Valéry Vermion : « L’équipe ne va pas complètement s’arrêter »
Laurent Goglione, le président du Team Macadam’s Cowboys, a annoncé la semaine passée l’arrêt de l’équipe N2 masculine à la fin de la saison (lire ici). Mais le directeur sportif Valéry Vermion ne l’entend pas de cette oreille et compte bien faire perdurer sa formation sous un autre nom. Entretien avec DirectVelo.
DirectVelo : L’an passé, le Team Macadam’s Cowboys était déjà en proie à des difficultés financières mais avait pu repartir. Ça sera différent cette année...
Valéry Vermion : Fin juillet dernier, Laurent (Goglione) m’appelle et m’informe qu’il a deux nouvelles à m’annoncer, une bonne et une mauvaise. Il me dit que ça fait quatre mois qu’il travaille à créer une équipe pro filles et qu’il a trouvé 700 000 euros. Il y a un vrai engouement pour le cyclisme féminin et il veut s’engouffrer dedans. Je l’ai félicité. Je n’ai rien contre le cyclisme féminin. Quand on a accueilli les premières filles il y a trois ans, j’ai été le premier à les encadrer au Championnat de France. On s’est rendu disponible à chaque fois pour les aider. Je lui demande alors, c’est quoi la mauvaise nouvelle ? Je ne vois pas du tout le truc venir. Il me dit qu’il est désolé mais qu’il n’a plus du tout le budget pour les hommes, on va devoir arrêter l’équipe. Au début, je pense que c’est un canular. Mais il me répond qu’il est sincère et qu’il est embêté. Je lui réponds « non », que l’équipe va continuer. En plus, à ce moment-là, la plupart des équipes sont déjà constituées pour l’année d’après, ça peut briser des carrières... On s’est donné jusqu’au 15 septembre pour trouver de l’argent. On a créé une cellule de crise avec quelques membres du bureau. On a eu un suivi hebdomadaire. Il nous manquait encore 20000 € au 9 septembre. Je dormais peu et une idée m’est venue, lancer un appel aux dons. Ça a fait un carton. En trois jours, on a quasiment récupéré les 20000 €. On a reçu énormément de messages de soutien. Ça nous a vraiment reboostés et on a bouclé le budget pour repartir pour une année.
« ÇA A SERVI DE RAMPE DE LANCEMENT À UNE ÉQUIPE QUI NOUS FAIT DISPARAÎTRE »
Même avec des moyens limités, vous êtes actuellement 2e de la Coupe de France N2….
J’ai fait don de mon salaire car on est reparti avec un budget ric-rac. On vit plutôt une belle année avec un groupe qui s’entend bien. Je suis très attaché à l’équipe et au staff. On a des liens très forts entre nous. On a gagné la manche de Coupe de France de contre-la-montre par équipes il y a un mois et demi. On a vécu un moment exceptionnel, ça a toujours été un rêve et on a réussi à le faire sur l’épreuve la plus difficile. C’était vraiment symbolique et j’en suis très fier.
Malgré tout, le club annonce la fin de l’équipe la semaine passée…
Laurent nous informe qu’il n’a toujours rien trouvé depuis un an et qu’on ne peut pas repartir la saison prochaine. Il y a énormément de tristesse pour tout le monde. Mais je m’y attendais, je voyais un peu ce qui se passait. Aujourd’hui, ce que je constate et que je conteste, c’est le changement de priorité. Laurent s’est aperçu qu’il y avait une brèche qui s’était ouverte avec le cyclisme féminin. Il s’est engouffré dedans, il a été opportuniste. Il a surfé sur ça. On lui reproche de nous avoir abandonnés. On ne peut pas jeter 20 ans de travail dans un club. Ça a servi de rampe de lancement à une équipe qui nous fait disparaître. Demain, si tout le monde fait ça, il n’y a plus de cyclisme masculin... On avait le projet d’aller le plus haut possible ensemble. Sa ligne de défense est de dire que c’est le budget. Je dirais que c’est un choix stratégique. Quand on cherche de l’argent et qu’on enchaîne les rendez-vous pour défendre un projet, on n’a pas envie de le faire de l’autre côté. C’est une mise en concurrence de l’un vers l’autre. On est mis devant le fait accompli.
« ÊTRE AU MINIMUM EN N2 EN 2024 »
Mais comprends-tu qu’il y a plus de visibilité pour les femmes, avec la possibilité de passer à la télévision, que pour une N2 masculine ?
Pourquoi le cyclisme féminin avait disparu il y a quelques années ? Le constat était que c’était moins spectaculaire que le cyclisme masculin. Les gens, ce qu’ils aiment quand ils sont au bord des routes ou devant leur télé, c’est le spectacle. C’est ça qui va faire la grande différence. Physiquement, les filles n’ont pas les mêmes capacités à monter les cols aussi vite, à faire des attaques aussi longues. Il est possible que dans 3-4-5 ans, cet effet de mode retombe. Ce qu’on regrette et ce qu’on dénonce est d’avoir été laissé de côté alors que je pense qu’il y avait moyen de continuer. Avec un budget à 100 000 euros on vit, on fait une belle équipe. Quand je vois qu’il bosse sur un budget proche d’un million, c’est 10 fois moins… C’est très frustrant, c’est ce que je reproche.
Comment imagines-tu la suite ?
Pour la fin de saison, au niveau sportif, ça ne va pas du tout nous impacter. Notre objectif est de remporter la Coupe de France N2, on va tout faire pour, même si on a quelques points de retard. On est avant tout là pour faire des courses de vélo et mouiller le maillot. Je dis aux coureurs de se relever quand ils ont un genou à terre. Le vélo, c’est du courage et de la volonté. Je vais leur prouver qu’il y aura une suite. Le Team Macadam’s Cowboys ne va pas complètement s’arrêter. Je suis en train de créer une équipe avec des gens de confiance et de valeur. Le projet est d’être au minimum en N2 en 2024 avec une belle équipe. Je veux finir le travail qu’on devait finir avec le Team Macadam’s Cowboys, c’est-à-dire aller le plus haut possible, au minimum en N1. J’espère le finir avec notre nouvelle structure. Ce sera un projet innovant avec de nouvelles idées. J’en profite pour lancer un appel aux coureurs motivés et aux partenaires à me contacter. Le nouveau président sera annoncé bientôt, j’en dirai un peu plus tard quand tout sera ficelé. On veut apporter une petite touche de modernité dans le cyclisme. Il y aura un changement de nom. C’est notre façon de réagir et de ne pas se laisser abattre. Soit on se morfond et on déprime, soit on rebondit et on prend notre destin en main en construisant notre avenir avec des gens de valeur et de confiance qui adhèreront à notre projet.