Tour de l'Avenir : Arriba Colombia !

www.directvelo.com consacre chaque jour jusqu'à dimanche un article lié au Tour de l'Avenir. Aujourd'hui, troisième thème, le Tour de l'Avenir et les Colombiens.

Si le Tour de l'Avenir n'existait pas, les Colombiens l'auraient inventé. Les grimpeurs colombiens par leurs victoires ont justifié l’existence de cette épreuve. Venus de loin, le Tour de l'Avenir a prouvé qu'ils avaient le niveau des coureurs d'Europe de l'Ouest et les a propulsés vers le premier Tour de France ouvert aux amateurs en 1983.
Et pourtant, la victoire d'Alfonso Florez en 1980, qui a servi de détonateur, a failli ne pas avoir lieu.

Alfonso Florez piège l'URSS

Après une première participation en 1973, les Sud-Américains déclarent forfait en 1974. A cette époque, « Cochise » Rodriguez court chez les pros en Italie. Les coureurs colombiens vivent bien chez eux, les meilleurs courent pour des équipes commanditées par des entreprises privées, comme « Fresh Cola » dans le cas d'Alfonso Florez. Ils font partie des meilleurs coureurs à étapes de l'Amérique latine. Mais sans l'insistance du journaliste Hector Urrego de la radio R.C.N., les grimpeurs colombiens seraient restés à Bogota en 1980.  Pour une fois, les Russes auront face à eux des coureurs aussi expérimentés et aussi « amateurs »  qu'eux. Florez et Jimenez ont 28 ans. Alfonso Florez piège deux jours de suite Soukhoroutchenkov, le Champion Olympique et réussit  à conserver son Maillot Jaune jusqu'à Divonne-les-Bains. Patrocinio Jimenez l'a bien épaulé et remporte une étape à Morzine. L'année suivante, « Patro » endosse le maillot à pois rouges du prix de la montagne.
Le retour d'Alfonso Florez à Bogota est triomphal. Il rejoint sur une Dodge décapotable et devant une foule estimée à un million de personnes le palais présidentiel. Si les Colombiens l'attendent, c'est que la radio leur a fait suivre quotidiennement les exploits de leurs coureurs. Déjà en 1973, chaque étape avait droit à 2 h d'émission. Les radioreporters font vibrer la tribune de presse. En 2010, Nairo Quintana parle en direct sur les ondes de son pays, deux minutes après sa victoire finale, via le téléphone portable d'un journaliste colombien.

Martin Ramirez comme un pro

Luis Herrera est la petite perle attendue au départ du Tour de l'Avenir 1982. Sa réputation de grimpeur surdoué le précède. Mais il va falloir attendre l'avant-dernière étape et le col de Joux-Plane avant Morzine, pour le voir lever les bras. Les maillots oranges des Colombiens ont voltigé plusieurs fois en tête du peloton de cette édition remportée par Greg LeMond. José Alfonso Lopez a gagné une étape et porté le Maillot Jaune. Cristobal Perez monte sur la 3e marche du podium final, juste devant Lucho Herrera . Rafael Acevedo est meilleur grimpeur. La performance est collective car l'équipe se classe 3e au temps, devant toutes les équipes pros.
Quand Martin Ramirez gagne le Tour de l'Avenir en 1985, les Colombiens ne sont déjà presque plus exotiques. Ils ont leur équipe pro, Varta-Café de Colombia, où figure Ramirez. Ce dernier a remporté le Dauphiné 1984 devant Hinault lui-même, alors qu'il était encore amateur. Il est passé pro dans la foulée chez Système U, l'équipe de Jean-René Bernaudeau pour disputer le Tour. Dans ce Tour de l'Avenir disputé dans les Pyrénées, il domine Jean-François Bernard qui prend un éclat mémorable dans l'ascension de Superbagnères, et Eric Salomon, équipier de Bernard chez La Vie Claire. L'étape contre-la-montre Lourdes-Tarbes doit décider de la victoire finale. Un peu à la surprise générale, Martin Ramirez conserve son Maillot Jaune et bat largement Eric Salomon. Ce contre-la-montre est aussi le lieu d'un petit règlement de compte. Cyrille Guimard fournit à Ramirez un vélo Gitane de contre-la-montre et un casque profilé. Le directeur sportif de Renault-Gitane est fâché avec l'équipe La Vie Claire qui lui a pris Greg LeMond mais aussi Eric Salomon.

L'éclipse

A partir de 1988, le Tour de l'Avenir adopte le parcours « Paris-Luxembourg » puis « Tour de l'Ouest ». Les escaladeurs colombiens ne sont plus sur leur terrain. Ils n'arrivent même plus à remporter le prix de la montagne. Il n'y a pas d'équipe colombienne entre 1990 et 1995. Ils reviennent en 1996 et 1997 quand le T.A. retrouve les Alpes et les Pyrénées. L'histoire entre la Colombie et le Tour de l'Avenir semble se conjuguer au passé. Le cyclisme colombien s’essouffle sur ses hauts-plateaux comme s'il n'avait pas su digérer les années Herrera-Parra. Quand Mauricio Ardila gagne la dernière étape en 2002 sur les hauteurs de Saint-Flour, il court pour les Belges de Marlux.

Quintana rallume la passion

Au retour de la formule des équipes nationales en 2007, les Colombiens reviennent sur la pointe des pieds dans l'équipe mixte de l'UCI. Mais en 2009, c'est le grand retour d'une équipe colombienne. Depuis 2006, la Colombie monte une équipe devenue continentale, Colombia Es Pasion. Quand Fabio Duarte devient Champion du Monde Espoirs en 2008, il fait partie de cette équipe qui était venue courir en France la Ronde de l'Isard  dès 2007  par exemple.
L'équipe colombienne du Tour de l'Avenir 2009 est à 100% composée de coureurs de Colombia Es Pasion. Ils se sont préparés au Tour de l'Ain et au Tour du Poitou-Charentes. En 2010, le Tour de l'Avenir est plus montagneux. Ils repèrent la première arrivée au sommet au col du Béal. Au départ Darwin « El Volcan » Atapuma, Jarlinson Pantano et Nairo Quintana sont sur un pied d'égalité. Dans l'avant-dernière étape, Quintana, 20 ans, reçoit la consigne d'attaquer au pied de l'ascension finale de Risoul. Pantano doit contrer si son équipier coince. Quintana -notre photo- gagne et prend le Maillot Jaune à Yannick Eijssen. Le lendemain, il domine Andrew Talansky dans l'ascension chronométrée de Risoul et remporte définitivement le Tour de l'Avenir 30 ans après Alfonso Florez. Comme son aîné, il est reçu par le Président de la République. L'équipe de Colombie remporte aussi le classement par équipes. En 2011, Esteban Chaves renverse la vapeur le dernier jour, en Italie.
On se croit revenu à l'époque où Alfonso Florez faisait basculer l'avenir du vélo sur les routes de l'Ain.

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Crédit Photo : Nicolas Gachet - www.directvelo.com
 

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