Paul Brousse : « Ça mérite une grille de lecture complète »

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

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Audrey Cordon-Ragot, Juliette Labous et Evita Muzic. Toutes trois ont montré de belles choses ces dernières semaines lors des Classiques du début de saison, mais une seule aura la chance de représenter la France lors des prochains Jeux Olympiques de Tokyo. À la suite de Liège-Bastogne-Liège, “les dés sont jetés”, désormais, comme l’expliquait la Championne de France sur route en ce début de semaine (lire ici). Alors qu’une décision doit être prise dans les jours à venir, DirectVelo fait le point avec le sélectionneur national, Paul Brousse.

DirectVelo : Les Classiques Ardennaises devaient t’aider à faire un choix entre les trois filles présélectionnées. Y vois-tu plus clair à présent ?
Paul Brousse : J’ai suivi ça de très près. Tout est télévisé désormais, c’est bien, ça permet de voir pas mal de choses. Je recoupe aussi les infos via les athlètes, les directeurs sportifs et les gens que je connais dans le milieu. Ces courses-là étaient très importantes parce que j’ai décidé de donner ma sélection relativement en amont des Jeux Olympiques, courant mai. C’est le timing que je me suis donné depuis le début et que j’ai validé avec le DTN (Christophe Manin) et Emmanuel Brunet. C’est important de le savoir en avance, pour les athlètes, surtout avec ce parcours difficile et la notion d’acclimatation à la chaleur et à l’humidité qui sera importante. Très clairement, j’ai besoin de recul, encore, avant de prendre une décision. Je n’ai pas envie de prendre une décision à chaud, juste après les Ardennaises. Participer aux Jeux Olympiques, ce n’est pas rien dans une carrière, surtout chez les filles.

« C’EST UNE DÉCISION QUI N’EST PAS FACILE À PRENDRE »

On imagine que tu es le premier déçu de ne pouvoir sélectionner qu’une fille...
C’est super frustrant. La France ne mérite pas d’avoir qu’une fille aux Jeux Olympiques. On est la dixième ou onzième nation mondiale si on regarde les trois-quatre dernières saisons. On méritait d’avoir au moins deux filles. Mais les règles sont les règles et il faut faire avec. Nous avons des filles qui sont très professionnelles, des besogneuses. On n’a pas la pépite qui sort du lot et qui va tout gagner mais on peut compter sur des filles très sérieuses et appliquées, qui s’investissent pleinement. Le choix n’est pas simple. 

Les filles disent être impatientes de connaître ta décision...
Elles sont très impatientes, c’est vrai, et je les comprends. Mais les Jeux Olympiques ne seront qu’au milieu de l’été, ce qui laissera quand même deux mois et demi pour se préparer entre l’annonce et la course. Il y a beaucoup de frustration et d’anxiété de par la situation, je le devine et le comprends. C’est une décision qui n’est pas facile à prendre. Mais je l’assumerai. Et je sais que la fille que je sélectionnerai aura le temps de bien se préparer pour cet objectif.

« LES QUALITÉS DE GRIMPEUSE SERONT FORCÉMENT IMPORTANTES »

Quels sont tes critères de sélection ?
Forcément, ça mérite une grille de lecture complète, qui comprend les résultats bruts, le comportement en course, et les références des années passées sur les courses montagneuses. Le circuit sera très difficile, avec 2800m de dénivelé. Ce n’est pas à négliger.

Avais-tu échangé avec les filles pour leur expliquer ces critères de sélection ?
Elles avaient toutes reçu un email explicatif leur précisant ce qu’on attendait d’elles. La priorité a été donnée aux épreuves WorldTour, qui sont primordiales. Mais je devais aussi prendre en compte le rôle de chacune dans leur équipe. Certaines sont leaders, d’autres sont équipières et doivent faire le travail en amont et n’ont pas toujours la possibilité de faire un résultat. Il faut y penser aussi. Et, encore une fois, les qualités de grimpeuse seront forcément importantes aussi, étant donné le parcours proposé à Tokyo.

« JE VAIS EMMENER LA FILLE QUI PRÉSENTE LES MEILLEURES QUALITÉS À L’INSTANT-T »

Audrey Cordon-Ragot a déjà participé deux fois aux Jeux Olympiques. Est-ce une donnée que tu vas prendre en compte ?
Non, pas du tout. Je ne prends pas trop en compte ce genre de choses. Je ne me dis pas que ça peut être un atout supplémentaire d’avoir l’expérience d’Audrey comme elle connaît déjà les Jeux. D’autant que cette année, on ne sera même pas au village olympique et on retrouvera un format classique de déplacement, identique à n’importe quelle course du calendrier. Mais ce n’est pas un désavantage non plus pour Audrey, dans le sens où je ne me dis pas qu’elle a déjà participé et qu’il faut donc nécessairement donner sa chance à une autre fille. Je ne raisonne pas comme ça.

L’âge des filles peut-il rentrer en compte, dans le sens où Juliette Labous et Evita Muzic représentent l’avenir du cyclisme français tandis qu’Audrey Cordon-Ragot est plus proche de la fin de sa carrière que du début ?
Non. Ce n’est pas du tout un critère de sélection non plus. Je n’ai jamais trop aimé le fait de forcément prendre des jeunes pour préparer l’avenir. Si on suit ce raisonnement-là, on est toujours en train de préparer l’avenir et on ne se concentre jamais totalement sur le présent. Je vais emmener la fille qui, selon moi, présente les meilleures qualités à l’instant-T pour réaliser le meilleur résultat possible le Jour-J. C’est tout. J’ai toujours raisonné de cette façon-là. C’est pour ça, par exemple, que j’avais emmené Edwige Pitel au Mondial d’Innsbruck. Le circuit correspondait à ses qualités de grimpeuse et il n’aurait pas été normal de ne pas lui donner sa chance. L’âge, l’expérience ou la projection à plus long terme ne seront pas des critères. 

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