« Les coureurs nous ont fait mal » ; parole aux bénévoles à Bessèges

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

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Vauvert, samedi 8 février, 13h20. Voilà déjà 50 minutes que les concurrents de l’Etoile de Bessèges se sont élancés pour la quatrième étape de cette édition 2025. Lunettes pleines de buée, bonnet détrempé, K-way jaune fluo sur la poitrine, Daniel enchaîne les aller-retours dans la rue sur la place de la mairie, là même où le départ a été donné. Il range, une à une, les barrières qu’il avait déjà déposées auparavant. Mais depuis quelle heure prend-t-il donc des seaux d’eau sur la tête ? “Oooooh ! Depuis 7h30 environ”. Comme la veille, comme jeudi, comme mercredi… “Et on fait tout ça pour quoi ? Pour récolter ce que l’on récolte avec toutes les grandes équipes qui sont parties… Il n’y a pas de respect”, peste-t-il, plus déçu qu’en colère.

“On avait un gros plateau, la plupart des équipes du Tour de France. Et là, on se retrouve dans une situation terrible. Je suis très inquiet. J’ai peur que ce soit la dernière”, poursuit celui qui œuvre sur l'Étoile depuis une vingtaine d'années. La veille, il a assisté de loin, impuissant, à une situation terrible et qui fera date pour l’ensemble du comité d’organisation et tous les bénévoles qui chérissent cette épreuve (lire ici). “On a déjà connu une galère avec la grève des agriculteurs l’an passé, et la neutralisation d'une étape l'année d'avant. Ils ne voulaient pas nous embêter, les agriculteurs nous avaient promis une haie d’honneur mais le préfet ne l’a pas voulu. Au final, on avait perdu une journée. Là, on se retrouve avec deux incidents en deux jours mais on n’y peut rien”, promet-il.

« SI ÇA DEVAIT S’ARRÊTER, IL SE POURRAIT QUE JE VERSE UNE LARME OU DEUX »

Quelques mètres plus loin se trouve Robert. Lui aussi est trempé de la tête aux pieds. Du haut de ses 74 printemps, il est l’un des doyens de l’équipe de bénévoles. “J’ai fait les 55 éditions, je suis là depuis le début !”. Le voilà qui se lance rapidement dans un récit de ses plus folles anecdotes sur l’épreuve gardoise. “Pour la première édition, j’étais à l’armée. J’ai fait Mulhouse-Alès en stop puis on m’a emmené à Bessèges”, se souvient-il. Il évoque les larmes de Roland Fangille - “et on n’est pas beaucoup à l’avoir vu dans cet état !”, les fins de soirée et tout début de matinée au volant de la déneigeuse pour rendre le parcours praticable, une nuit passée dans la 4L avant la course, une sortie de route qui l’a mené au fossé… “J’ai fait l’étape suivante avec l’aile pliée, mais j’étais toujours là ! Vous savez, sur l'Étoile, je peux en raconter un paquet !”.

Bessèges et sa compétition cycliste représentent énormément pour Robert. “Je suis né dans le vélo, c’est toute ma vie. On met la main à la pâte depuis si longtemps”. Alors forcément, il est très ému de la situation, et de voir un parking équipes à moitié vide ce samedi midi. “Les coureurs nous ont fait mal. C’est dur. Ils savent que l’on est des bénévoles. On le fait car on aime ça, on ne prend pas un centime. On le fait par amour de ce sport, pour les athlètes”. L’idée de voir l’épreuve absente du calendrier en 2026 le terrifie. “Je ne pleure jamais mais si ça devait s’arrêter, il se pourrait que je verse une larme ou deux. Savent-ils seulement que je me lève à 5h, que je pars de chez moi à 6h, que je suis là depuis… Et je ne sais pas à quelle heure je vais rentrer ce soir”. Probablement vers 23h, pronostiquera-t-il quelques instants plus tard.

« C’EST SÛR QU’EN ARABIE SAOUDITE, IL N’Y AURA PAS DE PROBLÈMES DE CIRCULATION… »

Voilà André qui arrive au loin ! “Alors lui, c’est vraiment le doyen. Regardez, il a 20 ans ! Bon, en fait, il en a 83”, nous précise Robert en rigolant. “C’est malheureux qu’il fasse ce temps aussi, on n’a pas de chance…”, regrette André, qui ne semble pas plus gêné que ses acolytes de nager dans ses chaussures gorgées d’eau. “Tout ça est tellement triste. Je n’en veux pas aux gendarmes, ils font ce qu’ils peuvent. Le problème, ce sont les gens qui ne respectent rien. On fait le maximum mais on n’est pas le Tour de France. Les gens sont imprudents et nous, on paie les pots cassés”. Olivier arrive avec une bouteille de boisson gazeuse. Il est désormais 13h40 et il est enfin temps de se poser cinq petites minutes, à l’abri sous une tente. “On est inquiet du rapport de l’UCI. Les équipes pourraient ne plus venir, alors qu’on a toujours fait le maximum ici et qu’on se bat pour organiser au mieux”, lâche-t-il aux cinq collègues qui se sont joints à lui pour ce semblant d’apéritif improvisé.

La discussion dérive sur le calendrier cycliste et la possibilité de voir l'Étoile mais aussi le GP La Marseillaise ou le Tour de la Provence passer à la trappe dans un avenir proche. “On va finir comme en Formule 1, avec un circuit fermé à une élite et les autres vont crever”, est-il lâché. “C’est sûr qu’en Arabie Saoudite, il n’y aura pas de problèmes de circulation… Sur de grandes lignes droites de quatre voies, les coureurs seront tranquilles pour traverser les ronds-points”, lui répond-on ironiquement, ce qui provoque quelques éclats de rire. Malgré la déception et l’épisode traumatisant de la veille, on fait contre mauvaise fortune bon cœur du côté des bénévoles et amoureux de l’Etoile de Bessèges, qui tiennent à remercier les coureurs qui ont décidé de poursuivre l'aventure, aussi pour eux. "On pense à Benjamin Thomas, Arnaud De Lie et tous les autres qui ont eu des mots bienveillants, ça nous touche et nous pousse à continuer"

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