Coupe des Nations Juniors : C’est quoi le problème ?

Crédit photo Sarah Beziane / DirectVelo

Crédit photo Sarah Beziane / DirectVelo

C’est un sujet que le sélectionneur national de l’équipe de France, Julien Thollet, a évoqué en profondeur et sans langue de bois l’hiver dernier, auprès de DirectVelo au moment d'analyser la situation et l’évolution de la catégorie Juniors. N’y a-t-il pas un problème avec la Coupe des Nations ? “Il y a énormément de compétitions (...) avec des épreuves qui se chevauchent parfois. On se demande quel est l'objectif de cette Coupe des Nations. Est-ce qu'on doit passer par des circuits continentaux avec une ou des finales ?” (lire l’interview ici). Ce calendrier, en 2024, compte exactement onze manches dont six qui s’enchaînent actuellement au printemps (voir le programme). Or, sur chacun de ces rendez-vous, plusieurs grandes nations du cyclisme font l’impasse. Ainsi, au Tour du Pays de Vaud, la semaine passée, la Belgique, la Grande-Bretagne ou encore l’Italie n’étaient pas de la partie. Ce week-end, ce sont notamment les Bleus qui renoncent à participer au Saarland, en Allemagne. Mais alors, c’est quoi le problème ? Que se passe-t-il ?

Il y a trop de courses ! Aujourd’hui, on est obligés de faire le tri nous-mêmes car ça nous coûte beaucoup trop d’argent, répond Wolfgang Ruser, le sélectionneur allemand. De l’Italie à l'ouest de la France puis à la Suisse et à l’Allemagne, c’est beaucoup de route et c’est simplement intenable”. Larissa Havik, la technicienne néerlandaise, expose les deux mêmes éléments. “On doit faire des choix, qui sont souvent financiers. On compose aussi avec l’enchaînement des courses. On ne peut pas y aller tous les week-ends. Par exemple, ce serait top d’aller aussi au Saarland mais on ne peut pas tout enchaîner. Là, en six week-ends, il y a quatre manches. On voit bien que tout le monde ne vient pas et ce n’est pas bon”.

TOUTES LES NATIONS FONT DES IMPASSES

La Slovénie, quant à elle, s’emploie à disputer pratiquement toutes les manches. Ce qui n’empêche pas son sélectionneur, Nace Korosec, de constater un vrai problème. “Nous avons la chance d’être aidés par la Fondation Mohoric, c’est la raison pour laquelle nous pouvons aller pratiquement partout. Mais objectivement, ce calendrier c’est de la folie. La répartition n’est pas bonne. Il y a trop de manches au printemps et logistiquement, c’est très compliqué pour toutes les nations”, synthétise-t-il. Thomas Scheurer, le sélectionneur suisse, est forcément triste de voir certaines grandes nations ne pas faire le déplacement au Pays de Vaud. Mais il comprend parfaitement cette décision, lui aussi. “C’est dommage mais avec autant de manches en si peu de temps, il ne faut pas être surpris. Nous-mêmes avons dû sacrifier le Trophée Centre Morbihan car on est un petit pays, avec un petit peloton national. On n’a pas assez de coureurs pour enchaîner autant. Il y a trop de courses d’un coup”.

Frédérik Broché, directeur technique de Belgian Cycling, résume en quelques mots l’absence de sa nation en Suisse. “Le programme est conséquent. On doit faire des choix budgétaires. Les budgets n'augmentent pas, il faut bien se restreindre et faire attention”. Qui plus est en cette année Olympique. Le Belge n’omet pas également d’évoquer la scolarité de ses coureurs et il est rejoint sur ce point par Michaël Berling, à la tête de l’équipe danoise. “On veut que les gamins restent concentrés sur leurs études, ils ne peuvent pas être loin de la maison et de l’école toutes les semaines. Je trouve que c’est trop, ce calendrier. On devrait réduire un peu la voilure, sachant que beaucoup de ces coureurs font aussi d’autres grosses courses UCI avec leurs clubs”. Le calendrier des jeunes de 17-18 ans est en effet sacrément fourni, notamment pour ceux qui évoluent au plus haut-niveau. “Il y a beaucoup de courses de Classe 1 à l’international. Forcément, il faut faire des choix et penser à nos jeunes. On ne veut pas les cramer”, assure le Slovène Nace Korosec.

UN QUESTIONNAIRE DE L’UCI

Cette difficulté à enchaîner les compétitions est peut-être encore plus vraie pour les pays extra-européens. “C’est clairement dur d’être partout, encore plus pour nous ! Les gamins sont encore à l’école, c’est difficile de les ramener sans arrêt ici pour courir”, confirme Gavin Mannion. Le sélectionneur américain a emmené six garçons au Pays de Vaud alors que ces derniers venaient de disputer, le week-end précédent, leur Championnat national. “On ne peut pas s’amuser à faire ce genre de voyage dix fois dans la saison…”. Frédéric Macaudière, qui dirigeait les Bleus en Suisse, souhaiterait que le calendrier soit plus étalé. "On doit étaler. On en a six d'un coup mais après, en août et en septembre, on n'a plus rien ! Et pourtant, ça pourrait permettre de préparer les Championnats d'Europe ou les Mondiaux"

Tous les sélectionneurs interrogés assurent que l’UCI travaille actuellement à des évolutions de ce calendrier. Ainsi, des discussions ont eu lieu cet hiver tandis qu’un questionnaire a également été envoyé il y a quelques semaines. “Je pense qu’ils ont conscience que ça ne va pas et qu’il faut changer des choses. Si des organisateurs veulent être en Coupe des Nations, c’est bien. Mais il faut garder un calendrier équilibré et cohérent”, résume l’Helvète Thomas Scheurer. “Au moins, on peut donner notre avis. On échange entre nous puis Julien (Thollet), qui est à la commission route, fait le relais pour nous. Est-ce qu’on est vraiment écoutés ? Je n’en sais rien mais je l’espère !”, sourit le Danois Michael Berling.

MOINS DE MANCHES POUR PLUS DE COMPÉTITIVITÉ 

Au-delà d’un calendrier trop fourni, Gavin Mannion pense aussi aux conséquences pour les Championnats du Monde, en fin d’année, puisque le classement de la Coupe des Nations permet d’attribuer les quotas de places à chaque pays pour le plus gros rendez-vous de la saison U19. “En soi, ça ne me choque pas de garder un calendrier assez fourni mais il faudrait plutôt revoir un peu le système de qualification pour les Mondiaux. On pourrait par exemple ne compter que les points des quatre ou cinq meilleures manches pour chaque nation. Car si on fait juste un total global, ça favorise les équipes qui font toutes les manches par rapport à celles qui ne peuvent pas aller partout”, considère l’Américain.

De son côté, Michael Berling songe, comme beaucoup, à réduire le nombre de manches et passer à six ou sept. Un sentiment partagé par la quasi-totalité des sélectionneurs interrogés. “Si on court moins de manches, ce sera également plus compétitif car on aura tous les meilleurs à chaque fois, explique le Danois, qui aligne ce week-end ses pistards au Saarland. On retrouverait alors l’idée de base de cette Coupe des Nations, à savoir un travail de formation de nos meilleurs talents nationaux à travers des oppositions de haut niveau”. Et à la Néerlandaise Larissa Havik de conclure : “s’il y a des absents à chaque manche, c’est qu’il y a un problème. Tout le monde pointe le même : un calendrier trop fourni et mal réparti”. Charge désormais aux décisionnaires d’en tirer les conséquences adaptées.

 

Mots-clés