La Grande Interview : Victor Gousset
Victor Gousset est passé à autre chose. Après plusieurs années à se consacrer à 100% au vélo, le sociétaire du VC Unité Schwenheim partage son temps depuis deux ans avec une activité professionnelle. Bien moins présent sur les courses qu'auparavant, le coureur de 29 ans compte encore garder un pied à la compétition. Né à Dijon, le résident de Troyes revient pour DirectVelo sur son parcours, ses souvenirs de ses meilleurs années et sur sa situation actuelle.
DirectVelo : Depuis 2018, tu cours moins...
Victor Gousset : C'est normal, j'ai quand même tourné une page suite à mon départ du CM Aubervilliers. Je fais un autre type de vélo désormais. Ce n'est pas du vélo à plein temps comme ces dernières années. C'est quand j'ai le temps, quand j'ai un créneau qui se libère, quand j'ai besoin de me défouler pour couper après une journée de boulot. J'ai tourné la page du "gros" vélo. J'étais vraiment à fond dedans. C'était un mode de vie qui me plaisait aussi, à être sur les courses tous les week-ends et à parcourir la France.
Quelle activité exerces-tu ?
Je suis professeur d'activité physique adapté dans une clinique et en libéral à mon compte. Le vélo, ça ne fait pas vivre tant qu'on n'est pas professionnel. Je suis passé à autre chose pour pouvoir avancer dans la vie. Je suis en train de bien réussir ma vie professionnelle en dehors du vélo. C'est tout autant plaisant.
Au VC Unité Schwenheim, tu es en quelque sorte capitaine de route...
C'est aussi le deal que je puisse quand même encadrer les jeunes et apporter mon expérience. Appendre aux jeunes est quelque chose que j'aime beaucoup. Sur un chrono par équipes par exemple, c'est un plaisir de pouvoir organiser un groupe. Même si l'équipe n'est pas la plus forte, on peut s'amuser tout en étant solidaire et soudé. Si on arrive à bien gérer ça, ça se ressent sur les courses d'un jour ou par étapes. C'est une autre façon de faire du vélo. C'est toujours sympa de pouvoir partager ce que j'ai pu apprendre toutes ces années. Si je peux aider un jeune ou quelqu'un qui veut se mette en avant, c'est avec plaisir que je peux le faire. Je n'ai plus rien à prouver.
Sur le chrono des Boucles Nationales du Printemps, troisième manche de la Coupe de France DN2, tu as terminé 15e...
Je n'étais pas loin de marquer des points. Après, je ne me faisais pas non plus d'illusions, je connaissais mon niveau et celui sur ce genre de courses. Avec l'expérience et la force emmagasinée les années passées, je peux toujours réaliser un bon chrono sur une étape, surtout que c'était la première étape. Ça jouait en ma faveur sur le côté fraicheur. Je ne m'attends plus à faire des grosses performances. Il ne faut pas se mentir. Si on veut marcher, il faut s'entraîner fort.
« DUR DE TOURNER LA PAGE »
Continues-tu de t'entraîner régulièrement quand même ?
La charge d'entraînement n'est vraiment pas élevée. C'est important dans mon métier de rester en forme. Je m'oblige à garder une condition physique pour ma santé et mon métier. Je suis en mesure de proposer des séances que je suis capable de réaliser moi-même. Il faut être suffisamment solide pour rattraper une personne qui est entrain de chuter. Il faut que je puisse la relever et ne pas me blesser. Dans la semaine, j'ai une partie en salle de sport pour travailler physiquement et une autre quand je fais des sorties. Je ne peux pas me permettre de ne pas m'entretenir. J'ai vécu presque dix ans à faire du sport tous les jours. C'est très difficile de lever le pied.
Penses-tu continuer plusieurs années à ce rythme ?
C'est difficile à dire. Tant que j'arrive à concilier tout, tant que je trouve du plaisir, je continuerai à le faire. Il faut aussi que l'équipe me fasse confiance. Je pourrais très bien tout envoyer balader du jour au lendemain. Je pense que je m'arrêterai naturellement à la fin d'une année. Après, c'est toujours un plaisir de faire des courses et des cyclo-cross. Je suis un compétiteur, je ne me vois pas rouler pour rouler comme ça, juste pour le plaisir de sortir le vélo. Je ne suis pas dans cette optique-là. Si je fais du vélo, c'est pour la compétition. Là, on m'offre la possibilité de le faire, ça me convient tout à fait.
Début 2017, tu déclarais que c'était "l'année ou jamais" pour passer professionnel (lire ici). Est-ce que ça a été dur de passer à autre chose ?
Ça a été dur de tourner la page. On m'avait déjà parlé du fait d'arrêter le haut niveau et de passer à autre chose. Je trouvais ça un peu bizarre. Quand j'ai eu le nez dedans, ça n'a pas été très simple à gérer. J'ai essayé de prendre un peu de recul et d'analyser toutes ces années passées au haut niveau.
As-tu des regrets ?
Le seul regret est le temps que j'ai mis à rencontrer les bonnes personnes pour évoluer que ce soit au niveau des entraîneurs, des kinés.... J'ai mis du temps à mettre ça en place. Aujourd'hui, quand un jeune arrive dans le vélo, il peut avoir une structure où tout est mis en place. C'est le cas notamment de la Van Rysel-AG2R La Mondiale U19. Je suis arrivé dans le vélo, j'étais encadré mais c'était le minimum pour réussir dans le vélo. De moi-même, j'ai essayé de chercher un peu comment je pouvais progresser. J'ai perdu des années à construire mon "réseau". Si j'avais eu tout dès le début, j'aurais progressé et été à plus haut niveau plus vite. En tout cas, au niveau de l'entrainement, j'ai donné le meilleur de moi-même tout au long de l'année. Je courais quasiment tous les week-ends. J'ai fait tout ce que je pouvais avec mes moyens.
« J'ÉTAIS NAÏF »
Tu aimes bien le chrono, mais tu n'as jamais obtenu de performances au Championnat de France. Comment l'expliques-tu ?
Les chronos du Championnat de France, ça a toujours été une catastrophe. Je me rappelle même avoir raté un départ chez les Espoirs. J'ai toujours été complètement à côté. Par contre, je pense que ça permettait de me débloquer pour la course en ligne. Cette épreuve se passait toujours très bien.
Sur l'épreuve en ligne du Championnat de France 2012, tu avais terminé 13e...
Tout le monde me disait que c'était énorme ce que j'avais fait au Championnat de France. Je ne m'en rendais pas compte, je ne connaissais rien au vélo. Avec un peu de recul et d'expérience en plus, j'aurais peut-être pu faire quelque chose de plus sympa encore. À cette époque-là, j'étais naïf, ça porte préjudice à un moment ou à un autre.
Comment te définirais-tu ?
J'étais assez polyvalent, mais c'est quelque chose qui me pénalisait.. Par exemple au Tour du Jura, j'étais échappé pratiquement tous les jours. Ça prouve que je passais bien les bosses. Sur le Tour Nivernais Morvan, il y avait des années où j'étais toujours échappé aussi. Sur un Championnat de France tout plat, je pouvais aussi bien tourner. Il me manquait peut-être une spécialité. Je suis un peu bon partout, mais je n'excelle pas quelque part. Je n'ai pas de coups d'éclats énormes dans un type de course.
Quand as-tu réellement commencé à rouler sérieusement ?
En Espoir 1, à Ruffey-les-Echirey. Avant de passer Espoir, c'était juste la sortie du mercredi avec le club, je ne connaissais rien du tout même si j'ai commencé en Pupille 1. C'est à partir d'Espoir 1 qu'on m'a ouvert les yeux en me disant qu'il y avait des courses tous les week-ends et que je pouvais m'entraîner tous les jours. J'étais un peu en décalage avec ceux qui commençaient dès les Cadets. Laurent Schenten nous voyait nous entraîner le mercredi. Il regardait un peu les jeunes évoluer. Quand il a quitté l'ASPTT Dijon, il m'a aiguillé et entraîné. Je l'ai suivi à l'UVCA Troyes en 2010 et à l'UV Aube où il était directeur sportif. C'est lui qui m'a ouvert les yeux sur ce qui existait dans le vélo, les catégories, les distances, les entraînements.
« QUAND J'AI VU DAVID GAUDU, JE ME SUIS DIT "C'EST QUOI CE FIL DE FER?" »
Ensuite, tu as été suivi par Florian Morizot qui était lui aussi directeur sportif à l'UV Aube, puis au Club Champagne Charlott'...
Laurent Schenten m'a dit qu'il fallait que je puisse voir quelqu'un d'autre, qu'il ne pouvait plus rien m'apporter de plus. Il a été honnête avec moi. Il m'avait fait passer avec Florian Morizot qui venait de redescendre de chez les pros. Il avait une autre vision. J'ai repassé un cap en bousculant un peu les habitudes. J'ai gagné de belles courses, notamment l'étape de la Loire-Atlantique Espoirs.
Puis tu es passé au CM Aubervilliers 93 avec un intermède d'une année au VC Toucy...
Au bout de la première année à Auber, ils ne savaient pas s'ils repartaient en DN. J'avais peur de me retrouver le bec dans l'eau. Je connaissais David Han, je savais qu'il était de Troyes, je le croisais de temps en temps. C'est lui qui m'a fait venir à Toucy. Au moins, j'avais la garantie que ça repartait en DN. Je suis parti un peu à contre-coeur, c'est pour ça que je suis finalement retourné à Auber lorsque j'ai su que ça repartait. Cette année à Toucy n'a pas été si mal. J'ai rencontré l'entraîneur qui m'a fait passer un nouveau cap. C'est Rémy Deutsch qui est arrivé et qui sortait de l'école de Frédéric Grappe. Je l'ai gardé sur mes années suivantes à Auber. Il avait une connaissance du cyclisme moderne très axée sur les capteurs de puissance, sur les plages de récupération et de travail.
Quels ont été tes meilleurs et tes pires moments sur un vélo ?
Les meilleurs moments, c'est quand tout va bien, quand on est content de se retrouver tous les week-ends, à se charrier. On ne peut pas être performant tous les week-ends. On rigolait tellement qu'on oubliait vite la défaite. C'était surtout le côté collectif, on était limite des familles. C'est gravé à vie. C'est enrichissant de rencontrer d'autres personnes dans le vélo, même dans la vie de tous les jours ou quand on était en stage. Je ne gardais que le positif. Tous les mauvais moments, je les effaçais de ma tête. Le pire moment, c'est le Tour du Jura 2016. Il devait faire 25 degrés dans la vallée au départ et on savait qu'il allait y avoir de la neige à l'arrivée. On pensait qu'ils allaient raccourcir l'étape et finalement, c'est allé au bout. J'avais beau mettre des épaisseurs, c'était l'un des moments où j'ai eu le plus froid sur un vélo...
Quels coureurs t'ont marqué ?
Déjà, il y a David Gaudu quand il était à Côtes d'Armor-Marie Morin. C'était sur le Tour d'Auvergne. C'était une des premières fois que je le voyais. Je me suis dit "c'est quoi ce fil de fer?". Je ne le connaissais pas trop, je ne pouvais pas imaginer ce qu'il allait devenir. C'était une étape très difficile. Et on m'a dit que c'est lui qui a gagné. Je me suis dit "hola, il est vraiment costaud". Il m'a marqué, il faisait vraiment innocent sur le vélo, je me disais qu'il allait passer par la fenêtre à la première bosse. Il m'a vraiment impressionné. Après, je dirais Kévin Le Cunff, c'était mon coéquipier à l'époque au CM Aubervilliers 93. Je savais que je pouvais compter sur lui quoi qu'il arrive. On avait passé une bonne année à bien s'entraider. C'était vraiment agréable de courir avec lui. Enfin, j'ai couru aussi avec Jérémy Cabot à Toucy. Quand je voyais le peu qu'il s'entraînait quand il était à Toucy et les performances qu'il sortait, c'était déjà impressionnant. Je savais qu'il était fort, mais de là à réaliser l'année qu'il a faite...