Félix Pouilly : « Pas les moyens de mes ambitions »

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

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Félix Pouilly ne reviendra pas sur sa décision. A 23 ans, celui qui évoluait depuis deux saisons dans la formation Roubaix Lille Métropole a décidé de mettre un terme à sa carrière cycliste. « Si avec tout ce que j'ai fait je n'arrive pas à avoir des résultats, c'est simplement que je n'ai pas les moyens de mes ambitions ». Le Nordiste, ancien Champion de France Juniors, 4e d'un Paris-Roubaix Espoirs, explique son choix auprès de DirectVelo.

DirectVelo : Tu viens d'officialiser un choix très fort...
Félix Pouilly : C'est une décision que j'ai eu le temps de longuement réfléchir. Je n'ai pas couru depuis début septembre, sur le Grand Prix de Fourmies et à ce moment-là, je savais que je mettais un terme à ma saison. J'ai voulu me laisser une période de réflexion pour savoir ce que j'allais faire la saison prochaine. J'envisageais déjà sérieusement d'arrêter totalement le vélo. Disons que c'était du 80%-20% pour un arrêt. Et maintenant, je suis sûr de moi...

« PAS CE DONT JE RÊVAIS »

Tu es si dégoûté du cyclisme que tu n'as même pas souhaité terminer la saison ?
Non, ce n'est pas lié du tout. J'ai décidé d'arrêter ma saison il y a un mois car j'étais vraiment collé. J'ai fait des analyses de sang qui ont prouvé que j'avais un taux d'hématocrite très faible. Autrement dit, je savais que j'allais rester collé jusqu'au bout de la saison. Ça ne servait donc à rien de continuer pour être à la rue tous les week-ends.

Pourquoi mets-tu un terme à ta carrière cycliste ?
J'ai eu de mauvaises sensations très souvent cette année. Sur le Tour de l'Ain, ça allait encore à peu près mais ça a été la dernière fois. Ensuite, je n'étais pas bien du tout jusqu'à la fin de saison. Je me souviens, lorsque j'étais Juniors... Je voulais devenir coureur professionnel, mais pas pour en être là aujourd'hui. Lutter pour suivre le peloton, ce n'est pas ce dont je rêvais à la base. Mes collègues savent comment je suis depuis gamin. J'ai toujours été un coureur assidu. Donc je n'ai pas de regret. Si ça ne fonctionne pas, c'est que je ne suis pas assez fort.

« JE NE PEUX PAS EXPRIMER MON EXPLOSIVITÉ »

C'est donc la simple raison pour laquelle ça n'a pas marché chez les pros ?
J'ai des qualités très spécifiques. Je suis très explosif sur les efforts très courts de 30 secondes à trois-quatre minutes. J'ai des Watts élevés. Mais j'ai toujours été mauvais sur les efforts plus longs. Même en Juniors, je prenais des tirs sur les contre-la-montre par exemple. Chez les pros, je ne peux pas exprimer mon explosivité. Je suis trop juste sur les efforts longs et je suis toujours à fond. Dès qu'on monte un col, dès que ça roule vite longtemps, ça ne va pas. Je suis trop faible. En ne regardant que les résultats bruts, tu ne t'en rends pas toujours compte. Mais à force d'être dans le peloton, c'est marquant.

Quand t'en es-tu vraiment rendu compte ?
Je savais depuis longtemps que j'étais un coureur explosif. Je me souviens d'avoir battu Mathieu Van der Poel sur une arrivée en bosse par exemple, ou d'autres mecs sur des courses qui me convenaient. Je me disais que même si je n'allais jamais gagner une course en faisant un numéro en solitaire, je pouvais espérer faire une petite carrière et obtenir de vrais bons résultats sur certaines courses en particulier, comme des manches de la Coupe de France.

« LUCIDE SUR MA SITUATION PERSONNELLE »

Ton année 2017 a été perturbée par des chutes : cela n'a-t-il pas également joué sur ton moral et ta motivation ?
Les chutes, ça n'aide pas. Mais mon échec, ce n'est pas à cause des chutes ou de la malchance. C'est beaucoup plus profond et ce n'est pas un problème de motivation non plus. Je n'ai pas le retour de mon investissement, c'est tout. Je me suis toujours impliqué à 100% dans ce sport. Le cyclisme, c'est ma passion et à-côté de ça, je n'avais aucune satisfaction sur le vélo. Alors je me dis que ça ne valait pas le coup, que ça ne valait plus le coup. Ça m'a usé.

On te sent désabusé...
C'est dur quand tu te retrouves en échec pratiquement tout le temps. Pendant mes deux années pros, c'était 50 jours où tu prenais des claques, et 50 jours où tu repartais de l'avant en te disant, "allez, ça va le faire". Puis le 51e jour, tu te demandes si ça vaut le coup de repartir encore une fois. L'enchaînement des difficultés fait mal. Mais je ne suis pas dégoûté du tout du vélo. J'ai regardé toutes les courses de fin d'année avec la même passion. C'est simplement que je suis lucide sur ma situation personnelle. J'ai tiré le maximum de mes capacités et je considère ne plus pouvoir espérer autre chose.

« J'AI TOUJOURS DÛ FAIRE BEAUCOUP PLUS QUE LES AUTRES »

En d'autres termes, tu considères ne pas avoir les capacités pour devenir "un grand coureur", malgré toute ta bonne volonté ?
Oui, c'est ça. Il faut être lucide. J'ai beaucoup de copains qui ont réussi. Ils sont dans de grandes équipes ou ils vont y aller. Ce sont des mecs que j'ai côtoyé de près. Un mec comme Jérémy Lecroq par exemple... L'hiver dernier, j'étais parti en stage avec lui, en Corse. C'était au mois de décembre. J'avais trois semaines de vélo dans les jambes et lui venait tout juste de reprendre. Le mec faisait dix kilos de plus que moi, je m'étais plus entraîné que lui, mais dans les cols, il était plus fort que moi. Sur la classe, il était plus fort. Ça résume tout. J'ai toujours dû faire beaucoup plus que les autres pour obtenir un résultat. Quand j'ai terminé 4e de Paris-Roubaix Espoirs, j'avais déjà beaucoup douté les mois précédents car ça ne fonctionnait pas. J'étais au millimètre sur tout mais j'ai toujours été dans le dur. J'ai fait mes résultats en m'accrochant. Parfois, ça souriait mais globalement, j'ai toujours été limité.

Tu as donc le sentiment d'avoir été au bout de tes capacités...
J'ai tout essayé, j'ai tout optimisé. A certaines périodes, il m'est arrivé de faire le job à l'extrême pour être le plus sec possible ! Ça ne marchait pas alors je doutais. J'ai même essayé de moins faire le job car je me suis dit, "on ne sait jamais". Mais rien ne marchait, dans aucun sens. Donc j'en ai conclu que je n'avais pas le moteur. Si avec tout ce que j'ai fait je n'arrive pas à avoir des résultats, c'est simplement que je n'ai pas les moyens de mes ambitions.

« C'ÉTAIT LE RÊVE DE MA VIE »

Est-ce frustrant de ne pas se voir récompensé de ses efforts ?
Ce n'est pas une frustration, c'est une déception. Nicolas Fristch me disait : "Ne t'attends jamais à être facile dans une course mais accroche-toi". Il avait raison. Je n'ai jamais été facile mais j'arrivais à être présent quand même de temps en temps.

Tu n'as aucun regret ?
Je n'ai pas de regret. Enfin... (il s'arrête un instant). En fait, j'ai un regret : c'est Paris-Roubaix. C'est la course qui m'a toujours poussé, c'est un rêve qui m'anime depuis que je fais du vélo et que je pensais atteignable : je voulais faire Paris-Roubaix un jour dans ma vie. Et je ne le ferai jamais. C'est vraiment le truc qui va me manquer. C'était le rêve de ma vie. J'habite là-bas, c'est ma terre. Ma passion du vélo était née du Paris-Roubaix.

« ILS ONT SU TROUVER LES MOTS »

Tu as tout de même participé aux formules Juniors et Espoirs de "l'Enfer du Nord"...
Ce n'est pas pareil mais oui, j'ai terminé 8e en Juniors et 4e en Espoirs. Je voulais disputer l'épreuve professionnelle. Pour autant, je n'allais pas m'accrocher désespérément jusqu'à mes 30 ans en espérant le disputer. Désormais, je peux dire que c'est une cicatrice qui ne va jamais se refermer. Et la prochaine édition sera sûrement difficile à regarder car ce sera le premier Paris-Roubaix que je verrai en me disant avec certitude que je n'y participerai jamais.

Quels bons souvenirs garderas-tu de toutes ces années de vélo ?
Je pense d'abord à mon titre de Champion de France Juniors (en 2012 à La Chapelle-Caro, NDLR), ça avait été quelque chose. Mon Paris-Roubaix Espoirs avait été une journée incroyable également. Je garderai aussi les souvenirs de tous mes copains. Lorsque j'ai annoncé à différents collègues que j'allais arrêter, que ce soit Florian Sénéchal ou Jérémy Lecroq par exemple, j'ai vu à leur réaction que notre relation amicale allait durer au-delà d'une carrière cycliste. Ils ont su trouver les mots.Ce sont des amis pour le reste de ma vie.

Comment imagines-tu l'avenir désormais ?
J'ai plusieurs idées, dans le monde du vélo ou pas, d'ailleurs. Je voulais d'abord être sûr de mon choix et le fait de ne pas repartir sur une saison en amateur non plus. J'ai plusieurs idées mais il ne faut pas se tromper. A 23 ans, il faudra vite choisir la bonne voie.

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