Carnets d'entraînement : L'entraînement à jeun
Une nouveauté de plus en 2016, DirectVelo vous propose des conseils sur l'entraînement. Premier volet avec les conseils de Christophe Prémont, coureur chez Vérandas Willems mais aussi entraîneur diplômé. Le sujet de ce premier carnet d'entraînement, pour vous mettre en appétit : L'entraînement à jeun.
Le petit-déjeuner est sans conteste le repas le plus important de la journée. D'où vient donc cette folle idée de programmer un entraînement avant de se rendre à la boulangerie ? Est-ce bien utile ? Pour qui cette technique d'entraînement est-elle bénéfique ? Quel volume est nécessaire ?
OU CA ? A JEUN, PARDI !
L'entraînement à jeun n’implique ni l'adoption d'un régime particulier ni une diminution de son apport calorique en sautant des repas. Il s'agit d'une stratégie d'entraînement spécifique particulièrement efficace. Sa finalité est d’optimiser certaines adaptations de l'entraînement.
En effet, l'entraînement à jeun va stimuler l'adaptation des cellules musculaires pour faciliter la libération d'énergie via l'oxydation des acides gras.
De manière à première vue assez étonnante, ce n'est pas seulement l'endurance de base qui s’améliore. En effet, moyennant quelques blocs d’intensité, savamment calculés, on peut constater l'augmentation de la VO2max ou encore une progression manifeste du taux maximal d'oxydation des graisses et des performances en contre-la-montre.
Gardons toutefois en tête qu’un entrainement trop intensif avec de faibles niveaux de glycogène peut amener à un environnement hormonal et métabolique qui va augmenter dangereusement le catabolisme et risquer d’affaiblir le système immunitaire.
LES TYPES D'ENTRAÎNEMENTS A JEUN
Vous pouvez pratiquer l’entrainement à jeun dans le but d'une perte de poids mais ce n'est pas le but premier de ce mode d'entraînement.
En additionnant ces minutes de pédalage avant votre petit-déjeuner, ce sont autant de calories que vous pourrez comptabiliser dans votre dépense quotidienne ! Vous irez donc puiser dans vos réserves. C’est évidemment une bonne nouvelle pour votre perte de poids. Mais vous remarquerez rapidement que votre appétit sera d'autant plus vorace que votre entraînement sera long. Il s'agira donc de trouver un équilibre entre votre pratique et le contrôle de votre appétit si la perte de poids est un objectif.
Lors d'un exercice à jeun, votre corps se retrouve dans un état physiologique de fatigue. Pourquoi ? Car vos stocks de glycogène musculaire et, surtout, hépatique sont relativement diminués par rapport à la normale suite à l’énergie dépensée pendant les heures nocturnes. Vous bossez donc même la nuit!
De plus, l'effet de la diminution du taux d'insuline et l'augmentation de certaines hormones, va provoquer un relâchement massif de graisses dans votre sang. Cela permettra d’épargner vos stocks relativement limités de glycogène.
Finies donc les longues sorties d’entraînement? Pas vraiment. Mais si l'on dispose de peu de temps pour s'entraîner, ces entraînements seront extrêmement bénéfiques pour progresser en endurance. En effet, ce type de travail va stimuler les mêmes adaptations mitochondriales conséquentes à un entraînement aérobie. Voici donc une excellente seconde raison de rouler avant le petit-déjeuner.
Contrairement à la croyance populaire, le fractionné peut tout à fait être envisagé, toute proportion gardée. Faire des intervalles à PMA ne sera évidemment pas recommandé, mais des blocs d'intensité sous le seuil anaérobie vont permettre au coureur de voir sa capacité d'endurance progresser.
Des blocs d'entrainement au premier seuil (Zone I3 selon l'échelle d'estimation subjective de l'intensité de l'exercice de Frédéric Grappe) seront dès lors les bienvenus afin de travailler cette endurance. Attention à ne pas dépasser le seuil dit anaérobie, ce qui serait néfaste pour votre entrainement. Question d’augmentation trop importante de certaines hormones cataboliques.
Gardez en mémoire qu'en course, votre corps devra être capable d'utiliser les hydrates de carbones comme source d'énergie lors de moments cruciaux. N'oubliez donc pas de travailler dans vos zones supérieures à ce fameux seuil anaérobique, lorsque vos muscles seront chargés en glycogène. Votre corps pourra alors utiliser au mieux les graisses et les hydrates de carbones comme source d'énergie en fonction de l'intensité de l'exercice.
SEANCES CIBLEES
Les séances doivent durer au maximum deux heures car au-delà, le corps pourrait mal réagir à l'entraînement. Le taux de cortisol sanguin, entre autres, augmentera de manière trop importante et cela sera néfaste à l'entrainement global, induisant une fatigue latente qui peut mener à un syndrome de surentraînement.
Tout le monde peut pratiquer l'entrainement à jeun moyennant quelques précautions. C’est principalement le cas pour les personnes les moins entraînées qui ont une connaissance moins pointue de leur corps et de leurs limites. L'important sera de suivre une progressivité. C'est à dire de commencer par des séances courtes de l'ordre de la demi-heure. Elles peuvent se pratiquer également sur rouleaux. C’est même à recommander lors des premières séances.
Je vais vous proposer maintenant un canevas d’entraînement avec une progression logique sur cinq semaines. Vous pouvez placer deux entrainements par semaine avec la progression suivante (l'intensité suit l'échelle d'intensité subjective de Frédéric Grappe) :
1. 30' I1
2. 45' I1/I2
3. 60' avec 5x[2' 110 RPM I2 ~ 3' I1]
4. 45' avec 3x[5' I3 ~ 5' I2]
5. 50' avec 4x[5' I3 ~ 5' I2]
6. 50' avec 2x[10' I3 ~ 10' I2]
7. 60' avec 15' I3 ~ 10' I1 ~10' I3
8. 60' avec [20' I3]
9. 70' avec 1x[5' I3 ~ 5' I2 ~ 15' I3 ~ 10' I2]
10. 70' avec 2x[15' I3 ~ 10' I2]
N'oubliez pas de vous alimenter correctement dès l’entrainement terminé. En effet, un petit-déjeuner équilibré - contenant hydrates de carbones, protéines et graisses - est primordial pour votre récupération et pour assurer de futurs entraînements de qualité.
Un complément d'acides aminés ramifiés, principalement de leucine, est également recommandé. Cet apport protéique de très haute qualité va permettre d'amplifier les effets de votre entraînement tout en diminuant les effets néfastes, en stimulant maintenant l'anabolisme ! Un bon complément à envisager est la ProLeucine de Neapharma, à hauteur de 0,8 à 1 gramme par kilo de poids corporel.
POUR CONCLURE
Une multitude d'études a démontré l'intérêt de l'entrainement avec un taux de glycogène diminué afin de réguler la capacité de production d'énergie par les graisses. On constate une épargne des hydrates de carbones, tellement cruciaux lorsque l'exercice devient vraiment intense. Pour une même intensité d'exercice, vous puiserez donc davantage dans vos graisses !
Alors, avant de vous précipiter dès potron minet à la boulangerie, n'hésitez pas à enfourcher votre bicyclette !
Lexique :
Catabolisme : C'est le contraire de l'anabolisme, ils forment ensemble le métabolisme. Il s'agit des dégradations moléculaires d'un corps ayant pour objectif la production d'énergie.
Cortisol : Egalement appelée l'hormone du stress. Elle servait chez nos ancêtres à libérer un maximum d'énergie pour combattre ou fuir. Plus élevée le matin et en fin d'après midi, elle a un effet catabolique.
Glycogène : la forme du sucre stocké dans les muscles, utilisé principalement lors d'efforts de haute intensité. Contrairement aux graisses, le stock est relativement limité.
Insuline : Contrairement au cortisol, elle a une fonction anabolique. Elle va permettre le stockage du glucose, c'est une hormone hypoglycémiante.
Mitochondrie : véritables centrales énergétique des cellules, ces petits organites servent aussi à la respiration cellulaire et sont essentiels dans l’adaptation à l’entrainement.
Seuil anaérobie : Ce seuil fait l'objet de nombreuses controverses. Il s'agit de l'intensité d'exercice à partir duquel la production d'acide lactique sera supérieure à la capacité d'élimination de celui-ci par l'organisme. En réalité, il s'agit d'une zone d'intensité plutôt que d'un seuil, nous en parlerons plus longuement dans un futur article.