Flavien Dassonville : « Ils m’ont écoeuré »
La nouvelle a été aussi inattendue que soudaine. Ce samedi matin, la formation Continental Saint-Michel-Auber 93 annonçait la décision de son capitaine de route, Flavien Dassonville, de quitter l’équipe et le monde professionnel alors qu’il devait y disputer une huitième saison en 2018. Mais pourquoi cette décision ? Pourquoi maintenant ? Quel avenir pour celui qui avait réalisé sa meilleure saison en 2017 avec de multiples succès. Le dernier lauréat de la Roue Tourangelle, de la Ronde de l’Oise ou encore du Tour de Bretagne a répondu aux questions de DirectVelo.
DirectVelo : Pourquoi as-tu décidé de quitter le monde professionnel alors que tu étais sur le point d’entamer ta huitième saison avec la structure d’Auber 93 ?
Flavien Dassonville : J’avais pas mal de projets depuis déjà quelques temps, avec mon père. Je me posais des questions. Je savais que ce n’était qu’une question de temps, à plus ou moins long terme. J’ai pris cette décision de façon tardive, c’est vrai. Mais je serai toujours là dans le peloton amateur. Je vais rester là avec l’envie de me faire plaisir et d’aider les jeunes.
Ce n’est donc pas un adieu au cyclisme mais uniquement au monde professionnel ?
C’est ça ! Je compte bien continuer de courir l’année prochaine et j’espère que je serai toujours compétitif. Pour ceux qui se posent la question, ce ne sera pas une saison au rabais. J’ai envie de disputer de grosses courses du calendrier amateur comme certaines des plus belles Élites Nationales, sans oublier les épreuves de Classe 2. L’idée, c’est simplement d’avoir le temps de suivre une formation en parallèle, pour ma reconversion. Et pour que cela se passe au mieux, il était préférable d’évoluer à un niveau moindre sur le vélo. C’est tout. Mais j’insiste sur le fait que la motivation reste strictement la même.
Et tu porteras le maillot du CM Aubervilliers 93 ?
Non, pas du tout. Je vais complètement changer de club et d’horizon mais je ne peux pas encore annoncer le nom de ma future équipe puisque ce n’est pas signé. L’information sera officialisée dans les prochains jours.
« JE MÉRITAIS DE PASSER AU-DESSUS »
Pourquoi as-tu attendu le 30 décembre pour prendre une telle décision ?
C’est vrai que l’annonce est tardive et la raison en est simple : jusqu’à présent, je n’étais sûr de rien. J’ai commencé à en parler à l’équipe au premier stage à Calpe. Ce n’était encore qu’une possibilité. J’ai pris ma décision de façon définitive la semaine dernière et j’ai immédiatement alerté Stéphane (Javalet, le manager, NDLR).
Tu n’as pas eu peur de mettre l’équipe en difficulté, toi qui fait partie de ce groupe depuis tes débuts chez les pros en 2011 ?
Ce n’était pas ma volonté de les mettre dans la difficulté. C’est d’ailleurs pour ça que dès que j’ai été sûr de mon choix, je l’ai dit à Stéphane pour qu’il puisse prendre contact avec d’autres coureurs si ça l’intéressait. Je savais qu’il y aurait des possibilités, notamment avec les coureurs de l’Armée de Terre qui sont restés sur le carreau avec l’arrêt de leur structure.
Ces derniers mois, tu nous avais régulièrement expliqué être déçu de ne pas avoir été sollicité par une équipe de première ou deuxième division mondiale malgré ta grosse saison 2017. C’est ce qui a fini de te convaincre que tu ne pourrais jamais aller plus haut ?
En quelque sorte, c’est ça oui. En tout cas ça a pesé dans la balance. Le projet de l’équipe était quand même intéressant avec la volonté de monter en Conti Pro en 2019, mais j’ai compris que je n’aurais jamais une autre opportunité que cette équipe. Je suis écoeuré du monde pro. Ils m’ont écoeuré. Je méritais de passer au-dessus avec la saison que j’ai faite. Quand je vois certains mecs qui passent pros dans ces équipes… Mais bon, c’est la mentalité du peloton et des équipes françaises. C’est très spécial.
« PEUT-ÊTRE QUE JE N’AVAIS RIEN À FAIRE DANS CE MILIEU »
Tu as le sentiment que tu n’aurais pas pu faire mieux ?
C’est un peu ça… Je me suis dit qu’il faudrait que je gagne cinq Classe 1 pour passer au-dessus. Et encore ! Même là, on m’aurait sûrement trouvé une autre excuse, à dire que j’étais trop vieux ou autre. Peut-être que je n’avais rien à faire dans ce milieu, finalement.
Ne pas avoir connu une équipe plus prestigieuse restera ton plus grand regret ?
Bien sûr ! Je n’ai jamais pu m’exprimer sur les Classiques, sur les plus grandes courses françaises ou à l’étranger, sur les courses qui m’ont toujours fait envie. Je n'ai pas pu me mesurer à certains coureurs alors que j’ai montré que j’avais ma place dans ce peloton-là. On ne m’a jamais tendu la perche. On ne m’a jamais proposé de contrat. C’est un regret, oui…
Considères-tu avoir été l’un des tous meilleurs coureurs de Continental cette saison en France ?
Je ne peux pas me permettre de m’auto-juger. Tout ce que je peux dire, c’est qu’au classement UCI, il n’y a que Benjamin Thomas de l’Armée de Terre qui me précède, sur tous les coureurs de Conti françaises. Et il courra à la FDJ l’an prochain… J’ai terminé dans les vingt meilleurs Français du classement, toutes divisions confondues. Dans ces conditions, c’est bizarre de ne pas avoir d’offre.
« LA RONDE DE L’OISE, LA PLUS CHÈRE À MON CŒUR »
Que retiendras-tu de toutes ces années chez les pros ?
Beaucoup de beaux moments. Evidemment, la saison 2017 était géniale mais je repense aussi à 2013, avec ma victoire sur le Championnat de France Espoirs avant de gagner sur Paris-Tours Espoirs, avec le maillot tricolore. Je suis le seul à l’avoir fait. Cette année, j’ai été sélectionné pour le Championnat d’Europe Élites au Danemark avec l'Équipe de France et c’était un autre grand moment.
A l’époque justement, tu avais déjà été critiqué pour avoir participé à ce Championnat de France Espoirs alors que tu étais déjà un coureur professionnel. Entre autres critiques...
Durant toute ma carrière, j’ai essuyé des critiques (lire ici "La Grande Interview" de septembre 2013). Il y avait toujours un motif pour me dire quelque chose. J’ai pris l’habitude qu’on me crache dessus mais c’est le jeu.
Quelle victoire de 2017 restera la plus marquante pour toi ?
Franchement, c’est compliqué d’en choisir une. Je suis assez partagé… La Roue Tourangelle restera ma seule victoire en Coupe de France. La Ronde de l’Oise a été la plus chère à mon coeur, à domicile. C’est la course qui me faisait rêver quand j’étais petit. Et le Tour de Bretagne fait partie des plus belles Classe 2 du calendrier. Elles sont toutes belles !
Quand et où va-t-on te revoir en course ?
Pas tout de suite. J’ai été opéré de l’artère iliaque le 2 octobre dernier et j’ai passé deux mois et demi sans vélo. Je n’ai repris que mi-décembre, donc c’est tout récent. Je ne ferai sûrement pas le tout début de saison. Pour le reste, ce sera à déterminer dans les prochaines semaines.