La Grande Interview : Yoan Verardo

"Il est exceptionnel." Yoan Verardo apprécie son début de saison. Le sociétaire du GSC Blagnac Vélo Sport 31 s'est offert deux épreuves de l'Essor Basque, un podium à Bordeaux-Saintes (3e)... Des résultats qu'il doit à sa capacité à passer les bosses et à sa pointe de vitesse. "Je vais vite au sprint mais je pense que je suis plus à mon avantage sur les courses usantes. Je suis en dessous des purs sprinters", assure-t-il.
Ses oncles ont fait des ravages chez les amateurs dans les années 80. Lui marchait fort chez les Juniors. Puis la machine s'est enrayée. La faute à des soucis de santé, à la mort de deux oncles. Plusieurs fois, il a pensé à tout arrêter pendant que ses ex-adversaires chez les Juniors rejoignaient eux le monde pro. Alors que sa dernière année Espoir a débuté, Yoan Verardo a repris sa progression. L'actuel 6e du Challenge BBB-DirectVelo s’apprête même à découvrir l'Equipe de France Espoirs en compétition.

DirectVelo.com : Tu disputes ta dernière année Espoirs. Tu y as pensé avant d'attaquer la saison ?
Yoan Verardo : L'an dernier, j'ai coupé après le Grand Prix de l'humanité sur piste. Au moment de la coupure, je me suis dit : "Mince ça sera ta dernière années Espoirs. C'est la dernière année où tu peux disputer des manches de la Coupe des Nations, être en Equipe de France Espoirs, disputer des belles courses, être au départ du Challenge National..." C'est vrai, ça m'a fait un petit choc. Je me suis dit qu'il allait falloir me réveiller. J'ai l'impression d'avoir été Espoir 1ère année l'an dernier. Ça passe vite !

Dans le vélo amateur actuel, tu es presque un vieux désormais...
Je suis un vieux chez les Espoirs ! Je l'ai remarqué à l'occasion du stage de l'Equipe de France fin février. Sur quinze coureurs, j'étais le seul à être dans ma dernière année Espoirs. Ça fait bizarre ! Énormément de coureurs de mon âge sont passés chez les professionnels. Il n'y en a plus beaucoup dans le peloton amateur. En Juniors, j'étais avec eux. Certains avaient une jambes au-dessus. Je pense à Olivier Le Gac et Pierre-Henri Lecuisinier. Mais j'avais remporté l'étape en ligne du Circuit des Trois Rivières sur le Challenge National Juniors, terminé 3e d'une étape du Tour d'Istrie en Coupe des Nations... Ça m'a mis une petite claque, je me suis dit que je n'étais là où je devrais être. Ça m'a fait comprendre qu'il fallait que je m'entraîne cet hiver. C'est ce que j'ai fait !

Pour être professionnel en 2016 ?
Le premier gros objectif est d'avoir mon BTS Management des unités commerciales (MUC) au mois de mai ! Pour le vélo, avant de dire que je veux passer pro, je veux gagner et avoir le plus de Top 10 possible. Je pense que si j'arrive à faire ça, ça sera plus facile d'aller au-dessus. C'est un objectif, il ne faut pas le cacher. Mais la priorité est de gagner des belles courses.

« ON M'A DIT QUE JE DEVAIS ARRÊTER LE SPORT »

Pourquoi tu n'es pas encore chez les professionnels ?
J'ai eu une lourde de chute au Tour d'Istrie, en 2e année Juniors. J'ai eu des sensations bizarres ensuite, j'avais la jambe qui tremblait toute seule. En fin de saison, j'avais préparé le Championnat du Monde sur piste. Lors du stage, j'ai le dos qui a craqué d'un coup. J'avais une boule, c'était une hernie discale... Suite à cela, on m'a dit que je devais arrêter le sport définitivement.

Comment l'as-tu vécu ?
J'ai un pris coup au moral. En plus de ça, en 2011, il y avait eu la mort de mon oncle Mariano qui m'avait perturbée. Il était comme un second père pour moi. Au moment où j'étais blessé, j'étais en déprime total. J'avais pris douze kilos. Je ne pouvais plus rester debout plus de deux heures. Le kiné du Pôle France de Bordeaux m'a permis de ne plus avoir de douleur. Je suis allé chez lui tous les jours pendant un mois et demi pour faire des étirements, du gainage... Au mois de janvier 2012, j'étais sur le vélo avec l'Entente Sud Gascogne.

Cette année-là, tu termines 5e du Challenge DirectVelo des 19 ans derrière Alexis Gougeard, Pierre-Henri Lecuisinier, Olivier Le Gac et Guillaume Martin...
Mais l'année n'a pas été évidente. Je m'étais bien entraîné une fois avoir constaté que je pouvais refaire du vélo correctement. Hélas dans l'année, un second oncle est mort. Et là rebelote... Je ne m'étais pas encore remis de la mort de Mariano, et je reperdais un oncle. Je n'étais plus dans le vélo, je n'avais plus confiance en moi. Je n'allais plus à l'école. Socialement, ça n'allait pas alors le vélo...

Tu aurais pu arrêter le vélo ?
J'y ai pensé très souvent. Le plus dur était d'aller m’entraîner. J'allais sur les compétitions pour voir les copains, comme Stéphane Reimherr, Julien Ballion ou Quentin Pacher. Ça me faisait plus plaisir de les voir que de courir. Mais je restais un compétiteur, j'avais toujours envie d'être performant. Comme je ne m'entraînais pas, j'avais des résultats en dents de scie. Quand il t'arrive ce genre de choses, c'est compliqué de les gérer surtout à 19 ans. L'année dernière, j'ai perdu une tante de l'autre côté de ma famille. Il y a eu à ce moment-là l'effet inverse. J'ai pris conscience que la vie était courte, qu'il fallait en profiter. Je devais me mettre à fond dans ce que j'aimais, le vélo.

« JE SUIS A FOND DANS LE VELO »

Tu aimes aller t'entraîner aujourd’hui ?
J'ai envie d'aller m'entraîner. Depuis octobre, je me fais suivre par Cyrille Tronche, l'ex CTR de Midi-Pyrénées. Je m'entends bien avec lui. Je sais qu'il a une bonne approche. Il connaît ce qu'il fait. Je lui fais confiance à 100 %. Je fais volontiers et avec plaisir ce qu'il me demande de faire. Je suis à fond dans le vélo.

C'est pour cela que tu as perdu du poids cet hiver ?
J'ai changé mon alimentation. J'ai arrêté les fast-food ! Je mange équilibré comme tous les sportifs font sans doute. Je me suis remis dans les rails. Je suis de nature gourmande, j'ai un McDonald's à 300 mètres du lycée où je suis en BTS. Le midi, les copains de classe allaient manger au McDo. Il était dur de résister. J'y allais de temps en temps. J'ai arrêté en fin de saison dernière. Quand tu passes toute une saison avec des ex ou futur pros, quand tu les vois faire le métier, montrer le bon chemin... Tu comprends qu'il faut faire comme eux.

Tu as beaucoup appris aux côtés des Loubet, Chetout, Branaa ou encore Cazaux ?
Oui, vraiment. L'an dernier, dès le kilomètre 0, les six coureurs du GSC Blagnac Vélo Sport 31 se trouvaient dans les vingt premiers du peloton. Nous prenions les échappées chacun notre tour. C'était toujours le top ! Nous ne loupions que très rarement une échappée. L'an dernier, j'ai pris cette habitude de me positionner à l'avant du peloton dès le départ. Ça me permet de prendre souvent les coups, comme ce fut le cas en début d'année sur l'Essor Basque. Avec eux, j'ai appris à décrypter la course, prendre la bonne échappée, savoir quand il fallait rouler, attaquer...
 
Courir à l'avant, tu ne le faisais pas par exemple quand tu courrais avec l'Entente Sud Gascogne ?

Nous le faisions pendant trois kilomètres. Nous essayions de prendre un ou deux coups, et après nous allions nous mettre en 50e position. Collectivement, ça n'apportait pas grand chose. A Blagnac, nous étions toujours devant l'an passé. Quand tu cours devant, tu montres à tes coéquipiers que tu es là même si tu n'es pas au top. Je pense que c'est un plus pour le moral de l'équipe.

« GAGNER LES MÊMES COURSES QUE MES ONCLES »

En étant un Verardo, tu étais obligé de faire du vélo non ?
Oh non pas du tout ! J'ai commencé par le tennis. Il est vrai qu'aux repas de famille, ça parlait beaucoup de vélo. Tout le monde avait pratiqué le vélo, et à cette époque-là, mes oncles et mon père (Guido) faisaient encore un peu de vélo. Mon père m'a toujours dit de m'amuser. Il voulait que je fasse du sport. J'ai commencé le vélo à 14 ans. Avant, j'ai fait du tennis, du football, du judo. J'avais touché à tout... J'étais licencié dans une association omnisports. Je n'étais pas super bon au football, et j'étais un compétiteur donc ce n'était pas l'idéal. Un jour, mon petit frère (Rémi, licencié également au GSC Blagnac VS 31, NDLR) a dit à mes parents qu'il voulait faire du vélo. Je l'ai suivi, et nous n'avons jamais arrêté. Ça nous a plu de suite.

On doit souvent te parler de tes oncles...
Sur les courses, beaucoup de gens connaissent le nom et la famille Verardo. On me parle des résultats de mes oncles, Mario et Mariano. Je n'y fais pas très attention. Ça ne me dérange pas. J'ai réussi à faire abstraction de ça. Mon plaisir est de faire du vélo. Mais il est vrai que j'aime bien regarder quelles courses mes oncles ont pu remporter. J'ai vu par exemple que Mariano s'était  imposé sur Bordeaux-Saintes, Mario à Paris-Connerré. Ça me titille un peu, j'aimerais gagner Bordeaux-Saintes... En fait, ces courses me font envie comme mes oncles les ont gagnées... C'est pour rigoler plus qu'autre chose !

« LA VRAIE SAISON COMMENCE MAINTENANT »

Pendant le stage de l'Equipe de France Espoirs fin février, à la fin d'un entraînement, tu es allé voir Pierre-Yves Chatelon pour demander un entretien individuel. Tu en ressentais le besoin ?
Il est toujours intéressant d'avoir un entretien individuel avec le sélectionneur national. Nous étions les quinze coureurs ensemble pendant tout le stage. Nous avons eu des réunions collectives. Pierre-Yves Chatelon nous expliquait le déroulement de la saison de l'Equipe de France. Le voir de manière individuelle était bien pour savoir ce qu'il pouvait attendre de moi, et ça me permettait de lui dire mes attentes pour 2015. Le but était donc de discuter en tête à tête avec lui, avoir son avis sur moi et sur les courses qui pouvaient m'aller.

Est-ce simple pour un coureur de demander ce type d'entretien ?
Pierre-Yves nous avait proposé des entretiens individuels. Au début, je ne savais pas trop si c'était intéressant. Mais j'avais des questions, il valait mieux lui poser en direct et avoir les réponses de suite. Je voulais montrer que j'avais envie de porter le maillot de l'Equipe de France. J'ai envie de disputer les courses internationales, de faire du haut-niveau... Je sais que les sélections se font sur les résultats. Je devais continuer de marcher. Je n'allais pas être retenu car j'avais gagné sur l'Essor Basque. J'ai pu avoir des résultats à Châteauroux-Limoges (10e) et à Bordeaux-Saintes. Ça a fait pencher la balance.

Quel a été ton sentiment quand tu as appris que tu étais retenu pour le Triptyque des Monts-et-Châteaux et la Côte Picarde ?
Une énorme joie ! J'avais l'impression que c'était un premier aboutissement. C'est une récompense pour toutes les remises en questions que j'ai pu faire, les sacrifices effectués cet hiver. Il y a de la fierté de savoir que je vais reporter le maillot. Nous ferons tout pour le placer le plus haut possible dans le classement...

Il t'avait manqué ce maillot de l'Equipe de France ?
Il fait toujours envie, c'est une motivation supplémentaire. J'ai porté le maillot sur la piste, pendant mes deux années Juniors, Paris-Roubaix et en Croatie sur la route. J'en avais perdu l'habitude... L'an dernier, j'ai vu Loïc (Chetout) rentrer en Equipe de France, ça donne envie. Je me suis alors dit "Toi aussi, tu y as été, tu peux le refaire". Savoir que je suis retenu, c'est un soulagement, un poids en moins. Mais je me disais "si tu marches ces prochains week-ends, ça te donnera une chance en plus". Je n'avais pas non plus une grande pression. J'avais envie de marcher à Châteauroux-Limoges et Bordeaux-Saintes. Quand tu es tous les week-ends, sur le devant de la scène, tu marques des points. Je vais arriver ce week-end sur la Coupe de France avec encore plus d'envie et moins de pression. La saison commence bien. J'essaie toujours de faire mieux. Un gros mois d'avril arrive, il sera chargé. La vraie saison commence maintenant.

Crédit photo : Guy Dagot - www.sudgirondecyclisme.fr
 

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