ne faut pas oublier les Juniors. Nous avons de bons sprinters, comme Karl-Patrick Lauk ou Siim Kiskonen.
Martin Laas a remporté le Tour d’Estonie en mai dernier. Aura-t-il forcément le rôle de favori dans l’épreuve Espoirs ?
J’espère qu’il ne le voit pas comme ça (rires). Cela lui mettrait pas mal de pression. Je pense qu’il faudra simplement qu’il prenne cette course comme n’importe quelle autre. Cela dit, on a vu qu’il supportait bien la pression sur les courses importants lors des Jeux Européens de Baku (28e). On a vu qu’il avait le niveau là-bas, puisqu’il était encore avec les tous meilleurs à deux tours de l’arrivée, au milieu des pros. Je ne me fais pas trop de soucis pour lui, mais il ne faut pas oublier qu’un Championnat, ça reste aussi de la loterie.
« ON A FAIT DES EFFORTS EN VUE DE CE CHAMPIONNAT »
On imagine qu’à domicile, les Estoniens ne viseront rien d’autre que la victoire…
Les coureurs sont vraiment motivés. Nous avons faits des stages cet hiver, en décembre et janvier. Nous avons un groupe uni. Chacun est prêt à travailler pour ses copains de l’équipe nationale. On a rarement vu une telle cohésion dans l’équipe Espoirs, aussi jeunes. J’ai rarement vu une telle bande de copains. Cette année, on s’est investi en Estonie pour ce Championnat. Cela reste très peu par rapport à d’autres nations, nous avons investi environ 30.000 euros de plus cette saison pour le cyclisme estonien, mais c’est déjà beaucoup. On a fait des efforts en vue de ce Championnat. Aujourd’hui, nous sommes 9e au classement de la Coupe des Nations. Nous sommes invités sur le Tour de l’Avenir. L’investissement est déjà rentabilisé. Plusieurs coureurs estoniens sont sur le point de signer un contrat professionnel. Si on fait un bon résultat ici, ce sera le top.
Les retombées pourraient être importantes pour le cyclisme estonien ?
Le cyclisme en Estonie n’est de toute façon pas marginal. C’est l’un des cinq sports majeurs du pays. Mais c’est vrai qu’avec un bon résultat, ça aidera. L’impact le plus important, c’est d’abord sur le Tour de France évidemment. Il y avait un engouement cette année encore autour de la participation de Rein Taaramäe et Tanel Kangert. Mais si les jeunes se mettent aussi à marcher, ce sera encore mieux. Si on a la chance de gagner cette semaine, il faudra vraiment en profiter pour développer encore ce sport, emmener de l’argent pour la fédération. Actuellement, on doit être autour de 400.000 euros, toutes disciplines confondues. Ce n’est rien. Alors si on peut avoir plus…
Peut-on imaginer voir la création dans un futur proche d’une équipe estonienne professionnelle avec les meilleurs coureurs du pays ?
Nous n’avons pas un sponsor capable de mettre assez d’argent sur la table pour créer une équipe Continentale en Estonie ? On a déjà fait les calculs, il nous faudrait au moins 600.000 euros. On a eu des contacts avec des entreprises, mais nous n’avons tout simplement pas l’argent suffisant. Il faudrait collaborer avec d’autres pays. C’est ce que nous essayons de faire avec les Finlandais en ce moment. Ils n’ont pas la même culture cycliste que nous, mais par contre, ils ont plus d’argent. Une collaboration serait intéressante. Il y a quelques touches, mais ce n’est qu’un projet. Là encore, un bon résultat cette semaine pourrait nous aider. Même un bon résultat des Finlandais pourrait nous être favorable, et ce n’est pas impossible. Ils ont une belle équipe Juniors notamment, même si ce sont avant tout des grimpeurs. Mais on surveillera d’abord les performances de nos Estoniens (sourires).
Propos recueillis par Freddy Guérin et Nicolas Mabyle.
Crédit photo : Nicolas Gachet - www.directvelo.com