Elections FFC : Entretien avec Michel Callot

Crédit photo DirectVelo

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Ce samedi 27 février, en visioconférence et donc par vote électronique, va se dérouler l'Assemblée générale élective de la Fédération Française de Cyclisme. Deux candidats sont en lice : Michel Callot, élu en 2017 et candidat à sa propre succession, et Cyrille Guimard, qui s'était présenté une première fois en 2009, face à David Lappartient, alors élu, et déjà Michel Callot.
DirectVelo voulait s'entretenir avec les deux candidats. Mais le Collectif « Prends ma roue » a fait savoir que Cyrille Guimard "ne souhaite pas faire d'interview avec DirectVelo”. Pour rappel, nous avions préalablement donné la parole à Denis Clément, le Président de « Prends ma roue » et candidat pour être au bureau exécutif (lire ici son interview).
Retrouvez notre entretien avec Michel Callot.

DirectVelo : Quelle sera votre première décision si vous êtes réélu ?
Michel Callot : La première décision sera dans la continuité d’un plan d’action qui a été pour partie bouclé lors du premier mandat. « Pour partie » car nous avons vécu une année 2020 très particulière qui a tout mis entre parenthèses. Le souhait sera d'accentuer l’effort sur notre modernisation et sur notre digitalisation. Je sens bien qu’il y a une attente importante de services en la matière. Apporter du service à nos clubs me tient à cœur et nous aurons des choses à annoncer dans les jours qui suivront l’élection, si je suis élu.

Vous dites dans votre programme que vous avez "remis la maison en ordre". Qu'est-ce qui était mal rangé lorsque vous êtes devenu président ?
Sans surprise, les finances. La FFC était en difficulté sur ses fonds propres, avait une trésorerie négative dans des proportions importantes, ce qui nous privait de toute capacité d’investissement. Nous avons fait ce travail. Un audit du ministère en 2017 nous enjoignait de reconstituer nos fonds propres à hauteur d'un million d'euros, nous en sommes à 900 000 euros. Je considère que le travail est fait. La sérénité financière est retrouvée. Nous avons aussi dû travailler sur le plan social dans l’organisation du siège fédéral avec plusieurs procédures aux Prud'hommes, il n'y en a plus aujourd'hui. Nous avons dû aussi restructurer la DRH, la direction financière, le service informatique, ce qui donne une cohésion d’ensemble.

« SUR LE PLAN FINANCIER, ON EST CRÉDIBLE »

Pour renflouer les finances de la FFC, vous avez remonté les prix des engagements en laissant la possibilité aux organisateurs de rajouter leur part pour, disiez-vous à l’époque, permettre aux coureurs d’avoir des courses plus près de chez eux. Est-ce que cet objectif a été atteint avec l’augmentation ?
Nous avons eu trop peu de temps pour en voir les effets avec la parenthèse de 2020. Mais je prends l’engagement ferme, et sur le plan financier on est crédible, que d'ici la fin du prochain mandat, la part fédérale sur les droits d’engagement soit totalement abandonnée au profit du club organisateur. On va combiner les effets de la mesure. D’un côté, une certaine liberté sur les prix d’engagement est à mettre en parallèle avec ce que veulent faire les organisateurs en matière d’accueil, d’originalité. Ils peuvent trouver là un levier financier à la condition qu’une part significative du droit d’engagement leur revienne. Et avec l’abandon progressif de la part fédérale, c’est le levier le plus naturel d’incitation à organiser des courses et donc de répondre au besoin de plus de compétitions de proximité.

Dans votre plan de relance, l’exonération de la part des comités régionaux dans le paiement de l’assurance fédérale ne doit durer qu’un an. Si les retours du terrain disent que ça a aidé à organiser plus de courses, allez-vous tout de même l’arrêter au bout d’un an ?
Pour bâtir ce plan de relance, la négociation avec l'assureur nous donne une marge de manœuvre. Nous avons souhaité régionaliser cette marge de manœuvre en demandant aux comités de trouver le moyen d’aider leurs clubs organisateurs. Un plan de relance, c’est pour recréer de l’activité. Si la relance attendue est au rendez-vous, cela entraînera d’autres recettes, donc on peut réfléchir à prolonger un certain nombre de dispositifs. Le deuxième point, c’est que nous arrivons en fin de contrat de l’assurance fédérale. J’espère que la négociation pourra dégager des marges de manœuvre plus pérennes. Si avec les comités régionaux, on trouve d’autres moyens pour aider les organisateurs, à travers l’assurance ou autre chose, bien évidemment qu’on continuera à le faire. Le poumon de notre Fédération pour son avenir, est dans la capacité de nos clubs à organiser des manifestations.

Vous parlez de développer les partenariats avec les entreprises. Après tous les titres de Champions du Monde, est-ce qu'une entreprise a contacté la FFC pour être sur le maillot de l'équipe de France ?
Malgré ces beaux résultats, ça ne vient pas tout seul, c’est bien une démarche active de notre part et de la part de notre agence de marketing pour trouver des partenaires. Depuis quatre ans, nous avons signé trois partenaires majeurs avec SKF, le CIC et AG2R. Mais dans notre sport, le relais médiatique va tellement vers le cyclisme pro sur route que ce n’est pas simple de convaincre un partenaire d’avoir son nom sur le maillot de l’équipe de France. Notre démarche est de réfléchir sur ce que pouvait véhiculer comme sens la FFC aux yeux de partenaires, au-delà du maillot de l’équipe de France et notamment sur des sujets sociétaux. Par exemple sur la mobilité, le RSE (responsabilité sociétale d’entreprise). On arrivera mieux à pérenniser les recettes avec des entreprises qui partagent des valeurs avec la Fédération plutôt que du pur sponsoring.

Vous voulez élargir “l’assiette des ressources externes, par sa capacité à vendre ses expertises et savoir-faire dans différents secteurs : mobilité, événementiel, formation, cyclisme santé…”. Qui seront vos clients et aurez-vous des concurrents ?
Des concurrents, oui. L’univers du sport s’est privatisé avec une kyrielle d’acteurs dans un système de niches. Il y aura de la concurrence. Le premier domaine où nous proposons une offre active, c’est la mobilité. Nous la proposons auprès de deux cibles : les collectivités territoriales et les entreprises pour leur plan vélo, cela nous permet d’être identifié comme un acteur de la mobilité. La diversification des sources est aussi liée à ce qu’on sait bien faire : l’événementiel. Ce n’est pas pour rien, si nous avons pris le maximum de Championnats du Monde dans les prochaines années. En 2022, nous en aurons trois la même année et la commercialisation va s’appuyer sur le fait qu’il y en ait trois. Nous avons encore des progrès à faire dans l’événementiel, dans la commercialisation et le marketing. J’essaie d’installer une culture transversale, de rechercher l’exploitation de nos savoir-faire. Un exemple : nous avons obtenu l’agrément tourisme qui nous permet de vendre des stages de haut niveau et tout ce qui touche “l’expérience” au contact de nos équipes de France dans des produits calibrés.

Qui démarche les clients ?
Pour le secteur de la mobilité, c’est notre agence qui fait le travail de chercher les clients et monter les projets. Nous sommes dans une logique de marché et d’entreprise. Nous sommes confrontés à des clients qui s’arrêtent et à de nouveaux clients. Mais dans le domaine de la mobilité, le champ est presque infini vu le nombre de collectivités. Pour les stages un peu “Prestige”, c’est notre DTN qui travaille beaucoup dans ce domaine. On essaie de marier les compétences.

« DE LA PROXIMITÉ AVEC LES CLUBS »

Dans votre programme, vous voulez élargir le corps électoral. Est-ce à dire que vous ne le trouvez pas assez représentatif ?
Représentatif, il l’est. Les délégués sont élus par les clubs. Aujourd’hui, il y a un délégué par département et jusqu’à six par région. La réflexion est de renforcer la représentation des départements. Dans les grandes régions fusionnées, les clubs connaissent mieux le niveau départemental. Le but est d’en faire un débat et ne pas le décréter.

Les comités régionaux vont-ils accepter de perdre un peu de poids par rapport aux départements ?
Je sens de moins en moins de confrontation de pouvoir entre les uns et les autres. Tout le monde a compris que l’important pour l’avenir des Fédérations sportives, c’est la capacité à regrouper autour d’enjeux fédéraux. Cette capacité demande de la proximité avec les clubs. On aura à lutter à l’avenir contre un phénomène d’éloignement des clubs des problématiques fédérales, pour mener leur vie dans leur coin. Il faut voir les comités départementaux comme des relais des comités régionaux.

Vous voulez créer une charte de gouvernance tripartite clubs/Comités/Siège fédéral. Qu’est-ce que ça veut dire ?
L’idée de cette charte est d’intégrer dans un comité des représentants de ces trois niveaux pour représenter leurs aspirations, pour connaître leurs besoins mais aussi pour valider ce qui fonctionne bien.

Les clubs vont-ils devenir des prestataires de services avec le SRAV (Savoir Rouler à Vélo), le vélo santé ?
Ce n’est pas comme ça que je l’entends. Pour résumer ma pensée, un club est animé par des bénévoles qui donnent de leur temps au service de leur passion. Un club forge son projet autour de la passion. Sur ce plan, le dénominateur commun d’un très grand nombre de dirigeants, c’est le volet sportif. Mais le problème qui se pose aux clubs est : comment on remplit le mieux possible, l’objet de notre passion, c’est à dire le sport ? Si on veut répondre à cette question, il faut s’ouvrir et réfléchir à des activités complémentaires. Quand on souhaite que nos clubs s’ouvrent sur le SRAV, le loisir ou le sport santé, c’est aller à la rencontre de public qui n’est pas en relation avec nos clubs. De ces publics naîtront quelques contacts qui iront vers la compétition. S’ouvrir à de nouvelles pratiques, ça veut aussi dire se donner plus de moyens, notamment pour ajouter de la professionnalisation dans les clubs. Ces emplois permettent d’accélérer le développement. Le salarié apporte son énergie pour pérenniser son poste et donc, faire grandir l’association.

Est-ce que tous les clubs peuvent se diversifier ?
Non, certainement pas tous. Par rapport à d’autres sports, la taille moyenne des clubs de la FFC, 40 licenciés, est très petite. Ça explique la difficulté à élargir le spectre de nos activités. Je ne veux pas globaliser. Il faut en avoir envie. Notre rôle de siège fédéral est de produire des outils et les services pour accompagner les clubs qui le souhaitent, pour arriver vers le plus grand nombre de clubs qui s’engagent dans cette voie de développement. Si les clubs se sentent soutenus, progressivement un certain nombre de clubs prendront cet élan.

Dans les aides de l’ANS (Agence nationale du sport), on voit que proportionnellement, les clubs sont moins bien servis que les comités. Pourquoi ?
Il faut avoir en tête l’historique. L’ANS a été le prolongement du CNDS. Au moment de la bascule vers l’ANS, nous étions parmi les Fédérations volontaires pour être dans le premier jet et rétrospectivement nous avons bien fait puisque nous avons augmenté nos crédits globaux. Nous avons alors eu le détail des répartitions des aides vers les clubs, les départements et les régions. On retrouve là l’effet d’avoir une Fédération avec beaucoup de clubs de petite taille. De nombreux clubs avaient été découragés par le mécanisme CNDS et ne faisaient plus de demandes. On a hérité de cet état de fait. Nous avons décidé d’établir une transition douce en partant de l’existant au moment du passage du CNDS à l’ANS. Nous avons deux paramètres pour faire évoluer cet existant : le premier, c’est qu’on a davantage la main sur les critères qui rendent éligibles les demandes de subventions et le deuxième, c’est qu’on est associé à l’évaluation des dossiers. L’évolution ne doit pas être brutale car les comités régionaux et départementaux avaient des acquis en matière de régularité de subventions. Mais maintenant s’établit une forme de concurrence dans la qualité des dossiers entre les clubs et les comités.

« IL Y A SANS DOUTE TROP DE LICENCES »

Pourquoi le chantier des licences traîne-t-il depuis plus de deux ans ?
La réforme des licences qui avait été présentée il y a un an à Roanne et sur laquelle on devait activer les premières tranches de mise en œuvre pour les licences 2021 a été forcément ajournée pour les raisons qu’on comprend. Je ne cherche pas d’excuse mais comme tout le monde, à la Fédération, on a travaillé à distance. On ne s'est pas revu avec les élus du conseil fédéral depuis janvier ou février 2020. Conduire des réformes de cette importance sans travailler normalement au siège, c’est compliqué. On aura une première étape de mise en œuvre lors de la prochaine prise de licence.

Quelle licence prend aujourd’hui un cycliste qui veut être licencié sans forcément l’envie de courir ?
On a fait des blocs dans la présentation de nos licences. Il y a un bloc loisir et un bloc performance. Tout ceci va de la licence cyclosportive, qui est la plus en relation avec la compétition, jusqu’à une licence loisir, sans activité de compétition. Il est vrai qu’une de nos faiblesses est aujourd’hui la présentation de notre produit. Il y a sans doute trop de licences différentes et on s’y noie, je suis d’accord. L’un des principaux objectifs de la réforme des licences est de simplifier notre offre. On a segmenté notre activité. Un des enjeux de la réforme est d’ouvrir beaucoup plus nos activités qui sont très fermées aujourd’hui et à la fois, de simplifier cette lecture et de renouveler le cadre de nos activités. Quel droit s’accorde-t-on avec la prise d’une licence ?

Pourquoi prendre une licence pour faire du sport santé ?
Pour plusieurs raisons. La première, c’est que ça offre la couverture attachée à la licence. C’est de l’assurance, le fait de bénéficier d’un encadrement dans un club et d’avoir le maximum de garanties sur ce qui va être proposé par nos éducateurs, qui sont formés.

Quelles nouvelles “opérations” seront numérisées ?
On a créé les espaces clubs et les espaces licenciés qui ont deux intérêts. Le premier est de communiquer rapidement avec nos licenciés et nos clubs. Pour le moment, c’est insuffisamment fait et il faut qu’on accélère ce sujet car il s’agit de rendre accessible une information dont nos clubs ont besoin. Ensuite, c’est la gestion de toutes nos activités sportives. Comment automatise-t-on un certain nombre de choses, comment regroupe-t-on les outils qui sont un peu dispersés pour avoir une interface utilisateur la plus ergonomique possible qui permette à nos dirigeants de clubs et de Comités de se simplifier la vie. Pour le réaliser, on mettra en place un comité d’usagers destiné à faire remonter les problèmes rencontrés sur le terrain par celui qui se sert de l’outil pour qu’on puisse l’améliorer et le rendre le plus pratique possible.

Est-ce qu’aujourd’hui le site internet de la FFC est un bon outil pour attirer des licenciés et les informer ?
On a essayé de revoir le site internet de la Fédération par de nouvelles fonctionnalités plus en phase avec la manière dont les jeunes se servent des sites internet. Ils ne vont pas dans les menus, ils tapent sur Google leur question et il faut arriver au bon endroit. Mais, ce faisant, on voit apparaître le besoin, pour notre site internet, de séparer ce qu’on appelle l’outil intranet car, historiquement, on a mis dans le site des documents qui ne devraient être que dans un intranet. Un exemple tout bête : on publie nos PV sur le site internet, c'est-à-dire qu’on rend publique des choses internes à notre Fédération. On doit revoir ce sujet, c’est dans le prolongement de ce que je disais sur les espaces clubs et licenciés. On doit reconstruire à la fois un système intranet qui nous permet de communiquer ce que nos clubs et nos comités ont besoin d’avoir comme informations et un système internet tourné vers l’extérieur pour essayer d’attirer, de travailler notre image.

Dans votre programme, vous parlez de ceux qui sont rebutés par le tout numérique. Concrètement, que faites-vous pour eux, par exemple, pour la prise de licence ?C’est à l’échelle de notre société. Aujourd’hui dans votre vie courante, votre relation avec votre CPAM, votre banque, se digitalise. On ne peut pas aller à l’encontre de ça. Mais on doit avoir le souci de ne laisser personne sur le bord de la route. Cela suppose qu’on soit plus efficace dans nos outils qu’on peut développer pour aider tout un chacun à bien se servir de notre système digitalisé. Cela rejoint l’intérêt d’avoir un comité d’usagers car nous devons être plus en alerte sur le point qui peut nous paraître évident mais qui va bloquer l’utilisateur. Il y a aussi l’accompagnement humain qui est proposé par nos comités qui sont des relais essentiels de cette politique.

« LA RÉFORME DES CLUBS DE NATIONALES VIENT D’ÊTRE INSTALLÉE, LAISSONS-LA VIVRE »

Il y a aujourd'hui 27 clubs en N1, une situation critiquée par certaines N1 elles-même… Est-ce vraiment pertinent d’avoir autant de clubs en N1 ?
Dans la réforme, on s’était fixé un seuil de 30 N1. Je n’aurai pas le commentaire de dire que c’est trop d’autant que le travail est fait très proprement pour considérer l’adéquation entre les projets, les éléments produits par les structures et le cahier des charges mis en place. Cela garantit pour les coureurs une qualité de pratique, au sein de ces clubs, qui est essentielle à mes yeux.

Le système de montées et descendantes plaisait à des clubs...
Nous sommes dans des projets associatifs qui sont profondément ancrés sur le territoire, qui débordent largement de l'équipe première. Et avec le système de montées et descentes, ces projets peuvent se voir déstabilisés par un aléas sportif en raison de quelques compétitions ratées. On compare toujours avec les sports collectifs mais le cyclisme est trop fragile dans sa structuration pour se mettre cet écueil… En sport collectif, on rencontre deux fois tous ses adversaires. Ce n’est pas ça en cyclisme. Par ailleurs, l’essence même du cyclisme n’est pas de marquer des points mais de gagner des courses. Et je trouve que ce système de montées/descentes qui donne un poids énorme à ces classements par points n’est pas vertueux. J’avais pour ces raisons donné cet objectif d’aller vers autre chose. Je n’ai pas inscrit dans mon programme le fait de bouleverser quelque chose. La réforme des clubs vient d’être installée, laissons-la vivre.

Mais la Coupe de France N1 a-t-elle, par exemple, encore de la valeur ?
Contrairement à ce que j’entends, l’absence de descentes ne veut pas dire que le classement de la Coupe de France n’a pas de valeur. Le club de N1 a plus envie de présenter à sa collectivité un bilan dans lequel il est classé dans les cinq premiers que les cinq derniers. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de sanction, avec une descente, que le classement ne vaut rien.

Concernant le cyclisme féminin, il existe aujourd’hui deux Divisions Nationales. Mais est-ce qu’il y a assez de densité pour avoir deux niveaux ?
Il faut aller vers une évolution lente. Le problème est comme vous le pointez sur la densité. Elle n’est pas suffisante pour avoir deux pelotons très homogènes, au moins en volume, en N1 et N2. Mais il faut offrir à nos femmes des niveaux de pratique qui soient le plus possible en adéquation avec leur niveau réel. En son temps, et au regard à l’époque de mon rôle de président du comité Rhône-Alpes, j’avais été très sceptique sur le concept de Division Nationale pour les femmes. Tout simplement car ça avait vidé nos calendriers régionaux et affaiblit considérablement la base de l’édifice. On en fait aujourd’hui l’amer constat. On doit travailler le plus possible avec les régions pour avoir une offre de pratique de proximité pour les femmes avec des calendriers régionaux ou interrégionaux. Et qu’ensuite, elles intègrent en fonction de leur niveau les N1 ou N2. Il faut être en capacité de proposer à ces clubs une activité cohérente. D’où l’idée de partager le peloton en deux et comme la densité n’est pas suffisante, on ne peut être que sur de l’expérimental.

Qu’est-ce qui peut attirer des filles à choisir le vélo de compétition ?
Elles ont envie de courir mais quand on a deux ou trois courses dans sa région sur une saison, ça ne donne pas très envie… Les filles sont très rapidement engagées en National, sauf qu’elles peuvent être amenées à courir à un niveau qui n’est pas le leur. Ce n’est pas très vertueux.

Est-ce qu’un Tour de France féminin aura plus d’effets que n’importe quelle action fédérale ?
C’est un élément très important dans le paysage. Produit par ASO, ça donne une aura médiatique évidente. S’il y a une puissance de communication, il y a une action positive sur le sport en question. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe en biathlon. Personne ne le connaissait il y a dix ans, et aujourd’hui toutes les stations ont leur stade d'initiation où les touristes défilent toute la journée. C’est donc très important, mais ça n’aura un effet que si on fait un effort avec nos clubs et nos régions de remettre en place l’accueil des femmes dans de bonnes conditions, avec en particulier l’accès à la compétition. S’il manque cette brique-là, on n’aura toujours pas résolu le problème. C’est pour ça que la Fédération fait un gros travail pour entrer en contact avec des femmes qui sont sur des pratiques de loisir, et pour les attirer vers autre chose.

« UNE RELATION DE CONFIANCE AVEC ASO »

Vous dites “nous devrons renforcer notre collaboration avec le secteur professionnel, en cherchant toutes les opportunités d’unir nos moyens”. Allez-vous demander plus d’argent à la Ligue Nationale de Cyclisme et à ASO ?
Ça veut d’abord dire qu’on a l’intention commune avec Xavier Jan de construire ce qu’il manque au cyclisme sur route français, et je pense aussi un petit peu à la piste et au cyclo-cross. C’est un projet sportif plus global, qui associe mieux les acteurs du monde fédéral et les acteurs du monde professionnel. On a des questions à se poser ensemble, notamment sur la formation des coureurs. Comment améliorer les interactions ? On sent qu’on a deux univers qui avancent en parallèle mais si on arrive à mieux les regrouper, on peut donner plus de puissance au projet sportif. C’est une intention qui n’est pas nouvelle. On en avait parlé avec Xavier Jan il y a douze ans. On pourrait se retrouver en situation de déclencher cette mise en œuvre. Nous avons très envie de le faire. Pour ASO, c’est un mécène de la FFC. C'est à nous d’être moteur dans ce qu’on peut leur proposer. Nous sommes dans une relation de confiance, je m’en réjouis. Les discussions sont suffisamment ouvertes pour qu’on puisse se rejoindre sur des problématiques qui ont du sens pour les deux entités.

Mais si ASO décide de mettre son mécénat dans une direction, la FFC ne peut que suivre…
La vérité, c’est qu’ASO est maître de son argent et de son mécénat en particulier (sourires). Il y a des problématiques purement cyclistes pour ASO qui a bien compris que le Tour de France fonctionne d’autant mieux quand les Français sont performants. On en discute très ouvertement. ASO est concerné par des sujets RSE. Le Tour est une grosse machine et on a vu qu’il y a eu des réactions parfois épidermiques sur le plan politique. C’est naturel qu’ASO puisse concourir à des objets sociétaux à travers la FFC. Ça tombe bien car on doit les investir, notamment quand on parle de mobilité. C’est une affaire de discussions. Je pense qu’on est en capacité de le faire dans l'intérêt du mécène et de la Fédération.

Est-ce que le sujet des indemnités de formation pour les clubs amateurs est toujours d’actualité ?
Quand on parle d’un projet sportif qui peut être mieux considéré entre les différentes entités, on parle à un moment de financement. Il est prématuré de dire sous quel angle. C’est évident qu’il faudra également définir les efforts des uns et des autres. Ce projet doit être supportable pour les différents acteurs et il faut donc voir comment il est financé.

Vous dites : “nous devrons réussir le management de nos « collectifs France », notamment olympiques, et développer la culture du management de la performance”. Qu’est-ce qu’il manque actuellement à ce management ?
Je ne suis pas sûr qu’il manque grand-chose mais la performance est une exigence renouvelée tous les jours. Ce que j'exprime dans le programme, c’est que, même si le quotidien d’une Fédération peut être lourd et de natures différentes, ce sujet de performance ne doit jamais sortir de notre radar. Ça ne veut pas dire que les élus fassent le travail à la place des techniciens ni que les techniciens ne le font pas bien. Mais c’est comme dans une entreprise, c’est au patron d’imprimer en permanence ce niveau d’exigence qui doit être mis dans l’environnement des athlètes. Et ce pour maximiser nos chances et optimiser la performance. C’est une préoccupation qui ne doit jamais quitter l’exécutif ou la présidence de la Fédération.

Est-ce que les priorités de l’ANS vont creuser l’écart entre les disciplines olympiques et celles qui ne le sont pas, et comment la FFC va-t-elle limiter les écarts entre ces disciplines ?
Le haut niveau à la Fédération est financé à 50 % par les fonds publics, par l’ANS donc, et à 50 % par des fonds propres de la Fédération. Ce qui veut dire qu’on est quand même moteur sur un certain nombre de choix. On ne veut pas abandonner des disciplines de haut niveau où la France est performante alors qu’on considère qu’il y a un enjeu par rapport à l'ensemble de notre éco-système. La politique de financement avec l’ANS est une politique exigeante car le patron de la performance, Claude Onesta, est une personne exigeante. Je constate que la FFC est la Fédération qui a le financement le plus important, parmi les sports d’été, sur la dernière année. C’est la commande de Claude Onesta d’être très concentré sur les disciplines olympiques par rapport à 2024. On prend en compte cette commande tout en essayant de soutenir du mieux possible l’ensemble de nos disciplines.

« NE PAS SE TROMPER SUR LES SOURCES EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT »

On a l’impression que la FFC est toujours un peu suiveuse de l’UCI et du CIO : il faut que le Freestyle soit olympique pour chercher à le développer alors qu’il était présent à la FFC dès le début des années 90. Il faut attendre que l’UCI fasse un Championnat de relais mixte pour revoir le chrono par équipes au Championnat de France. Est-ce que la FFC essaie de se rapprocher de disciplines comme le gravel ou le fixie sans attendre qu’elles deviennent olympiques ou qu’il y ait un Championnat du Monde ? N’y a-t-il pas un manque d’inventivité ?
Quand une discipline rentre aux JO ou à un Championnat du Monde, c’est évident que c’est un gros booster pour accélérer son développement. Ce n’est pas illogique que ce soit dans ce sens-là. Le fait que le Freestyle devienne olympique, ça permet de convaincre une collectivité d’avoir un parc permanent de haute qualité, de pouvoir installer un pôle. Pour parler du gravel, il faut s’entendre sur ce que ça veut dire d’accueillir et développer une discipline. On est une Fédération délégataire, ce qui veut dire qu’il faut organiser le champ de la compétition. Cela suppose un travail en amont qui n’est pas négligeable et on commence à avoir de nombreuses disciplines dans notre sport. C’est une richesse qui demande beaucoup de travail. Il faut pouvoir le supporter dans les comités régionaux ou les clubs. Pour le freestyle, avant que ça devienne olympique, la FFC a cherché à faire apparaître des circuits de compétitions mais n’a pas trouvé de relais suffisant chez les pratiquants. Pour faire du développement, il ne faut pas le décréter mais convaincre et donner l’envie pour que des clubs ou régions s’emparent du sujet.

Comment les attirer pour en faire des licenciés ?
Je vais prendre l’exemple du fixie qui est l’une des plus pratiques les plus éloignées de la Fédé aujourd’hui. Je constate qu’il y a trois millions de personnes qui font du vélo de manière sportive très régulière, que ce soit de la route ou du VTT. Et on a des centaines de personnes qui font du fixie. Où est-ce que je dois faire le plus d’efforts ? Amener un public tout près de nous ou est-ce que je dois mobiliser des moyens importants pour faire venir des gens qui sont sur des pratiques éloignées de la préoccupation de nos clubs ? Bien sûr, ça donne envie de partir dans tous les sens mais je ne suis pas sûr que ce soit plus efficace… Pour clore mon exemple, sur les cyclosportives, on a 70 à 80 000 personnes non licenciés qui prennent le départ d’une cyclosportive. J’ai envie de m’adresser à ceux-là car ils sont proches de nous. Il ne faut pas se tromper sur les sources en matière de développement. On a du mal à capter des gens proches de notre porte et lui dire qu’on a un produit suffisamment attractif pour qu’il paie quelque chose pour être licencié alors qu’il fonctionne très bien sans nous jusqu’à présent. Cette notion de service doit être construite.

Vous souhaitez être un candidat désigné par l’UEC pour vous présenter ensuite à l'élection du bureau directeur de l'UCI. Si vous êtes battu, maintiendrez-vous votre candidature ?
C’est évident que si je suis battu, ça n’a plus aucun sens d’être candidat pour siéger à l’UCI. Je souhaite évidemment que David Lappartient soit réélu. C’est compliqué dans ce contexte de maintenir un bon niveau de représentation du cyclisme français en dehors du président de l’UCI. Ma démarche est liée à ça, donc si je ne suis plus président, la question ne se pose plus.

La FFC va-t-elle sortir divisée de cette élection ?
Non, je n’ai pas cette crainte. Mais à force de manipuler l’information, très démagogique, anti-fédérale, j’ai peur qu’on affaiblisse notre Fédération là où c’est déjà compliqué dans tout le mouvement sportif. Nous sommes dans une société de consommation qui a du mal à être dans l’associatif. Quand on cherche à démontrer aux licenciés et aux clubs qu’ils sont maltraités par leur système fédéral au sens large, mon inquiétude est qu’il en reste des traces et que ça vienne contrer tous les efforts réalisés pour que les gens se sentent bien dans notre Fédération. C’est pour ça que la technique de harcèlement qu’on vit depuis dix mois m'incommode. Je suis très ouvert à un échange sur des projets, des idées, sur la manière de construire des choses pour notre Fédération… C’est parfaitement respectable de ne pas être d’accord mais quand on laisse entendre systématiquement que les dirigeants fédéraux ou régionaux font mal leur travail et qu’ils ne sont pas honnêtes dans leur engagement, c’est quelque chose de dangereux pour la solidité fédérale.

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