La Grande Interview : Freddy Ovett

Il sera peut-être très vite la nouvelle terreur du cyclisme amateur en France. A 20 ans, l’Australien Freddy Ovett s’apprête à disputer la saison 2015 sous les couleurs du Chambéry CF. Une très bonne pioche pour la formation de DN1, avec ce coureur repéré par l’ancien maillot vert du Tour de France, Baden Cooke, sur les derniers Championnats d’Australie, en janvier dernier - alors qu’il disputait là sa toute première compétition officielle. Pour ses débuts aux Antipodes, le coureur de la Jayco - qui réside à Brisbane (Queensland) - a rapidement fait valoir ses qualités dès que la route s’élevait, mais il s’avère également être un redoutable rouleur. Venu en repérage sur les routes françaises cet été, l’ancien spécialiste de course à pied a d’ailleurs rapidement donné le ton : 6e du Grand Prix d’Ancelle et 8e des Bosses du Haut-Drac, malgré une arrivée "un peu folklorique". "En fait, je ne savais pas où était la ligne d’arrivée. Du coup, je me suis fait doubler par quatre coureurs au dernier moment", sourit-il pour DirectVelo.com. Voilà qui promet pour les mois à venir. D’autant que le jeune espoir australien a vite su s’entourer de grands noms, parmi lesquels Richie Porte ou Chris Froome, avec qui il a pu visiter la Côte d’Azur récemment. "J’ai vraiment passé de très bons moments à Monaco, c’était fantastique". Désormais, il se dit impatient de retrouver Chambéry et ses nouveaux équipiers. "Sans doute pour mi-février". Car d’ici là, il pourrait bien disputer... le Tour Down Under, première épreuve WorldTour de la saison. En attendant, c’est (déjà) sous le soleil australien que Freddy Ovett se prépare pour cette "grande aventure".

DirectVelo.com : Tu porteras les couleurs du Chambéry CF l’an prochain. Comment as-tu organisé cette mutation ?
Freddy Ovett : C’est mon agent, Baden Cooke, qui s’est occupé de tout. Il voulait vraiment que je vienne progresser en Europe. Il était à la recherche de la meilleure équipe possible pour moi. Il s’est entretenu avec Vincent Lavenu, qui lui a expliqué qu’en tant que bon grimpeur, je pourrais faire mes gammes du côté de Chambéry pour essayer de devenir coureur cycliste professionnel un jour. C’est grâce à Baden Cooke que j’ai pu passer deux semaines à Chambéry cet été. Il pensait vraiment à ce projet pour moi. Il voulait surtout voir si j’aimais la région, les courses ici en France, et surtout si j’étais attiré par ce projet de Chambéry, si j’aimais l’équipe. Et je suis rapidement tombé sous le charme de ce projet. J’aime déjà cette équipe (sourires). J’ai vraiment voulu tenter l’aventure pour 2015. Je suis prêt pour ça. Et je suis certain que c’était vraiment le meilleur choix à faire pour l’année prochaine. L’équipe et tout ce qui gravite autour a vraiment l’air très positif. J’ai eu un très bon feeling d’entrée de jeu. Et puis, j’ai beaucoup aimé la ville de Chambéry en elle-même.

« LE PREMIER TEST A ETE CONCLUANT »

Tu as l’air enchanté par tout ce qui tourne autour de ce projet...

Oui, car l’environnement dans lequel je vais pouvoir travailler durant l’année à venir semble idéal. Et puis, la connexion entre le Chambéry CF et AG2R La Mondiale est très intéressante, il faut bien l’admettre. Je n’ai pas hésité longtemps avant de prendre ma décision. C’était un choix plutôt facile à faire, tant j’étais emballé. Cet été, j’ai également passé un mois en Belgique. Je voulais vraiment aller là-bas quelques semaines dans l’idée de m’entraîner très dur, de me tester sur un terrain différent. Toujours dans cette optique de progresser. Mais je dois admettre avoir trouvé les routes incroyablement plates. Quand je suis arrivé à Chambéry, cela n’avait vraiment plus rien à voir. Vraiment, tout s’est très bien passé durant ces deux semaines, alors il n’y avait aucune raison pour que je ne tente pas ma chance ici en France... Même les quelques courses que j’ai eu l’occasion de disputer m’ont donné satisfaction.

Tu as terminé dans le Top 10 à deux reprises pour tes premiers pas en France. T’attendais-tu à une telle réussite ?
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Deux Top 10, c’est plutôt pas mal c’est sûr (6e du Grand Prix d’Ancelle et 8e des Bosses du Haut-Drac avant de chuter à Cours-la-Ville, NDLR). Le plus drôle, c’est que l’arrivée de la première de ces deux courses (les Bosses du Haut-Drac, NDLR) a été un peu folklorique pour moi. En fait, je ne savais pas trop où se trouvait la ligne d’arrivée. Du coup, je me suis fait doubler par quatre coureurs dans les derniers mètres, mais bon, c’est le jeu (sourires). C’était quand même une bonne expérience, sur des courses assez exigeantes et montagneuses. Sur ces épreuves, j’avais surtout essayé de me fier aux coureurs du Chambéry CF, de courir à leurs côtés. Et finalement, je pense que je m’en suis plutôt bien sorti, pour une première.

C’était aussi une bonne occasion de te tester sur les routes françaises...
C’est exactement ça ! C’était important pour moi d’avoir une vraie idée de ce que pourrait éventuellement donner la saison 2015. C’était une vraie indication, une sorte de premier test. Et on peut dire que ce test a été concluant. D’ailleurs, je pense que ça a aussi été un moyen de montrer au staff de Chambéry que j’étais peut-être capable de faire de belles choses. Maintenant, j’ai hâte de pouvoir participer à mes premières courses officielles avec le Chambéry CF. J’attends avec impatience de pouvoir découvrir un maximum de cols dans la région.

« JE NE FAIS DE LA COMPETITION QUE DEPUIS UN AN »

Cet été, tu as donc passé un mois en Belgique et deux semaines dans la région de Chambéry ?

J’ai également passé trois semaines à Monaco, où habite mon agent Baden Cooke. J’ai eu l’occasion de rouler avec des gars comme Richie Porte ou Chris Froome car ce même Baden Cooke connait très bien ces deux coureurs. J’ai vraiment passé de très bons moments à Monaco. C’était fantastique. Surtout que cette ville est magnifique, et les conditions climatiques idéales. Passer du temps avec mon compatriote Richie (Porte) ou avec un ancien vainqueur du Tour comme Chris (Froome) était vraiment énorme. Ils m’ont fait profiter de leurs parcours favoris autour de Monaco. C’était très sympa.

Avant de débarquer en France cet été, tu n’avais couru qu’en Australie. Comment as-tu été repéré par Baden Cooke ?
En fait, je ne fais du cyclisme en compétition que depuis un an. Baden Cooke m’avait repéré dès ma toute première course officielle, à savoir le Championnat d’Australie Espoirs, en janvier dernier (remporté par Caleb Ewan, NDLR). Ce jour-là, j’avais fini dans le premier groupe de favoris alors que je n’avais jamais disputé une course de ma vie ! Et nous n’étions qu’une trentaine à nous disputer la victoire, les autres finissant à plusieurs minutes. Je suppose que c’est ce qui a attiré l’attention de Baden (Cooke). Il a voulu m’aider à progresser rapidement. Si j’en suis déjà là aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à l’aide qu’il m’a apporté.

Ton histoire fait penser à celle de ton compatriote Brendan Canty (lire ici)...
C’est marrant que l’on en vienne à parler de Brendan (Canty) car nous avons plusieurs similitudes. Il a fait une très bonne saison 2014 et s’est retrouvé stagiaire professionnel (chez Drapac, NDLR) alors qu’il avait pris part à sa première course l’hiver dernier seulement. Effectivement, nous avons commencé le cyclisme sur route assez tard tous les deux, et avant ça, nous avons surtout longtemps été adversaires sur différentes courses à pied. Par contre, j’ai deux ans de moins que lui.

« A L’INSTITUT, ON M'A DIT QUE JE POUVAIS DEVENIR UN TRES BON COUREUR »

Tu as donc commencé par la course à pied ?

Oui, j’en ai fait très longtemps. En fait, j’avais commencé très jeune, dès mes 8 ans. J’ai continué à pratiquer ce sport jusqu’à 18 ans. Honnêtement, je n’étais pas mauvais. Je courrais à un bon niveau. Puis un jour, il y a deux ans, je me suis blessé. Rien de grave, mais je me suis mis au vélo pour garder une bonne forme pendant ma coupure. Et puis, j’ai vite réalisé que j’étais peut-être doué pour le cyclisme sur route. J’ai fait quelques sorties avec de très bons coureurs australiens, et j’ai réalisé que je me débrouillais vraiment bien face à eux, notamment dans les ascensions. On m’a fait remarquer que je grimpais vraiment bien. Petit à petit, j’ai fait parler de moi. Avec le bouche à oreille, j’ai fini par être contacté par l’Institut du Sport de l’Etat de Victoria. Ils m’ont fait faire quelques tests et m’ont expliqué que si je me consacrais au cyclisme sur route à 100%, je pourrais devenir un très bon coureur. Du coup, j’ai voulu tenter l’expérience. C’est aussi simple que ça.

Quels ont été tes résultats les plus marquants sur le sol australien en 2014 ?
Encore une fois, mon résultat au Championnat d’Australie Espoirs (20e) a vraiment été important dans la mesure où c’était ma première course officielle. Ensuite, j’ai eu pas mal de bons résultats comme une troisième place sur un contre-la-montre très réputé dans l’Etat du Victoria. J’ai aussi terminé plusieurs fois dans le Top 10 sur des courses par étapes réputées dans le pays, et j’ai pris la septième place de l’étape reine du Tour de Toowoomba (épreuve remportée par l’une des pépites australiennes Jack Haig, NDLR - lire ici). Le plus intéressant pour moi avec toutes ces courses, c’est que j’ai réussi à obtenir de bons résultats alors que j’ai conscience d’avoir très mal couru. Je sais que j’ai commis beaucoup d’erreurs dans la façon de courir, de gérer mes efforts. Et malgré cela, j’ai pu accrocher des Top 10 au milieu de grands talents australiens. C’est ce qui est le plus encourageant selon moi.

Peut-on te considérer comme un pur grimpeur ?
Je fais plus d’1m80, pour 66 kilos. Je me débrouille très bien dans les cols, mais je ne me considère pas comme un pur grimpeur. Je me sais également capable d’être très bon contre-la-montre. A vrai dire, je me vois donc plus comme un coureur de courses par étapes. Evidemment, j’ai encore besoin d’énormément travailler. Mais je m’imagine vraiment capable de faire de belles choses sur les courses d’une semaine avec contre-la-montre et étape de montagne par exemple.

« MON ARRIVEE EN FRANCE DEPENDRA PEUT-ETRE DE MON RESULTAT SUR LE CHAMPIONNAT D’AUSTRALIE »

Pourrait-on te voir courir pour la sélection australienne Espoirs l’an prochain ?

C’est une possibilité. En fait, c’est intéressant de parler de ça car il se trouve que lorsque j’ai signé mon contrat avec le Chambéry CF, j’ai voulu m’assurer que je puisse effectivement prendre part aux épreuves avec l’équipe australienne, si jamais j’étais sélectionné. Ce serait vraiment une grande expérience de disputer quelques courses avec le maillot australien. Dans le meilleur des cas, j’aimerais même pouvoir disputer le Tour de l’Avenir, ou pourquoi pas le Championnat du Monde aux Etats-Unis (à Richmond, NDLR). 

Les places se font cependant de plus en plus chères dans la sélection australienne, comme on a encore pu le voir en 2014 avec de grands talents comme Caleb Ewan, Campbell Flakemore, Robert Power ou Jack Haig…
C’est ce qui est très intéressant justement ! Cette année, j’ai eu plusieurs occasions de courir avec Jack Haig par exemple (notamment deuxième du Tour Alsace, NDLR). Et j’ai vite compris que j’étais capable d’avoir son niveau en montagne. Simplement, j’ai besoin de temps, j’ai besoin d’apprendre à leurs côtés. J’ai beaucoup moins d’expérience que ces coureurs-là pour le moment. Mais j’espère vite progresser. Le Championnat d’Australie, en janvier prochain, sera déjà un très bon test pour moi. Je vais pouvoir me confronter une nouvelle fois à tous les meilleurs Espoirs australiens. Si je fais une bonne performance sur ce Championnat, alors j’aurai sans doute la chance de porter les couleurs de mon pays par la suite sur différentes courses internationales.

Suite au Championnat national, il y aura encore de belles courses estivales en Australie. Quand penses-tu arriver en France ?
C’est vrai qu’il y aura des courses très attrayantes. En fait, mon arrivée en France dépendra peut-être de mon résultat sur le Championnat d’Australie. Si je fais une belle performance, cela pourrait m’ouvrir quelques portes pour les semaines suivantes. Je pourrais être sélectionné pour le Tour Down Under avec l’équipe UniSA. Je n’oublie pas non plus l’Herald Sun Tour. Donc si tout se passe pour le mieux, je devrais arriver à Chambéry vers la mi-février. Evidemment, disputer le Tour Down Under serait fantastique. Mais je n’y suis pas encore. Il faudra pratiquement attendre le dernier moment pour que le verdict tombe.

« SI DES COUREURS COMME ROMAIN BARDET ONT PU LE FAIRE... »

Qu’attends-tu exactement de cette saison 2015 avec le Chambéry CF ?

En fait, je ne sais pas trop. Je suis vraiment très excité à l’idée de débuter ma saison avec cette équipe. Je ne peux déjà plus attendre (sourires). Par contre, j’ai bien conscience qu’il sera compliqué de communiquer avec tout le monde au début. J’espère que je vais pouvoir apprendre le français rapidement. Je sais que ce ne sera pas très drôle au début. Quand tu ne peux pas parler avec les gens, c’est une vraie barrière. Mais il faut l’accepter, ça fait partie du jeu. Je ferai mon possible pour apprendre au plus vite. Je suis content d’apprendre cette langue. De toute façon, plusieurs collègues australiens m’ont expliqué que pour être un bon coureur cycliste, c’était toujours mieux d’apprendre le français, une langue très importante dans ce sport.

Tu pourras également t'appuyer sur des coureurs comme Nico Denz, qui maîtrisent le français et l'anglais...
Ce sera un bon appui en effet. Je vais pouvoir m’appuyer sur les coureurs capables de parler anglais pour faire la liaison avec ceux qui ne parlent que français. Et puis, des gars comme Nico Denz pourront aussi rapidement m’apprendre les mots essentiels en français. Ce sera une aide précieuse. Même sportivement, un gars comme Nico Denz est un exemple. Il sera professionnel l'été prochain avec AG2R La Mondiale. Forcément, ça donne des idées.

Et en termes de résultats justement : penses-tu pouvoir faire de gros coups dès l’an prochain ?
Il faudra voir sur le terrain, mais ce n’est pas exclu. Je viens en France pour ça, évidemment. Je veux montrer aux formations professionnelles de quoi je suis capable. Quand je vois effectivement que Nico (Denz) est capable de passer professionnel chez AG2R La Mondiale via le Chambéry CF, c’est motivant. Même chose pour Pierre-Roger Latour, Romain Bardet... Si ces gars ont pu le faire, je me dis qu’après tout, je pourrais les imiter.

Crédit photo : DR
 

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