Warren Barguil : « Les critiques, ça forge »
Warren Barguil l'a fait. Après avoir passé toute la journée à l'avant sur le Championnat de France Élites, le sociétaire d'Arkéa-Samsic s'est offert le maillot bleu-blanc-rouge au terme d'un final riche en renbondissements (voir classement). Cette victoire s'apparente à une véritable délivrance pour celui qui n'avait plus gagné depuis le Tour de France 2017 et l'arrivée au col d'Izoard. Ivre de bonheur, le coureur de 27 ans a partagé sa joie avec DirectVelo.
DirectVelo : Tu as passé la journée entière à l'avant !
Warren Barguil : Je suis rentré dans l'échappée avec Valentin (Madouas) et Guillaume (Martin). Ça roulait vraiment fort. Je me suis dit que si ça se "posait" derrière et que l'on arrivait à avoir trois minutes d'avance, ça allait être dur pour le peloton. Le circuit était difficile. Il fallait maintenir le plus grand écart possible. Toute l'équipe a fait un super boulot. Romain (Hardy), Amaël (Moinard), Benoît (Jarrier), Kevin (Ledanois) et Flo (Vachon) m'ont beaucoup aidé. Flo (Vachon) m'a calmé deux ou trois fois. C'était le capitaine de route. Je le remercie. Il voyait que je voulais trop passer de relais. Je n'aime pas rester derrière quand je suis échappé, je trouve ça inutile. Je voulais animer notre échappée. À un moment, j'ai pensé que ça n'allait pas le faire dans le final parce que beaucoup de coureurs ne passaient plus.
Tu t'es relevé après avoir attaqué dans le final...
J'avais les jambes bien dures. J'ai vu que Valentin Madouas revenait. Je me suis dit que ça ne servait à rien de rester à cinq mètres devant lui. Je me suis relevé. J'ai vu qu'il restait deux coureurs de Cofidis pour le sprint, donc je savais qu'il y en avait un qui allait lancer l'autre. J'ai vraiment attendu le dernier moment pour lancer le sprint.
Quand as-tu compris que tu allais gagner ?
Jusqu'à la ligne, je n'y ai pas cru. Un Championnat, c'est compliqué. Même si un groupe se relève après une attaque, ça peut toujours rentrer de derrière. Ça a été le cas pour Guillaume Martin qui a bien attaqué. J'ai fait l'effort pour boucher le trou derrière Valentin Madouas. Je n'ai rien demandé à personne. Je sentais cet effort dans le final. J'avais beaucoup travaillé sur la distance pour être performant. Si l'on avait eu un Championnat de 200 kilomètres aujourd'hui (dimanche), le scénario aurait été différent.
« PAS UNE REVANCHE »
Tu décroches ce titre après avoir été beaucoup critiqué !
J'ai réussi à faire le break. Je pense aux gens qui m'ont tendu la main dans cette période difficile et aux gens qui me soutiennent. Les gens négatifs, je les laisse de côté. Ce n'est pas bon d'en avoir autour de soi. Avoir des gens qui t'aident quand tu es au fond du seau et qui te permettent de trouver des solutions, c'est important. Je les remercie. Ce n'est pas une revanche. Je pense qu'il y a des cycles dans le vélo. Je suis quelqu'un d'humain. J'ai vécu une période difficile. J'ai toujours eu ces jambes-là, mais c'est peut-être le mental qui pêchait. Je suis content de moi-même. Les critiques, ça forge. Il ne faut pas les oublier.
As-tu eu peur de ne pas retrouver ton meilleur niveau ?
J'ai douté. Ce n'était pas facile. À un moment donné, j'ai voulu arrêté le vélo. Je fais du vélo par plaisir. Je n'ai jamais voulu passer professionnel. Ce n'était pas une fin en soi. Pour moi, le plaisir, c'est ce qui rythme ma vie. Si je n'en prends plus en faisant quelque chose, je ne vois pas pourquoi je continuerais. Je ne fais pas du vélo pour faire de l'argent ou pour justifier un salaire. Je fais ça parce que c'est ma passion. J'adore rouler avec mes copains et en peloton. Le reste ne m'anime pas. Je me suis dit que si ça ne m'animait plus de courir et de subir des choses négatives, il fallait arrêter et devenir vendeur automobile, la passion que je voulais faire depuis tout petit. Ça n'aurait pas été un échec, mais juste la vie. Comme je ne lâche jamais rien et que ma femme me soutient beaucoup, je n'ai pas arrêté. Je pense plus généralement que dans la vie il ne faut pas lâcher. On peut avoir des moments délicats, mais aussi connaître de très bons moments.
Qu'est-ce qui t'a fait continuer ?
Ma femme, ma famille et tous les gens qui m'ont tendu la main pendant cette longue traversée du désert. Il y a également mon équipe. C'est pour ça que je me suis dit que je n'allais pas arrêter. Si je l'avais fait, j'aurais pu regretter cette décision toute ma vie. J'ai changé d'équipe, d'entraîneur. Il fallait prendre le rythme. Mon entraîneur n'a jamais douté de moi et m'a toujours soutenu. Je lui dois en partie ce titre.
« DÉJÀ LUNDI, JE VAIS LE PRENDRE »
Tu as démontré que les grimpeurs avaient la possibilité de gagner sur ce circuit !
On savait que c'était un circuit dur. Pendant les Championnats, il y a toujours des scénarios qui nous ouvrent des portes. En 2009, à Vendome, j'ai appliqué le même principe. J'étais échappé depuis le départ. Il y a un gros groupe qui était revenu sur nous. J'étais sorti à dix kilomètres de l'arrivée et je suis devenu Champion de France Juniors. Quand on a été déjà Champion de France, même sur un circuit roulant, on espère toujours pouvoir regagner.
Tu vas aborder le Tour de France avec le maillot bleu-blanc-rouge !
Déjà demain (lundi) : si je vais faire une sortie de récupération, je vais le prendre (rires) ! Je vais aussi reprendre mon ancien vélo de Champion de France, même si je vais le sticker parce que ce n'est pas la bonne marque. Je suis super fier. J'ai du mal à réaliser que je vais avoir un vélo bleu-blanc-rouge et ce maillot là. C'est incroyable.
Quels seront tes objectifs ?
Je vais rester sur l'idée de chasser des étapes, mais plus intelligemment que l'an passé où j'ai laissé trop d'énergie sur la route. Je vais essayer de ne pas trop en faire. Je n'ai pas de pression. Je me la mets juste à l'entraînement pour pouvoir me dire que j'ai tout fait pour être au maximum de ma forme.