Tour de l'Avenir : C'était aussi une journée noire
La foudre est tombée sur l'Equipe de France sur la première étape de montagne, dans un virage sur la gauche sans malice ni danger. L'herbe est un peu grasse au pied des sapins. Jérémy Maison est tombé ici, jeudi, au kilomètre 53,7 du Tour de l'Avenir, alors qu'il était seul en tête sur l'itinéraire Megève-La Rosière (Savoie).
Le futur professionnel de la FDJ (lire ici) venait de lâcher ses adversaires, les Colombiens surtout, et de basculer avec une minute d'avance au sommet du Col de Pré. Mais sa course s'est arrêtée dans la douleur. Il a le visage désespéré, le maillot déchiré sur son épaule gauche, qu'il essaie de tenir serrée, parce qu'il sent l'os bouger. Diagnostic : fracture de la clavicule et entorse cervicale.
Le médecin accourt pour l'examiner puis son directeur sportif, qui lui glisse ce qu'il peut de réconfort, le mécanicien enfin, qui enlève le vélo projeté deux mètres plus loin et le place sur la voiture puisque maintenant, il ne servira plus à rien.
"Je n'ai pris aucun risque", souffle Maison, qui crie son injustice du moment : "Je ne sentais vraiment pas les pédales aujourd'hui."
L'accident est classique, mais tourne au drame quand il frappe un coureur en lice, peut-être, pour une victoire d'étape, ou plus encore. Le silence s'installe dans la voiture de l'Equipe de France, quelques larmes tombent alors qu'une ambulance s'approche.
"On n'a vraiment pas de chance cette année", finit par dire Pierre-Yves Chatelon, le sélectionneur. "En une seconde, on passe d'un très beau numéro à une déception immense. C'est le vélo..."
En guise de consigne, l'entraîneur des Espoirs avait appelé chacun de ses coureurs à libérer son instinct : "Aujourd'hui, le Tour de l'Avenir se gagne ou se perd. Que chacun prenne ses responsabilités". Il avait esquissé le déroulé de l'étape, sa façon de voir l'enchaînement des quatre ascensions. Sans imaginer pourtant que la course s'emballerait si tôt, dès les premières rampes du Col des Saisies, avec Fabien Grellier et Elie Gesbert qui se joignent aux attaques, puis Jérémy Maison, qui se découvre loin de l'arrivée.
L'équipe connaissait la plupart des routes en détail, dont le Cormet de Roselend où Maison avait fait cavalier seul un an plus tôt. Elle avait reconnu l'essentiel des descentes, sur l'ensemble des journées alpestres. Sauf le revers du Col du Pré, qui ne semblait pas traître du tout.
Le co-leader des Bleus, transcendé par la traversée de sa Bourgogne le week-end passé, rêvait de cette cinquième étape en particulier. "Et du Tour de l'Avenir en général : il en parle depuis un an !", explique Chatelon.
Evacué vers l'hôpital de Bourg-Saint-Maurice, Maison sera opéré mardi à Paris.
Un quart d'heure après sa chute, c'est un autre Français qui se retire, Nans Peters, en délicatesse depuis sa chute de lundi. Déjà à la peine mercredi vers Cluses, distancé jeudi en début de course, il est également transféré à l'hôpital par son soigneur. Les radios révèlent un petit éclat osseux. Un examen complémentaire qui sera mené à Chambéry vendredi, pourrait aussi confirmer une contusion des tendons. "Deux à trois semaines de douleur, dit Peters. Mais je pourrai rouler quand même..."
Au moment même de ce second abandon, Guillaume Martin passe à l'offensive dans le Cormet de Roselend. "S'il gagne, ce ne serait que justice », estime Chatelon en suivant la variation des écarts sur le groupe des favoris. L'avance s'émiette dans la montée vers la Rosière, 16 km à 6%, mais sur la ligne, Martin résiste au retour de l'Autrichien Gregor Mühlberger pour 6 secondes (lire classement). Entre-temps, les deux premiers ont chacun failli s'engager dans une mauvaise direction, à deux moments différents... Les voitures et motos de l'organisation filaient sur une autre voie et c'est Chatelon qui a hurlé depuis sa voiture pour que Martin reste sur le bon tracé. Ultimes rebondissements d'une journée de sang et de sueur.
A l'arrivée, les nerfs de Pierre-Yves et de Jean, le mécano, sont tiraillés dans tous les sens : "Du drame, un dénouement heureux... On a perdu plusieurs années de vie aujourd'hui".
Crédit photo : DR
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