Pluie de grêle, flopée de critiques et vague d’incompréhension à Paris-Nice

Crédit photo A.S.O / Billy Ceusters
Les circonstances ne sont certainement pas comparables et pourtant, il faut bien avouer qu’il planait comme un air d’Etoile de Bessèges, ce mercredi, sur les routes de Paris-Nice. Non, il n'était pas question cette fois-ci de voitures de civils sur la chaussée en pleine course mais d’une averse de grêle qui a semé le chaos sur l’épreuve WorldTour. La similitude s’est en réalité trouvée dans la vague d’incompréhension qui s’en est suivie, avec des avis une nouvelle fois divergents au sein du peloton quant aux décisions à prendre. Tous semblent s’accorder sur le fait qu’il était judicieux de neutraliser la course dans une descente très glissante, après qu’un motard en avant-course soit parti au fossé et qu’un véhicule de la formation Decathlon AG2R La Mondiale ait été également accidenté un peu plus loin sur une route rendue dangereuse par la neige.
En revanche, c’est la période durant laquelle les coureurs ont eu le temps d’être transis de froid, et la décision de poursuivre l’étape jusqu’à son terme, qui font grincer quelques dents. À commencer par celles du nouveau leader de l’épreuve, Jonas Vingegaard. “Nous n’aurions pas dû courir dans ces conditions, je ne suis pas très satisfait…”, lâche le double vainqueur du Tour de France, imité un peu plus loin, devant le bus de la Visma-Lease a bike, par son coéquipier Matteo Jorgenson, tenant du titre de Paris-Nice. “On a été arrêtés au moment où il faisait le plus froid. C’est reparti comme ça, d’un coup, on a vu la voiture rouge filer sans explications. Pendant dix bornes, je ne savais même pas si ça roulait vraiment ou si c’était neutralisé, on chassait. Puis on nous a encore arrêté. C’était les montagnes russes”, peste l’Américain, qui considère ne pas avoir pu disputer ses chances de façon habituelle dans l’ascension finale en raison de cette situation cocasse. “Je ne sais pas comment les autres ont fait mais moi, j’avais de très mauvaises sensations”.
« IL FAUT DONNER LE TEMPS AUX ÉQUIPES DE SE CONCERTER »
Porte-parole du peloton en compagnie de Matteo Trentin, Oliver Naesen était le premier à se dire dans l’incompréhension après l’arrivée, auprès de DirectVelo, malgré son statut de représentant : “Quand on m’a appelé, j’étais trois minutes derrière le peloton principal. Je ne pouvais pas me téléporter. Je me suis demandé si je devais faire vite, mais on était dans une descente et j’ai vu notre voiture avec les deux airbags sortis, deux motos dans le fossé… Je me suis dit que je n’allais pas risquer ma vie pour rentrer dans le peloton et parler un petit peu à Thierry Gouvenou, raconte le Belge. Une fois de retour, j’ai pris l’avis de cinq-six formations et en revenant sur l’avant pour transmettre le message, le premier truc que j’ai entendu, c’est que l’échappée était repartie et qu’on y allait dans deux minutes. Fin de l’histoire. Sauf que quand la course est neutralisée, il faut donner le temps aux équipes de se concerter mais on n’a pas eu le temps de le faire”. En réalité, l'organisation, avec Thierry Gouvenou à sa tête, ne comptait pas arrêter cette étape, une fois la sécurité des coureurs garantie après avoir passé la partie délicate (lire ici).
Le coureur de Decathlon AG2R La Mondiale, lui, n’était pas contre un arrêt définitif de l’étape. “Tout le monde était congelé. Tous les directeurs sportifs me disaient que ça ne servait à rien de continuer, qu’il fallait qu’on arrête”. Un avis contraire à celui, entre autres, de son compatriote Sylvain Moniquet, lequel était présent dans l’échappée du jour et toujours à l’avant au moment de la neutralisation. “J’imagine bien le stress des organisateurs. Il ne fallait pas arrêter totalement la course. La neutralisation dans la descente, c’était bien. Je ne pense pas que les coureurs puissent se plaindre que ça soit reparti, juge le coureur de Cofidis. “Je n’ai pas imaginé que ce soit totalement arrêté, on voyait le ciel bleu au loin”.
« ON MÉRITE MIEUX, ON EST DES ÊTRES HUMAINS »
Magnus Sheffield est plus sévère. L'Américain se dit “dépité” d’avoir assisté à un tel chaos. “Je pense que ça souligne malheureusement les nombreux problèmes que nous avons dans le cyclisme actuellement. Évidemment, c'est un sport très complexe car ce n'est pas dans un stade et on est dépendant de la météo. Mais je suis vraiment déçu de l’organisation et de l’UCI. Et le manque de… (il hésite, NDLR) Oui, d'autorité qu'ils ont”. Le coureur d’INEOS Grenadiers ne s’est pas senti totalement considéré, en quelque sorte. “Je pense que c'était la bonne décision de neutraliser à ce moment-là. Mais après ça, il faut que les règles soient plus claires. Et la communication, qu’en dire ? On était dans une zone grise. On nous a dit que ça continuait, puis ça s’est arrêté et ça a créé beaucoup de confusion. On voit une moto au fossé, puis un accident de voiture… Et on ne sait pas vraiment ce qu’il en est. C’est décevant, pour le dire gentiment”.
Vainqueur de l’étape, Joao Almeida rejoint plutôt l’avis de Sylvain Moniquet. “Je ne suis pas celui qui supporte le mieux le froid mais j’ai serré les dents. Le pire était derrière nous quand on a relancé la course, il n’y avait pas de problème de sécurité et donc aucune raison d’arrêter complètement”, synthétise le Portugais d’UAE Team Emirates XRG. Au-delà de cette situation du jour, beaucoup avaient en tête les événements récents du début de saison, comme Magnus Sheffield. “Il y a des précédents alors forcément, ici tout est vite devenu très politique”. Mais une fois encore, le peloton n’est pas nécessairement parvenu, à chaud, dans la précipitation et le désordre, à s’accorder. “On aurait dû communiquer davantage. Il faudra faire mieux la prochaine fois”, pose Jonas Vingegaard. “Le problème, c’est que c’est reparti alors que le peloton était encore en trois morceaux. Des gars comme Ben (O’Connor) ou (Aleksandr) Vlasov se sont fait avoir et ça, ça ne va pas du tout. Ça fausse la course”, râle Oliver Naesen. Et à Magnus Sheffield de conclure. “Là, ce n’était pas clair, et pas juste. Bon, il se trouve que la vie est injuste mais on parlait ici de sécurité… On mérite mieux, on est des êtres humains. Tout cela dépasse le cadre du sport”. La suite au prochain épisode.
En savoir plus : coureurs et équipes associés
Coureurs





