Toujours cloué au lit, Yaël Joalland « aurait pu y passer »
Au moment de venir aux nouvelles par voie téléphonique, le ton est donné d’entrée. “J’espère que tu me comprends, j’ai du mal à ouvrir la bouche et à parler”. Il y a précisément 23 jours, le 28 janvier dernier, Yaël Joalland a été victime d’une terrible chute dans la descente des Crêtes, lors du Grand Prix de Marseille-La Marseillaise (1.1). “C’était dans un virage assez dangereux, ça roulait un peu trop vite et BAM. Il y a eu une chute collective. Je n’ai pas glissé, j’ai percuté un mur, pleine face”. Le sociétaire de la formation CIC U Nantes Atlantique a été durement touché au visage et au dos.
« IL M’A PEUT-ÊTRE SAUVÉ LA VIE »
Son ami Axel Zingle, qui a lui aussi lourdement chuté lors de ce carambolage, l'a rapidement aperçu un peu plus loin, dans un sale état et s’est empressé de lui porter secours avant l’arrivée des médecins de la course. “Après la chute, j’ai mis un peu de temps à reprendre mes esprits. Mais quand j’ai vu Yaël, j’ai cru qu’il était en train d’y rester. Il n’avait pas l’air vraiment conscient et il était surtout en train de convulser, raconte le coureur de Cofidis, encore ému de revenir sur cet épisode pénible et traumatisant. Il était sur le dos, il avait la bouche pleine de sang. Je voyais qu’il n’arrivait plus à respirer. J’ai compris qu’il avait tapé fort la tête. J’ai eu très peur pour lui. Il aurait pu y passer”.
Yaël Joalland, pour sa part, ne se rappelle de rien. “J’ai perdu connaissance. Je n’ai aucun souvenir de cette chute et des moments qui ont suivi. La dernière image que j’ai dans le disque dur, c’est le sommet des Crêtes. Puis je me suis réveillé à l'hôpital à Marseille. Mais je sais ce qu’Axel a fait pour moi. Heureusement qu’il était là. Il m’a peut-être sauvé la vie”. Axel Zingle poursuit : “j’ai essayé de rester avec lui le temps que quelqu’un de plus compétent arrive. Mentalement, ce n’était vraiment pas facile, d’autant que c’est un ami, même si j’aurais été tout autant choqué de la situation pour n’importe quel autre coureur du peloton. Des chutes, il y en a souvent mais de cette gravité-là…”.
« SI ÇA NE VA PAS MIEUX, IL FAUDRA OPÉRER, JE N’AURAI PLUS LE CHOIX »
Qu’en est-il trois semaines plus tard ? “J’ai eu une dizaine de fractures au visage, les sinus, la cloison nasale, la mâchoire… On m’a posé des plaques et des vis au menton. Quatre vertèbres ont été touchées également, dont une qui était éclatée et qui n’est, à l’heure actuelle, toujours pas stable”. Peu après la chute, l’athlète de 23 ans a été opéré de ces trois vertèbres. Mais la quatrième reste toujours potentiellement problématique. “Les autres opérations se faisaient par derrière mais pour cette vertèbre là, il faudrait passer par devant, proche de certains organes. C’est plus compliqué et plus risqué alors idéalement, on voudrait éviter. On espère que ça va bien se consolider dans les jours et semaines à venir”. Le verdict final tombera début mars. “Si ça ne va pas mieux à ce moment-là, il faudra opérer, je n’aurai plus le choix”.
Après une semaine de soins à Marseille, Yaël Joalland a été transféré dans un autre service à Nice, plus près de chez lui puisqu’il réside à Saint-Laurent-du-Var. Il est désormais dans un centre de rééducation à Vallauris (Alpes-Maritimes). Pour une durée encore indéterminée. “Je dois rester allongé le plus souvent possible et ne pas faire de mauvais gestes”. Avec un régime alimentaire contraint et forcé qui commence, forcément, à le peser. “Je ne peux pratiquement pas ouvrir la bouche. Je mange des compotes, des yaourts et des purées depuis trois semaines. Ce n’est pas très drôle”.
« CE N’EST PAS FACILE À VIVRE MAIS JE ME DIS QUE ÇA AURAIT PU ÊTRE PIRE »
Un long et dur combat s’annonce. “Déjà que je suis très maigre de base, là j’ai perdu 5 kilos depuis l’accident. Il va falloir tout reprendre depuis le début, je sais que ce sera long et une course contre le temps, mais je suis prêt”. Tant qu’il n’aura pas eu le verdict quant à cette dernière vertèbre, Yaël Joalland aura toujours du mal à se projeter. Mais il ne rêve que d’une chose : remonter sur son vélo. “Pour l’instant, rentrer chez moi serait déjà une belle victoire. J’ai hâte de rentrer, de retrouver ma copine et mon chien. J’espère remonter sur le vélo au plus vite également mais il ne faudra pas griller les étapes. Je ne vais pas faire l’idiot pour ensuite être paralysé dans 30 ans ou avoir le dos en compote”.
A-t-il envisagé toutes les possibilités, y compris celle de ne plus pouvoir retrouver la compétition ? “Il y a forcément une inquiétude. Je pense que j’arriverai à remonter sur le vélo à un moment ou un autre. Par contre, est-ce que je vais retrouver mon niveau ? Je n’en sais rien…”. Pour autant, la chute a été tellement violente qu’il préfère relativiser. “Ce n’est pas facile à vivre mais je me dis que ça aurait pu être pire. Je suis soutenu par mes proches, je reçois plein de messages et ça me fait extrêmement plaisir. Ce week-end, j’étais aussi content de voir les copains courir à la télé au Tour des Alpes-Maritimes, même si j’étais frustré de ne pas y être”. Nul doute qu’il s’est promis d’y participer l’an prochain.