Un Annemasse-Bellegarde « horrible » pour les coureurs
Ils sont 29 coureurs à en avoir terminé avec l’enfer. 29 sur une liste de 172 concurrents au départ ce dimanche de la 87e édition d’Annemasse-Bellegarde (voir classement). “Je n’ai jamais tremblé comme ça sur un vélo. C’était horrible”, souffle Maximilien Juillard (Go Sport-Roubaix Lille Métropole) auprès de DirectVelo. Tout a commencé dans la descente vers La Muraz, après environ 80 kilomètres de course, quelques minutes après que de nombreux coureurs soient descendus à la hauteur de leur directeur sportif pour… déposer des vêtements. “Au départ, j’étais content car les conditions étaient meilleures que les prévisions météo”, sourit Rémi Capron (VC Villefranche Beaujolais). Puis le long du Salève, le ciel s’est abattu d’un seul coup sur la course. “Du tonnerre, des orages, de la grêle”, résume Victor Jean (AG2R Citroën U23 Team). “Il faisait même presque nuit noire. C’était un truc de fou”, indique Joris Delbove (St-Michel-Mavic-Auber 93). “On entendait les coureurs crier dans tous les sens, tout le monde cherchait à se réchauffer”, dit Maximilien Juillard. “Je pensais vraiment que la course allait être annulée, que le protocole météo allait être activé”, dit Thibaud Saint-Guilhem (AVC Aix-en-Provence).
ABRITÉS SOUS UNE GRANGE
Mais pour le président du jury, Cédric Fonteneau, il n’a jamais été question d’arrêter l’épreuve à ce moment-là. “Nous avons surveillé la température. Il a fait 5° au plus bas. Ce n’est pas une température où on rentre dans le protocole météo. Nous avons vu une dizaine de coureurs se mettre sous les toits des maisons mais les autres ont continué de faire la course. Le problème, c’était la grêle mais ce n’est pas comme si les trois-quarts du peloton s’étaient arrêtés”, dit Cédric Fonteneau. Quelques coureurs ont eux trouvé refuge sous une grange, avant de monter dans différents véhicules d’équipes. Pas toujours celui de leur club. “C’était un peu sauve-qui-peut. Certaines équipes n’ont pas été très collaboratrices”, peste un coureur.
Pour se réchauffer, d’autres concurrents ont préféré faire la course en tête dès le GPM du Mont, qui suit la descente vers La Muraz. C’est le cas de Matéo Allard. “Dans la descente du Mont, nous étions encore frigorifiés. On tournait pour ne pas avoir froid”, rapporte le sociétaire du CC Étupes, échappé à ce moment-là. Puis la trentaine de survivants est arrêtée vers le 115e kilomètre alors que Gwen Leclainche (Philippe Wagner Cycling) fait la course en tête. “Une moto qui roulait a percuté une moto arrêtée, raconte Cédric Fonteneau. Ce qui a envoyé derrière quatre coureurs à terre, dont deux qui étaient touchés dans le fossé. Cette chute concerne au total sept personnes. Je me suis dit que le médecin et une ambulance allaient devoir s’arrêter. Il fallait qu’on ait toujours un véhicule de secours avec nous pour poursuivre la course”.
Cédric Fonteneau prévient alors l’organisateur Olivier Paret-Peintre que l’épreuve allait être neutralisée. Poussés à mettre pied à terre, des coureurs s’agacent et demandent l’arrêt pur et simple. “Les coureurs étaient frigorifiés, certains criaient, ce que je comprends. J’ai dit à Olivier que je lui donnais deux minutes pour me dire si des secours allaient arriver pour suivre la course. Sinon, on arrêtait”.
« LA COURSE LA PLUS DURE DE MA VIE »
Pendant ce temps-là, ceux qui le peuvent se lancent dans une course contre la montre pour vite mettre des vêtements chauds. L’entraide est alors de rigueur. Le CC Étupes dépanne des coureurs comme Joris Delbove et l’Aixois Alexander Konijn, qui a fini la course avec le maillot du club franc-comtois (voir notre galerie photos). “L’interruption a été difficile car il fallait se remotiver éventuellement pour repartir, reconnaît Victor Jean. Pendant l’arrêt, il fallait se réchauffer, manger et boire. Ça m'a permis de rester mobilisé car tant que la course n’était pas annulée, il fallait rester concentré”. Pour Rémi Capron, vainqueur la veille du Grand Prix de Saint-Étienne Loire, cet arrêt a été “un coup de massue. J’étais chaud pour qu’on annule la course et que l’on rentre directement à Annemasse”.
Mais Cédric Fonteneau reçoit dans les deux minutes, comme demandé, l’information que les secours allaient bien pouvoir revenir immédiatement. “L’arbitre a été sympa et très à l’écoute, apprécie Antoine Aebi (Charvieu-Chavagneux IC). Je suis allé vers lui pour lui dire qu’il devait rapidement nous faire soit repartir soit arrêter la course définitivement. Il a pris sa décision très vite. Il a pensé à nous. Ça a été bien géré”. Mais il a fallu encore patienter quelques minutes pour que tous les coureurs soient prêts à repartir après avoir enfilé de nouvelles tenues. Pour certains, cet arrêt a fait beaucoup de mal. “Ça m'a cassé les jambes. Je n’avais plus de force, j’étais frigorifié”, confie Matéo Allard. “Je n’ai rien pu manger, j’ai fini en fringale”, tente de sourire Maximilien Juillard.
Pour Gwen Leclainche, cet arrêt n’a finalement rien changé. Déjà devant avant la pause, il a pu repartir avec la même avance sur ses poursuivants. Bien que repris par quelques concurrents, il s’est montré le plus costaud dans le final pour prendre le meilleur sur Antoine Aebi, Clément Carisey (Charvieu-Chavagneux IC) et Valentin Darbellay (Elite Fondations). Ce succès de prestige à Annemasse peut changer le cours de sa carrière. Le vainqueur et les 28 autres finishers se souviendront toute leur vie de cette course folle. “C’était exceptionnel. Pour moi, c’était la première fois. Il fallait vraiment en vouloir pour finir”, estime Victor Jean, classé 17e à l’arrivée. “C’était vraiment la course la plus dure de ma vie”, conclut Maximilien Juillard.