DirectVelo fait le point sur ce qui change pour le cyclisme avec le passage à la nouvelle année.

Exceptionnel à plus d'un titre, le Championnat du Monde 2016. Organisé deux semaines plus tard que d'habitude, sur un parcours extra plat et par une température attendue de 40°C, l'édition de Doha, au Qatar, sera aussi la première à se dérouler dans un pays du Golfe. Ça promet un tunnel d'ennui mais aussi une pointe d'excitation, ne serait-ce que parce que les coureurs du WorldTour sont désormais admis sur les épreuves Espoirs (lire ici). Une autre première. Qui rend possible un duel de choix entre Caleb Ewan (Orica-GreenEdge) -notre photo- et Fernando Gaviria (Etixx-Quick Step), arbitré par Lorrenzo Manzin (FDJ). Cette affiche grand luxe est possible... mais pas encore certaine. Car les états-majors de plusieurs pays préparent déjà des alternatives.

LA COUPE DES NATIONS AUSSI CONCERNEE

En 2016, cette nouveauté réglementaire va pimenter la saison des Espoirs, bien au-delà des Championnats du Monde. Les pensionnaires du WorldTour pourraient en effet revenir en force sur les épreuves de la Coupe des Nations moins de 23 ans, en particulier sur le Tour de l'Avenir. Une controverse avait éclaté sur la dernière édition du « mini-Tour de France » parce que les textes prévoyaient déjà la participation des coureurs WorldTour et que les fédérations faisaient un usage inégal de cette disposition. Certains pays refusaient catégoriquement d'aligner leurs « stars » de la première division mondiale (comme le Danemark), d'autres ne s'en sont pas privés (la Colombie avec Sebastian Henao, professionnel chez Sky et deux Tours d'Italie au compteur, donné grand favori ; ou l'Espagne avec Marc Soler du Team Movistar, qui a finalement empoché la mise). D'autres fédérations encore n'étaient pas au courant de leurs « droits » ! (lire notre reportage).
L'affaire du Tour de l'Avenir a permis à l'UCI de clarifier sa position : autorisation de participation confirmée pour les coureurs WorldTour sur les manches de la Coupe des Nations. Le nouveau règlement du Mondial est une extension de cette mesure. La décision est critiquable mais logique. Jusqu'à présent, les coureurs WorldTour de 19-22 ans marquaient des points tout au long de la saison pour la qualification de leur pays au Championnat du Monde mais ils étaient interdits de courir le Jour J.

FRANCE : MANZIN PENSE A UNE CANDIDATURE

Et cette baston entre sprinters sur les routes du Qatar ? Caleb Ewan, 2e à Ponferrada en 2014, quelques jours avant de rejoindre Orica-GreenEdge, n'a pas fait savoir ses intentions. Fernando Gaviria non plus. Lorrenzo Manzin, pro à la FDJ depuis un an, jamais retenu en Equipe de France pour un Mondial Juniors ou Espoirs, commence à réfléchir. "Pour moi, c'est une bonne opportunité de briguer une médaille et de me jauger face aux meilleurs de mon âge, explique-t-il à DirectVelo. Je n'en ai pas encore parlé au sélectionneur ou à mon employeur, mais à ce stade j'aimerais être au départ de ce Championnat du Monde Espoirs." Manzin, vainqueur de la Roue Tourangelle et 2e d'étape sur la Route du Sud, précise qu'il va "donner la priorité à [son] équipe". Mais il observe aussi que "la date du Mondial est tardive", ce qui pourrait faciliter un accord de Marc Madiot pour le laisser courir...
"Pourquoi pas ? considère Pierre-Yves Chatelon, l'entraîneur des Bleus chez les 19-22 ans. Nous allons nous adapter à la stratégie de nos adversaires et garder toutes les options ouvertes". S'il se trouvait au départ, Lorrenzo Manzin pourrait être épaulé mais il ne serait peut-être pas leader unique dans la sélection. "J'aimerais bien monter une équipe de classiques, capable d'anticiper le sprint massif", explique Chatelon à DirectVelo. Sa référence : le Mondial Juniors à Copenhague, en 2011, où il était aux manettes. Sur un parcours taillé pour les hommes rapides, les Français avaient joué les attaquants jusqu'à la conclusion victorieuse de Pierre-Henri Lecuisinier.

BELGIQUE : SANS BENOOT... MAIS AVEC DE PLUS ?

Les Belges quant à eux devront se passer de leur meilleure homme WorldTour. Néo-pro en 2015 et 5e du Tour des Flandres, Tiesj Benoot (Lotto-Soudal) aura bien 22 ans cette saison mais il ne pourra pas disputer la course Espoirs au Qatar. C'est l'exception prévue au règlement : les jeunes qui ont déjà disputé un Mondial Elites devront rester en Elites. Or Benoot était équipier de Gilbert et Boonen sur le circuit de Richmond. "Dommage, regrette Jean-Pierre Dubois. Soit tous les professionnels sont autorisés, soit il n'y en a aucun. Cette exclusion d'un tout petit nombre me gêne. Elle ne concerne d'ailleurs qu'un seul coureur : Tiesj Benoot". L'entraîneur des Espoirs précise quand même qu'il n'aurait pas fait appel au héraut de la nouvelle génération, "dont la place est définitivement parmi les Elites."
A priori, et même si les effectifs ne se construisent pas dix mois à l'avance, les Espoirs belges compteront au maximum sur un coureur du WorldTour : Laurens De Plus (Etixx-Quick Step). Comment ? Un grimpeur égaré chez les grosses cuisses ? "S'il venait avec nous, il servirait de mobylette à un groupe de jeunes sprinters, nuance Dubois. N'oublions pas que Laurens sait aussi très bien rouler !".

LES COUREURS AURONT-ILS ENVIE ?

Néanmoins, cette fois aussi, l'entraîneur hésite. "Je ne sais pas si De Plus aura vraiment envie de venir, dit-il. Les coureurs du WorldTour ont logiquement tendance à se concentrer sur leur nouvel environnement. Par ailleurs, nous aimons travailler avec des jeunes membres des clubs amateurs ou d'équipes Continentales. Notre priorité est davantage la formation que la collecte des médailles !".
A voir si le casting de Doha ne se dégonfle pas au fil des mois. A vérifier si le Tour de l'Avenir va vraiment devenir un repaire de jeunes du WorldTour... Il y a la théorie et la pratique. Par contre, il semble certain que les coureurs des équipes Continentales et Continentales Pro seront dans le peloton des Championnats du Monde. L'Equipe de France y pense déjà. Son choix de Kévin Ledanois (Bretagne-Séché) et d'Anthony Turgis (Cofidis) lui avait rapporté l'or et le bronze. WorldTour ou pas, la course des jeunes au maillot arc-en-ciel devient peu à peu une affaire de professionnels.

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Crédit Photo : James Startt / Agence Zoom