Cherie Pridham : « Être un bon exemple »
Elle contribue à sa façon à une certaine avancée des mœurs. En 2021, l’ancienne cycliste professionnelle Cherie Pridham est devenue la première femme DS d’une structure du WorldTour masculin, en signant chez Israel Start-Up Nation. Depuis, elle a rejoint les Belges de la Lotto-Soudal à l’intersaison. DirectVelo a échangé avec la Britannique à l’occasion du dernier Tour de la Provence (2.Pro). L’occasion d’en savoir plus sur celle qui compte bien servir d’exemple et qui, à sa façon, est une pionnière dans le milieu.
DirectVelo : Le Tour de la Provence a été très animé !
Cherie Pridham : C’est exactement ce à quoi on s’attendait. On savait que le vent allait tout faire exploser sur la première étape en ligne. On voulait mettre les jeunes dans les coups. C’était plutôt pas mal. Il y a eu de la course. On est venu avec des ambitions, comme sur chaque course. Pour le moment, l’équipe a très bien débuté la saison (déjà cinq victoires, NDLR) donc ça donne forcément l’envie de continuer sur cette lancée. On visait surtout une victoire d’étape en venant ici.
« J'ESPÈRE BIEN ÊTRE L'ÉGAL DE MES CONFRÈRES »
Dans les zones de départs et d’arrivées, tu ne passes pas inaperçue en étant la seule directrice sportive du WorldTour dans un milieu très masculin… Est-ce d’abord une fierté ?
Bien sûr que j’en suis super fière. Je savoure le fait d’être à ce niveau. Je suis une personne ambitieuse et donc, forcément, c’est appréciable d’être au niveau WorldTour. Mais je me considère simplement comme un directeur sportif, pas comme une femme directeur sportif. J’espère bien être l’égal de mes confrères. En espérant que ça puisse montrer la voie et permettre d’ouvrir des portes pour d’autres jeunes femmes à l’avenir. Si ça peut inspirer qui que ce soit, ce serait très bien.
Penses-tu que d’autres femmes souhaitent diriger des équipes masculines du plus haut niveau ?
Je pense que beaucoup de filles le voudraient. Ça va venir. C’est une question de construction, petit à petit, et de confiance en soi. Commencer par le WorldTour féminin, pour certaines dirigeantes, est sans doute une bonne transition, en quelque sorte. Personnellement, j’ai dû me battre pour ça, pour être là. J’ai appris sur le terrain, petit à petit. Mais je pense que ce sera plus simple pour les prochaines, dans ce cyclisme moderne. Ça se fera beaucoup plus naturellement.
Est-ce une situation et un statut dont tu rêvais depuis de longues années, ou est-ce les opportunités qui t’ont emmenée là aujourd’hui ?
Quand j’ai mis fin à ma carrière cycliste, je crois bien que j’en ai rêvé (sourire). Au tout début, j’imaginais pouvoir emmener ma propre équipe au plus haut niveau. Puis j’ai vite réalisé qu’il y avait un plafond de verre au niveau Continental. Mais j’ai toujours eu l’ambition d’entraîner au top niveau.
« SI J’AI PU LE FAIRE… »
Penses-tu que le regard des athlètes puisse être, ne serait-ce qu’au début, différent de celui qu’ils auraient avec un directeur sportif masculin ?
Je ne le crois pas. Personnellement, je n’ai de toute façon jamais eu à sentir quelconque différence puisque j’ai toujours travaillé pour des équipes masculines. Je n’ai jamais dirigé une équipe féminine. Les coureurs, je les traite comme je souhaite qu’ils me traitent eux-mêmes. Je leur laisse une certaine liberté, bien sûr, et je leur montre autant de respect que possible. De toute façon, c’est la seule chose qui importe, pas vrai ? S’il y a un respect mutuel, on se moque totalement qu’il s’agisse de femmes et/ou d’hommes.
Considères-tu apporter un regard différent de celui des autres directeurs sportifs ?
J’entends souvent cette réflexion ou cette question avec les gens qui évoquent ce sujet avec moi. Peut-être qu’en effet, il y a une sorte de touche féminine que j’apporte inconsciemment. C’est vraiment dans de petits détails : un peu plus de compassion, peut-être. Sans doute que je parle beaucoup, aussi (rires). J’imagine que ça peut aussi, parfois, apporter une sorte de sérénité supplémentaire au sein d’un groupe.
Il n’y a plus qu’à attendre de nouvelles femmes DS dans des structures masculines du WorldTour !
Exactement ! Si j’ai pu le faire, d’autres peuvent le faire aussi, c’est une certitude. J’espère bien être un bon exemple pour toutes les autres.