Valentin Tabellion : « Sans cette cérémonie, je n'aurais pas vécu les JO de la même manière »

Crédit photo Robert Gachet - DirectVelo

Crédit photo Robert Gachet - DirectVelo

Valentin Tabellion enchaîne les stages avec l'équipe de France d'endurance. Le coureur de Van Rysel Roubaix Lille Métropole était donc du séjour en altitude à Tignes, avant de redescendre à Châtel pour poursuivre la préparation de l'équipe de la poursuite olympique. Le coureur de 25 ans va découvrir les Jeux olympiques à Paris, dès la cérémonie d'ouverture. Il confie ses attentes à DirectVelo.

DirectVelo : Il se disait quoi le Valentin Tabellion gamin quand il regardait les JO à la télé ?
Valentin Tabellion : Je les suivais tous à la télé car mon père est sportif, je suis sportif depuis tout petit donc forcément je regarde le sport à la télé. Les JO étaient un rêve de gamin, mais c’est un rêve qui devient de plus en plus concret quand on rentre en équipe de France et qu’on commence à faire des résultats à haut niveau. On se dit, finalement, que les JO c’est possible. Pour moi, c’est devenu encore plus concret quand j’ai su que c’était à Paris. C’est devenu mon objectif numéro 1 et c’est un rêve de tous les jours qui se concrétise petit à petit.

Tu as compris quand que ça basculait du bon côté pour toi ?
J’ai compris quand Steven (Henry) me l’a annoncé. Avant cette annonce, j’essayais d’être positif là-dessus car Quentin (Lafargue) est venu une année avec nous et ça m’a fait du bien. Avec de la concurrence j’étais poussé à toujours faire mieux. J’ai repris le poste de « démarreur » au Caire (Egypte). Steven m’a beaucoup aligné sur ce poste-là depuis cette course. J’ai donc pris conscience durant toute l’année. J’essayais quand même de toujours garder ce petit doute pour me pousser un peu plus encore à l’entraînement. Je n’aime pas rester sur mes acquis donc j’essaye de faire toujours plus, comme s’il y avait de la concurrence. C’est quand même toujours plaisant car ça montre que le travail fait depuis des années paye. Ça permet également, maintenant, d’aller aux stages et aux entraînements beaucoup plus sereinement et de juste penser à écraser les pédales.

« J'AIME ME FAIRE MAL À L'ENTRAÎNEMENT »

Tu vas lancer l’équipe de France de poursuite à Paris… C’est de la fierté ou c’est un poids ?
C’est une grande fierté. Un poids..., oui et non car on a toujours un poids notamment quand il n’y a plus un bruit dans le vélodrome et qu’on entend le décompte sur le bord de la piste. Ce n’est plus trop un poids quand même car c’est mon poste depuis les jeunes. Je connais tellement mon travail, c’est limite robotisé maintenant, je sais comment pédaler, j’arrive à ressentir le braquet et l’allure. La piste de Saint-Quentin-en-Yvelines, on la connait par cœur donc il faut juste que je me dise « tu sais ce que tu as à faire, tu le fais depuis tellement longtemps ». Je ne dois donc avoir aucune crainte, et je sais que j’ai la confiance des copains à côté. J’aurai forcément un petit stress car c’est les JO et on ne se rend pas compte, je ne me rends toujours pas compte de ce que ça va être. Je ne suis pas quelqu’un de très stressé de nature, j’arrive à gérer ce stress donc c’est du bon stress. Le fait d’être à la maison en plus ça me donne une force. Je vais me rappeler de la finale du Championnat du Monde de Roubaix en 2021 où mon état d’esprit était archi combatif et j’ai juste ressenti du stress positif. Il n’y a pas de raison que ça change et je vais m’appuyer sur toutes les expériences que j’ai connues précédemment. Je sais que quand je suis serein ça va toujours mieux que quand il y a du stress. Je n’ai pas de doutes et je sais ce que j’ai à faire.

Durant ton stage en altitude pour préparer les JO, tu as fait les mêmes exercices que tes coéquipiers ou est-ce qu'ils sont adaptés à ton poste ?
On fait tous pareil. Il y a notamment un exercice de lactique où on était à plus de 3000m d’altitude qui est très intéressant pour moi. On faisait de séries de 5 répétitions de 7" départ arrêté sur un gros braquet ainsi que des 23" de relais sur des watts supérieurs à ceux en course pour aller chercher du lactique. Le but était de finir minable et je pense que c’est une des séances les plus dures que j’ai faites. Sur cet exercice, j’essayais un peu de visualiser ce moment où je suis dans le bloc. Ça me permet de me canaliser, de me mettre dans ma bulle et de me dire que ça va me servir car c’est super dur. Il faut passer par ces exos très durs car ce n’est que du bon travail pour Paris. J’avais un peu travaillé différemment sur des séances lactiques avant le dernier mondial. J’avais demandé à faire des séances un peu plus dures sur des départs arrêtés car j’en ai besoin et ça marche bien. C’est plus dur, c’est un peu une balle dans le pied que je me mets (sourire) mais je sais pourquoi je le fais et j’aime me faire mal à l’entraînement. Les Jeux ça peut être une fois dans sa vie donc il faut tout donner.

Il y a un schéma de course prévu pour les courses aux JO ?
On a commencé à travailler des schémas différents, on ne s’est pas enfermé dans un seul schéma. Quand j’étais plus jeune et que j’étais déjà au poste 1, je ne faisais que 2,25 tours, maintenant on est passé à 2,75 tours. On peut tendre vers un 3,25 ou pas, ça dépend de la stratégie qu’on met en place. Il faut aussi que j’arrive à pousser le plus sans me mettre une balle dans le pied pour mon deuxième relais qui est super important pour les copains car il arrive vers la mi-course. On essaye des choses. Est-ce qu’on le fera en compétition ? C’est Steven qui prendra la décision avec nous. On sait qu’il y a un schéma que je maîtrise parfaitement. Le 2,75 est maîtrisé parfaitement. Le 3,25 si ça peut soulager les copains sans me tirer une balle dans le pied pourquoi pas. Les schémas sont, maintenant, assez classiques mais il faut trouver le bon pour aller le plus vite possible. Iris (Sachet, lire ici) va être hyper importante là-dessus. On s’appuie énormément sur elle car elle a mis des choses en place qui nous permettent d’exploiter toutes nos capacités. C’est un travail avec les scientifiques et les coaches avec beaucoup de discussions, d’analyses et de retours. On verra le jour J quelles décisions on prend mais il ne faut rien s’interdire. Il faut avoir plusieurs schémas en tête.

« S'IL FAUT FINIR AU SOL COUCHÉ PENDANT DIX MINUTES ...»

Quel est l’objectif premier pour les bleus pendant ces JO ?
Il y a vraiment une densité en poursuite qui est assez incroyable. Je pense qu’il y a six équipes qui sont capables de décrocher une médaille ou la victoire. On sait qu’on a largement le niveau pour être avec les meilleurs. Ça fait deux mois et demi qu’on travaille vraiment sur la piste et on sera conditionné pour faire ces quatre bornes le plus rapidement possible. Il faut d’abord qu’on soit au meilleur niveau pour qu’on aille chercher le meilleur temps possible. La médaille sera juste la cerise sur le gâteau. Ça passe d’abord par faire trois énormes poursuites. C’est une par jour donc s’il faut finir au sol, couché, pendant dix minutes après chaque poursuite, on le fera. L’objectif est commun et clair entre tout le monde. C’est notre force car être à quatre c’est vraiment quelque chose de sublime. Le public à la maison va également nous pousser. On a vraiment professionnalisé le truc ces derniers mois. Il faut juste aller chercher des chronos énormes sur les trois poursuites et on verra ce que ça donne au bout. Penser au résultat avant ce n’est pas une bonne chose car ça met une pression inutile. Il faut qu’on s’arrache vraiment fort dès le début pour montrer qui on est et qu’on est à la maison. Si on fait tout bien, il y aura quelque chose de vraiment beau c’est certain.

Tout le monde doit te parler de cet événement… Comment arrive-t-on à s'en détacher ?
Moi ça me fait plus plaisir qu’autre chose. Je me décroche quand même un peu de mon téléphone ou alors je réponds sur plusieurs jours car sinon on est collé à son téléphone pendant 2 heures. Je sais que j’ai du monde qui me suit, et que j’aurai du monde derrière moi pendant cette période. Ma famille et notamment mes sœurs sont à fond sur chaque compétition. Il y a même le patron de ma mère qui a envoyé un message comme quoi il était fier d’avoir une mère de sportif qui travaille dans l’entreprise. On se rend compte qu’il y a vraiment beaucoup de monde qui s’intéresse. Ça sera encore plus quand ça va vraiment démarrer. J’ai toujours dit, depuis que je suis Junior qu’il ne fallait pas trop m’embêter quand j’étais dans le truc. C’est malpoli mais je préfère être chiant avec mes proches parce que j’ai besoin d’être dans ma bulle. On a eu beaucoup de formations sur les dangers des réseaux sociaux donc je vais me détacher de ça avant les Jeux.

Que représente le fait d’être présent à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ?
Ça embellit les Jeux et je me rappelle qu’on avait eu un passage hyper important d’Edgar Grospiron (skieur acrobatique) l’an dernier, ça a fait tilt chez les coaches et on avait tous envie de faire cette cérémonie. Le discours d’Edgar a permis au staff, qui était contre cette cérémonie, de beaucoup réfléchir. Je pense que sans cette cérémonie je n’aurais pas vécu les JO de la même manière. Je ne serais pas rentré pareil dans les JO et j’aurais eu des regrets. On a également de la chance car il y a un peu de temps entre la cérémonie et nos épreuves. Je pense que c’est ce qui a fait pencher la balance. Je commence à prendre conscience depuis l’annonce officielle. On commence à recevoir des messages de tout le monde, notamment la famille, qui me suit depuis que je suis gamin. On commence à se dire « en fait c’est quand même un événement important » et je pense que ça va passer un sacré cap pendant la cérémonie. C’est juste un truc à faire et ça va être incroyable.  

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