L’EC Saint-Étienne Loire va arrêter sa N1

Crédit photo Philippe Pradier - DirectVelo

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Un an après le VC Vaulx-en-Velin et le Chambéry CF, un autre club de la région Auvergne-Rhône-Alpes va arrêter son équipe N1 à la fin de la saison. Mais à l’inverse de ses anciens voisins, l’EC Saint-Étienne Loire ne compte pas cesser ses activités en 2025, bien au contraire. Président de l’ECSEL depuis 2020, Philippe Besson explique à DirectVelo pourquoi les dirigeants du club forézien ont pris la décision de fermer une N1 qui a vu passer Alexandre Vinokourov, Andrei Kivilev, Cyril Dessel ou encore Clément Russo, et qui occupe actuellement la 10e place du Challenge DV par équipes.

DirectVelo : Pourquoi les dirigeants de l’EC Saint-Étienne Loire ont-ils décidé d’arrêter l’équipe N1 ?
Philippe Besson : Il est utile de rappeler que l'ECSEL est un club encore jeune, il a 34 ans d’existence. Il s’est créé en partenariat avec un collège, avec le projet d’être un club formateur. Par la force des choses, le club a étendu son activité à la pratique du haut niveau, en 1997. On est dans le paysage national depuis plus de 25 ans, avec un modèle un peu unique puisqu’on couvre tous les champs du cyclisme traditionnel. On peut accompagner un cycliste de l’école de vélo jusqu'au plus haut niveau amateur, avec la N1. On a ainsi fait passer 25 coureurs dans le monde pro, les premiers étaient Alexandre Vinokourov, Andrei Kivilev puis Cyril Dessel, et plus récemment Clément Russo, Sandy Dujardin, Maxime Jarnet et Rémi Capron. On a pu tenir ce modèle pendant très longtemps. La fédération nous a encouragé à le garder, on était valorisé avec un label de l’école de cyclisme à l’équipe élite.

Mais la N1 s’arrête…
Depuis deux-trois ans, on a fait le constat qu’on ne se retrouvait plus dans le modèle de la N1, et ce pour deux raisons. La première, il faut avoir des ressources de plus en plus élevées pour briguer la labellisation. Le budget minimal est passé de 300 à 350 000 euros. Les coureurs, le matériel… Tout coûte plus cher alors que les ressources, publiques ou privées, n'augmentent pas. Les collectivités locales sont elles-mêmes dans une situation tendue. Pour le privé, ces dernières années, on a fait un gros travail pour les avoir mais on est dans une zone avec deux gros clubs qui captent tous les partenaires privés, l’ASSE qui remonte en Ligue 1 et aussi une entreprise leader dans la région qui vient de créer un super club de basket. Et comme les subventions sont en baisse, tous les clubs vont taper à la même porte. Malgré tous nos efforts, on n’arrive pas à suivre l’inflation actuelle pour maintenir une équipe en Nationale.

Et l’autre raison ?
On a entendu la volonté de la FFC de créer des Conti Fédérales, et on note l’incursion des équipes pros dans le cyclisme amateur, avec des réserves et des équipes U19. A quoi servent les N1 ? On pose la question à la fédération et aux acteurs du cyclisme. On est dans un modèle où on a aucun retour sur investissement. C’est aussi crispant d’entendre les patrons des équipes pros dire qu’elles créent des réserves pour former les jeunes passés chez les amateurs et qui n’ont aucun bagage technique… C’est un discours qui nous énerve. On a un budget moyen et on essaie de faire vivre un club de plus de 200 licenciés. Toutes les ressources sont aujourd'hui mobilisées autour de la N1 et c’est un peu au détriment de la formation. Dans la Loire, on n’est plus que deux clubs formateurs et si on lâche ça, il n’y aura plus de jeunes formés dans le département excepté dans la région roannaise. On fait le choix de ne pas briguer le label N1 pour toutes ces raisons.

Ni N2 ou N3 ?
On ne voit déjà pas le sens d'à quoi sert une N1, alors on le voit encore moins pour une N2 ou une N3…

« PAS UN RENONCEMENT »

Mais la décision n’a quand même pas dû être simple à prendre…
Le fait d’avoir un cursus complet permettait à nos jeunes d’avoir la vision de leur possible avenir grâce à l’équipe Elite et de côtoyer auparavant les garçons de la N1, dont ceux qui passent pros. Pour un gamin qui fait sa passion, ça lui donne des perspectives. Ce sera désormais moins le cas.

À quoi ressemblera l’ECSEL en 2025 ?
On veut revenir à nos fondamentaux, notre ADN, c'est-à-dire se recentrer sur la formation en l’améliorant. Comme beaucoup de clubs, on a créé l’offre de service du “Savoir Rouler à Vélo”, pour apprendre les fondamentaux à des gamins et essayer derrière des les attirer dans le club pour qu’ils pratiquent le cyclisme. On va le renforcer car il y a vraiment des besoins dans notre secteur. Ça nous permet de renforcer le côté éco-citoyen d’une association comme la nôtre. Qu’ils fassent de la compétition ou non, le jeune sera en mesure de rouler en éco-mobilité comme on dit aujourd’hui. On veut aussi renforcer l’excellence de notre formation.

C’est-à-dire ?
L’an passé, on avait créé une académie ouverte des coureurs U13 jusqu’aux U19. Ils sont dans une dynamique de sport-études, avec un programme très complet de préparation. Cette académie n’a qu’un an d’existence, on va renforcer les moyens mis dans cette académie pour améliorer la prestation de services. On va mettre le paquet sur la catégorie U19 pour qu’ils puissent faire un choix sur leur N1 en arrivant chez les Espoirs, voire passer pro directement pour les meilleurs. Aujourd’hui, des clubs viennent débaucher sans vergogne des Cadets ou Juniors, donc des mineurs à qui ils vendent du rêve. On n’aura plus à vivre cette concurrence déloyale…

Est-ce que le Grand Prix de Saint-Étienne Loire, course Élite, aura lieu l’an prochain ?
C’est trop tôt pour en parler. Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura un Grand Prix de Saint-Étienne l’année prochaine mais je ne peux pas dire si ça sera en Élite. On doit en parler en conseil d’administration et avec les collectivités. Si la diffusion de l’article sur DirectVelo suscitait de l’envie auprès de personnes qui ne nous connaîtraient pas, on n’est pas obtu à capter de nouveaux partenaires pour développer ensemble de nouveaux projets… Ce n’est pas un renoncement mais on porte notre ambition autrement aujourd’hui, dans une autre dynamique collective. On a plus de 200 licenciés, un gros engouement auprès des jeunes. Les parents sont parties prenantes de la vie du club. On suscite du rêve et de la passion, et ça on veut le conserver même si on n’aura plus la vitrine qu’on avait jusqu’à présent. 

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