À l’Isard, un accident qui glace le sang
Un instant saisissant, effrayant. Violemment percuté par un motard chargé d’assurer la sécurité, le longiligne Jackson Medway - 1m91 - a voltigé par-dessus la chaussée, sur la large départementale précédant la montée du Col des Ares. “Il s’est envolé à deux mètres au-dessus du sol (...) C’était terrifiant”, rapportent plusieurs coureurs auprès de DirectVelo. Le départ de la troisième étape de la Ronde de l’Isard (2.2U) a été donné depuis une petite heure. Sur le papier, beaucoup peuvent espérer jouer leur carte ce vendredi après une journée réservée aux meilleurs grimpeurs la veille. Jackson Medway a été le premier à tenter sa chance en début de course. Il remet le couvert peu avant le km 30, seul. Curieux de voir si d’autres concurrents réagissent, « l’Aussie » se retourne et se déporte d'un côté à l'autre de la chaussée. Il est percuté de plein fouet “avec une violence inouïe”, dixit certains athlètes présents aux premières loges. Le motard est pour sa part éjecté de son véhicule et termine sa course dans un fossé relativement profond.
BEAUCOUP D'INQUIÉTUDE
L’ensemble du peloton prend immédiatement conscience de la gravité de la situation. Avant même que la présidente de jury ou le comité d’organisation ne prennent une décision, les premiers coureurs du peloton posent pied à terre dans la foulée. “C’était évident, on n’allait pas continuer la course vu la violence de la chute”. Alors que les premiers secours s’activent en attendant l’arrivée des pompiers, c’est très vite l’inquiétude et l’incompréhension au sein du peloton. Des “Por Dios !”, “What the f***” et autres expressions fleuries résonnent dans toutes les langues. Très vite, beaucoup s’arrêtent sur un fait précis : le motard n’aurait pas klaxonné pour avertir qu’il allait dépasser le peloton sur la droite. “C’est le cas depuis mercredi avec plein de motards”, assurent plusieurs athlètes de formations différentes, tous préoccupés par la santé de Jackson Medway et du pilote du deux roues. Le coureur serait durement touché à une jambe, tandis que le pilote souffrirait du dos et du fémur.
Tout le monde comprend très vite que la course ne va pas reprendre rapidement. “On était très inquiets pour le coureur et pour le pilote. On attendait des nouvelles”, résume Jarno Widar (Lotto-Dstny), le 2e du général. “C’est un accident qui glace le sang. On a eu très peur. Il ne faut pas en vouloir au motard. C’est un accident. Je prie pour que tous deux n’aient rien de grave”, témoigne Max van der Meulen, lauréat la veille. Dix minutes s’écoulent puis vingt, trente… Les coureurs sont priés de rester sur un seul côté de la chaussée et la circulation est rouverte. Par chance, la météo clémente - plus de 20°C et un grand soleil - permet aux coureurs de rester dehors, posés à même le goudron. “Il y a deux jours, ça aurait été terrible d’attendre dans le froid et sous la pluie”, lâche Jules Chatelon. Le coureur de NIPPO-EF-Martigues est cette semaine le représentant des coureurs pour aborder, notamment, la question de la sécurité. “Ils voulaient que ce soit un Français et on est à peine plus d’une dizaine. C’est tombé sur moi”, confirme-t-il à DirectVelo.
L'ÉTAPE DISPUTÉE EN INTÉGRALITÉ
Voilà désormais 1h15 que la course est neutralisée. Chez Bridgelane, le directeur sportif revient enfin à la hauteur de ses protégés après être longuement resté auprès de son coureur blessé, 200 mètres plus en amont. La famille du coureur concerné a été très rapidement prévenue et rassurée quant à la gravité de la situation. Pendant ce temps, on rigole entre coureurs italiens pour passer le temps, tandis que les Portugais d’Obidos s’amusent de leur découverte de la veille. “Les Français ont passé un Rocky à la télé et il n’y avait pas de sous-titres. Comment apprendre l’anglais comme ça ?”, chambrent-ils. Les DS, eux, s’impatientent finalement plus que la plupart des coureurs. “Ça commence à faire long, on ne va pas finir l’étape à 18h30 !”, lâchent plusieurs d’entre eux. Alors que les deux blessés sont emmenés à l’hôpital de Toulouse, annonce est faite que la course va enfin reprendre, une heure et demie après l’accident. “On va faire toute l’étape ?”, demande Sam Maisonobe (Vendée U) à un commissaire. “On pourrait peut-être faire l’arrivée au sommet du Col de Portet d’Aspet”, imagine-t-il. Mais l’épreuve ira bien au bout des 153 km initialement prévus et c’est ce même Sam Maisonobe qui l’emporte finalement dans les rues de Saverdun.
Parmi les principaux acteurs de la journée grâce à sa longue fugue, Menno Huising - 6e de l’étape - résume un sentiment visiblement général. “On ne veut pas accuser le motard. Il est certainement déjà bien assez meurtri tant physiquement que mentalement et il est forcément le premier désolé de cet accident, analyse le Néerlandais de la Visma. C’est triste et un sale moment mais on a fait la course malgré tout, même si ce n’était pas simple au début… La course continue”.