Komugi-Grand Est : « Il y a un risque de ne pas repartir »

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

Komugi-Grand Est est en danger, en tout cas pour l'année 2025. La Continentale féminine a perdu son sponsor principal, à savoir Komugi, et l'équilibre est donc menacé pour repartir en Continental l'an prochain, puisque l'idée du statut ProTeam a été abandonnée. Si le budget à trouver pour repartir n'est pas colossal, la décision devrait se jouer dans les quinze prochains jours pour le président Laurent Goglione et son équipe. En attendant, ses coureuses ont été libérées depuis plusieurs semaines. Si l'équipe ne repart pas, ce devrait néanmoins être le temps d'une saison, avec l'idée de se relancer avec un plus gros projet en 2026. Au micro de DirectVelo, Laurent Goglione a expliqué la situation.

DirectVelo : Quelle est la situation cet hiver ?
Laurent Goglione : On est dans l'expectative, car Komugi ne repartira pas. On cherche un sponsor, on était sur deux ou trois grosses pistes, mais il y a un risque de ne pas repartir. On est vraiment en train de regarder. On a d'ailleurs demandé un peu de délais. On avait libéré les filles parce que je ne voulais pas qu'elles se retrouvent sans rien si ça ne repart pas, je voulais que ce soit propre. C'est d'ailleurs une belle promotion chez St-Michel pour Ségolène Thomas. Que ce soit en data ou en perf, elle a quelque chose. C'est une des meilleures grimpeuses en France pour l'avenir, elle est dans un top élevé en Europe. Sur des courses dures avec des arrivées en bosse comme aux Pyrénées et en Ardèche, elle sera là.

Quel est l'état d'esprit actuellement ?
Je suis un peu triste de voir que certaines n'ont pas retrouvé, je pense notamment à Victoire (Joncheray) qui a fait une belle saison, régulière, avec pas mal de points UCI au passage. Ça pourrait être une belle équipière dans une grosse équipe. Ça m'étonne, peut-être qu'elle est passée sous les radars. En tout cas ce n'est pas mérité. C'est un peu différent pour Laury Milette, mais elle aurait mérité qu'on s'attarde sur son cas (elle s'est engagée avec KDM-Pack, NDLR). Mais les filles sont libres. Beaucoup sont en attente, avec le nombre d'équipes qui disparaissent. Les conditions économiques sont compliquées en France. On le voit en N1 chez les hommes, et chez les filles sur les statuts de Conti. Ça double le budget par rapport à une équipe étrangère. Donc quand on voit que les étrangères arrêtent sans ces conditions... En France, en dessous de 500 000€ d'argent pur et dur, tu ne pars pas. On ne les a pas. Donc je ne prends pas le risque.

« C'EST TROUVABLE, MAIS C'EST COMPLIQUÉ »

Quand la décision sera-t-elle prise ?
Dans les quinze jours, ça va être crucial. J'attends des réponses. Si ça ne se faisait pas, on ferait peut-être une année blanche. J'ai un gros soutien, David Roux, qui est un des mécènes de l'équipe et qui m'accompagne depuis le début. Il veut continuer à faire vivre. L'idée, c'est aussi de se dire que si on fait un stand by pour trouver pendant l'année, on le fera. On est sur deux-trois gros coups pour 2026, qui auraient dû se concrétiser sur 2025 d'ailleurs. Ce n'est pas ce qui me fait le plus kiffer, car perdre une saison n'est pas agréable. Le staff n'a plus de job donc tu le perds, les coureuses pareil. Tu as construit des choses... On fait tout pour repartir, actuellement il manque 100 000€. C'est trouvable, mais c'est compliqué au vu de la conjoncture.

Et si l'équipe repart, n'est-ce pas tard pour tout boucler en vue de 2025 ?
La boite est créée depuis deux ans, la structure de base est pérenne et restera au cas où. On sait qu'on peut repartir avec le staff puisqu'il est payé jusqu'au 31 décembre. Les filles, il y en a énormément sur le marché, avec les nôtres qui n'ont pas rebasculé en plus. Même si on repart avec huit filles, on en aura quatre ou cinq de chez nous, on a quelques filles déçues qui ne sont pas passées etc. Je pense qu'au vu de la densité de filles en Europe, ce n'est pas une difficulté de constituer une équipe. Le contrat avec le Grand Est est renouvelé, nos partenariats sont actés. On n'est pas à la rue, il nous manque du cash, sinon ça roule. Tout ne sera pas simple, on sera une équipe qui part tardivement, on n'a pas réservé le stage, pas les maillots etc. Peut-être qu'on ne commencera qu'en mars, mais on finira plus tard.

« EN AOÛT ON A DIT À L'UCI QU'ON ARRÊTAIT L'IDÉE DE PROTEAM »

L'idée de ProTeam tombe donc à l'eau également pour le moment...
On avait oublié, financièrement on n'était pas capable. Le budget en lui même on l'a, avec les 800 000€, ça suffit en ProTeam. Mais les cautions bancaires viennent vite te plomber. Ils demandent un pourcentage de la masse salariale bloqué sur un compte. C'est environ 130-150 000€. D'un seul coup, en les enlevant, ça pique. On ne pouvait pas faire ça. Je ne pouvais pas enlever ça de mon budget pour le bloquer sur un compte et ne pas l'utiliser. De plus, peut-être que c'est l'excuse facile après coup, mais on n'avait peut-être pas la maturité non plus. Au niveau des performances, on a fait une saison moyenne. On n'a pas explosé, pas gagné de grosses courses. On devait encore apprendre. Il faut être une boite mature, aussi d'un point de vue administratif. On en avait déjà chié à créer la boite, les contrats, les mutuelles, les caisses retraite, la médecine du travail... J'ai appris en un an à faire ça. Avec Lucas (Leblond) on avait dit que c'était peut-être pas plus mal de faire un an de plus en Conti. On est entré dans le jeu en juin et en août on a dit à l'UCI qu'on arrêtait l'idée de ProTeam.

Le grand objectif de participer au Tour se noircit avec...
Ça compliqué les choses, même s'il restera une fenêtre de tir. Les ProTeams françaises d'aujourd'hui sont déjà au Tour. Même avec les étrangères, elles y étaient déjà globalement. Peut-être qu'il y aura une place ou deux pour les meilleures Conti. On a été super déçus de ne pas y être cette année, ça passait en Lorraine, on tenait la route, une Ségolène (Thomas) aurait pu performer en montagne. Ça ne nous a pas aidés pour les sponsors. Maintenant c'est une autre démarche, on discute avec un sponsor en lui disant qu'on part sur un cycle de trois ans, avec une année Conti, une année ProTeam, et le Tour en année trois. Et si on ne devait revenir qu'en 2026, on postulera sans doute directement.

« PEUT-ÊTRE LE BON MOMENT POUR SE RÉINVENTER »

Autre volet, les organisations vont elles aussi changer, avec le Tour de la Mirabelle qui passe sur une journée...
Avec le Team Macadam's et Mirabelles Organisations, on a essayé de se réinventer. On a fait un constat depuis deux ans. On avait une problématique de calendrier au mois de mai. On était dans un calendrier festif des villes qui ne nous arrangeait pas. Toutes les villes ont leur foire, la brocante, des festivals. Quand il faut bloquer, donner des parking etc, ça gueule parfois (sourire). C'était de pire en pire. Et sportivement on avait du mal à faire grandir le plateau, avec la Mayenne, le Tour de Norvège, l'Alpes Isère etc. On a un nombre de concurrents monstrueux. Le troisième point, c'est qu'au niveau des partenariats, on avait du mal à donner un retour sur investissement. On n'arrive pas à passer le cap de la télé. Il faudrait passer d'une 2.2 à une 2.1. Sur quatre jours, c'est 200-250 000€. On n'arrive pas à nous le payer. Dans un même temps, on a la Mirabelle Cyclosportive qui explose. Ça devient une belle et grosse cyclosportive. Il y a un côté populaire qui nous va bien. Pour la Mirabelle Classic, on voulait la passer en Classe 2 pour que nos filles soient au départ.

Ces trois épreuves sont d'ailleurs réunies en un seul et même week-end désormais, du 26 au 28 septembre...
On a pensé au système belge, avec le vendredi les hommes, le samedi les filles, et le dimanche la populaire, on est sur les trois tableaux. On peut faire des mêmes départs, des grosses arrivées, un point de croisement identique sur les parcours etc. On a une idée en tête avec Cédric Delandre, qui est mon binôme d'organisation. Si on met des tirages à bière, des spectacles, animations etc en haut de la colline de Sion, l'Alpe d'Huez lorrain (sourire), tous les parcours peuvent y passer, on peut même faire arriver les filles là-haut. Ça plait aux partenaires parce qu'ils communiquent sur trois styles différents, trois Classiques. On veut être une semaine avant le Championnat du Monde, même si ce ne sera pas en 2025. Ça permet à certaines équipes de faire le doublon aussi avec les équipes femmes et hommes. Et peut-être qu'il y a moyen de trouver des gens pour payer la télé, ça serait l'idée. C'est peut-être le bon moment pour se réinventer.

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