Audrey Cordon-Ragot : « Extrêmement émouvant »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Audrey Cordon-Ragot aura l’honneur de porter cet été le maillot de Championne de France pour le grand retour du Tour de France Féminin. La Bretonne de Trek-Segafredo a remporté, ce samedi à Cholet, le deuxième titre de sa carrière sur la course en ligne (voir classement), et ce deux jours après sa victoire sur le contre-la-montre. Elle exprime sa satisfaction au micro de DirectVelo.

DirectVelo : Tu retrouves le maillot de Championne de France deux ans après !
Audrey Cordon-Ragot : Je ne sais pas quoi dire, c’est un truc de fou. Entre le rêver et l’accomplir, il y a toujours une grosse marge. Le cyclisme féminin français va bien, le niveau est de plus en plus élevé. Seule sur un Championnat de France avec des équipes organisées, c’est presque mission impossible. Et aujourd’hui, j’ai trouvé des alliées de circonstance et nous avons été au bout. C’est incroyable… Je me donnais 5 % de chances de gagner. Ce n’est pas beaucoup mais ça suffit.

Avais-tu imaginé une autre issue qu’un sprint massif ?
Quand j’ai vu le circuit lundi, j’ai dit à mon mari que ça n’arriverait pas au sprint. Ce qui m'arrangeait plutôt bien. C’était extrêmement technique, il y avait un paquet de relances à faire et ça use. Et mine de rien, la côte de la Séguinière fait quand même mal. J'espérais beaucoup de pluie. Mais les tours passaient et la pluie ne revenait pas… Le plan était en train de prendre l’eau si je peux dire… J’ai changé de vélo pendant la course pour en avoir un avec une pression plus importante, j’ai senti la différence. Après, j’ai déroulé. J’ai 33 ans, j’ai fait beaucoup de Championnats de France… J’ai souvent été enterrée, là c’était l'inverse.

« À PARTIR DU MOMENT OÙ ON Y CROIT… »

Tu as fait la course parfaite…
Nous sommes rentrées avec Gladys sur l’échappée matinale, avec dans notre roue Eugénie Duval qui ne roulait pas comme elle avait Jade Wiel à l’avant. Nous avons repris des filles qui avaient beaucoup donné depuis le départ de la course. Avec Gladys, nous n’avons pas eu le choix, il fallait rouler. On essayait de jouer, je laissais des trous derrière Gladys pour les obliger à faire des efforts. J’ai essayé dans le dernier tour, à la Séguinière. Gladys a attaqué sur la petite route qui revient sur Cholet, j’ai laissé Eugénie Duval faire l’effort. Quand on est revenues, je l’ai contrée immédiatement et nous sommes parties à deux. C’était ensuite une explication entre nous.

Sur le papier, Gladys Verhulst est plus rapide que toi…
J’ai décidé de ne plus rouler dans le dernier kilomètre. J’avoue que j’ai joué avec le feu car il y avait un petit groupe derrière. Mais ça a payé, tant mieux. Tout est possible à partir du moment où on y croit, même si on est la seule de son équipe au départ.

Est-ce que tu gagnes ce Championnat grâce à ta victoire sur le chrono jeudi ?
Non, je gagne car j’ai déjà eu le titre de Championne de France sur route (en 2020, NDLR). Je pense que ça a fait la différence dans cette dernière ligne droite avec Gladys. Je n’ai pas peur de gagner, j’ai déjà gagné et ça change tout. Si je n’avais jamais eu ce titre en 2020, j’aurais sûrement crampé dans le dernier kilomètre ou j’aurais été moins sûre de moi. C’est l’expérience qui joue. La jeunesse c’est une chose, l’expérience une autre. Je suis presque la plus ancienne du peloton et j’arrive encore à mater les jeunes. Je suis contente.

« JE VAIS ÊTRE APPLAUDIE PAR LA FRANCE ENTIÈRE »

Tu seras sur le Tour de France avec le maillot de Championne de France sur le dos…
Je l’ai réalisé après la ligne : je vais prendre le départ du Tour de France avec le maillot tricolore. C’est le plus grand rêve de ma carrière depuis l’annonce du retour du Tour. Je suis émue. Je vais être applaudie par la France entière avec le maillot sur le dos, c’est extrêmement émouvant pour moi. Je vais y aller relax. Ma saison est aujourd’hui réussie.

Avec quelles ambitions iras-tu sur le Tour ?
J’irai là-bas avec l’ambition de gagner une étape. Je fais partie d’une équipe qui a des filles qui peuvent gagner le général alors je vais sûrement devoir me mettre à la planche pour ces filles-là. Mais encore une fois, je ne suis pas défaitiste. Tout peut arriver, avec une échappée au long cours par exemple. J’espère qu’on me fera confiance. Je vais profiter de l’évènement qui est énorme pour nous. C’est peut-être la première et dernière fois pour moi d’arriver là-bas avec ce maillot. Je veux profiter. Je veux continuer de beaucoup donner, sur et en dehors du vélo. J’aime mon sport. J’ai envie de voir une Française devenir Championne du Monde. Si je peux les aider à le faire… Il me reste deux ans et demi à faire. J’arrêterai en 2024, j’espère que ça sera sur les JO de Paris.

Et dire que tu étais dans le dur il y a encore peu de temps…
C’est la vie d’une athlète de haut-niveau. Il y plus de bas que de hauts mais les hauts effacent les bas. J’étais arrêtée au Tour de Burgos, j’étais larguée sur le plat. Il n’y avait pas une journée où je me disais que j’étais bien. Ça a duré deux mois… Il y a eu un déclic au Women’s Tour sur l’étape au Pays de Galles mais je ne m’étais pas fait confiance. Je me suis dit ensuite que je n’avais plus envie d’avoir des regrets. Les feux étaient au vert, j’avais juste besoin de concrétiser.

 



Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Audrey CORDON RAGOT