Troyes : « Un rêve de gosse »

Crédit photo Hervé Dancerelle - DirectVelo

Crédit photo Hervé Dancerelle - DirectVelo

Unique cyclo-cross UCI français à l’hiver 2020-2021, lorsque la pandémie de covid avait décimé le calendrier, puis manche de Coupe de France à deux reprises, le cyclo-cross de Troyes a coché une nouvelle case dans son tableau de marche, après avoir organisé une manche de Coupe du Monde, la première pour les jeunes. Alors que la nuit tombait doucement sur le complexe sportif Henri Terré, il y avait plus d’étoiles dans les yeux de Clément Philippon, à la tête de l’organisation, que dans le ciel troyen. Quelques instants après l’ultime podium de la journée, celui de la course Elites hommes qui a vu le succès d’Eli Iserbyt, Clément Philippon est revenu avec DirectVelo sur cette journée inoubliable pour son équipe.

DirectVelo : Quel bilan fais-tu de la journée ?
Clément Philippon : On est une équipe heureuse ce soir, ce matin on était tous stressés car on ne savait pas où on mettait les pieds, ni comment ça allait se passer ou combien de personnes on allait avoir. Et là en faisant le bilan… Le soleil était au rendez-vous, il y a eu beaucoup de monde, avec des belles courses, pour nous le contrat est rempli.

Qu’est-ce que ça a changé d’organiser une manche de Coupe du Monde ?
Il y avait un peu plus de travail mais on s’est mis nous-mêmes la pression, parce qu’on aime faire les choses bien, tout simplement. On avait la pression d’une Coupe du Monde. Il y a beau y avoir beaucoup de similitudes entre une Coupe de France et du Monde… On ne regrette pas ce soir. Ce n’est que du bonheur, à 100%.

« ON SE CROIT EN BELGIQUE »

Vous avez beaucoup interrogé les coureurs sur le parcours, quels ont été les retours ?
Julien Estivalet, qui a fait un super boulot en faisant les parcours cette année, a effectivement demandé des avis. Je pars du principe que ce n’est jamais acquis. Poser des questions aux coureurs permet de nous faire progresser. Ils peuvent nous apporter des solutions qu’on ne voit pas parce qu’on n’a jamais été à ce niveau-là. Ces petites choses peuvent faire des différences. On peut peut-être changer un peu un parcours, modifier ces petites choses qui peuvent le rendre plus spectaculaire. On a un très beau circuit mais il y a peut-être encore des choses à changer, et c’est en posant des questions qu’on le sait. On aime la fête et tout ça, mais l’aspect sportif est très important, donc l’avis des coureurs compte.

En plus, l’accès au site était totalement gratuit !
Des Belges sont venus nous voir en disant « on se croit en Belgique avec la fête, mais c’est gratuit et on n’est pas habitué ». C’est une volonté des collectivités locales, des membres de l’organisation aussi de ne pas faire payer. On ne l’a jamais fait, même pour une Coupe de France, et ce n’est pas parce qu’on est une Coupe du Monde qu’on doit faire ça. On était tous d’accord, donc les collectivités ont mis la main à la poche, nous on a trouvé un peu plus d’argent et on a réussi à faire ce spectacle gratuit.

Ça n’inquiète pas la pérennité de l’épreuve ?
C’est sûr que les entrées payantes rapportent peut-être 10 000 ou 20 000€, directement. Là on a dû faire autrement pour rentrer cet argent. Mais on ne regrette absolument pas. Les restaurations ont cartonné, les bénévoles ont fait un travail d’enfer. On est loin d’être perdant, on a permis à plein de gens de voir un spectacle exceptionnel. Rien que ça, ça suffit à ne pas avoir de regrets. Et si un jour on revient en Coupe du Monde, on sera toujours gratuit à Troyes.

« ON S’EST DEMANDÉ SI ON Y ALLAIT »

On voit une dynamique s’installer à Troyes, entre le cross UCI en 2021, puis les deux manches de Coupe de France, et maintenant la Coupe du Monde… Tu avais imaginé une telle évolution si vite ?
Pas du tout ! J’organise depuis sept ans, quand j’ai fait ma première édition, c’était en régional avec des piquets et de la rubalise. Maintenant on est une Coupe du Monde… Jamais je ne l’aurais cru. Même au début, je n’y pensais même pas. Rien que de faire une Coupe de France, on ne l’imaginait pas, finalement on en a fait deux. Et quand Flanders Classics m’a contacté, je n’y croyais toujours pas (sourire). Et on a été retenu ! On y est vraiment, et ce soir on est officiellement des organisateurs de Coupe du Monde. C’est exceptionnel pour tous les copains et moi. Les neuf qu’on est, on est tous passionnés, cyclistes à la base, alors on vient de réaliser un rêve de gosse.

Comment l’idée est devenue réalisable ?
C’est Flanders qui nous a contactés. Nous, on n’aurait pas osé car on ne se sentait pas à la hauteur et capables. Et comme la proposition est venue d’eux, on s’est dit que s’ils s’intéressaient à nous c’est qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. On s’est posé tous les neuf autour d’une table, on s’est demandé si on y allait, et on s’est tapé dans la main. C’est parti, on tente l’aventure, et ça s’est lancé comme ça.

Est-ce que désormais tous les rêves sont permis, avec un Championnat du Monde par exemple ?
À la base, comme on ne pensait pas organiser une Coupe du Monde… Pourquoi pas un Championnat du Monde (sourire). Je ne connais pas du tout les contraintes et les exigences. Mais je ne sais pas où on va s’arrêter. On va continuer à organiser notre cross, c’est certain. Ça nous fait plaisir de voir les gens contents, on va le faire tant qu’on peut. Mais on verra dans les années futures. En tout cas, on ne va pas s’arrêter là.

« PEUT-ÊTRE QU’ON ENVISAGERA FIN DÉCEMBRE OU DÉBUT JANVIER »

Quelle peut être la suite après cette étape ?
On a déjà fait deux fois la Coupe de France, maintenant une Coupe du Monde. La Fédé aimerait bien qu’on organise un jour un Championnat de France, mais est-ce que c’est le premier objectif ? La date n’est pas prise mais ça parle de 2026. Pour le moment, dès l’année prochaine on ne s’est positionné sur rien. On va faire le bilan, on va voir comment ça s’est passé et on va vite se positionner. On va profiter, tout remballer et dans les jours à venir on va appeler les personnes concernées pour voir ce qu’on fait en 2024.

Toi, à quoi tu penses pour l’année prochaine ?
Peut-être une Coupe de France si on n’est pas en Coupe du Monde. Ça nous avait plu d’organiser une manche en Coupe de France, on a accueilli 1200 participants sur deux jours, avec tous les jeunes, c’est intéressant. On va faire le bilan et on voit si c’est encore possible d’être en Coupe du Monde. On va voir aussi avec les collectivités qui doivent mettre la main à la poche. L’année prochaine il y a aussi le Tour de France qui vient à Troyes, ils sont très sollicités. On n’est pas les seuls à décider mais on va se poser pour faire le bon choix.

Et peut-être avec certaines stars de la discipline qui manquaient à l’appel…
Ça serait top. On est le 19 novembre, si un jour on revient en Coupe du Monde, peut-être qu’on envisagera fin décembre ou début janvier pour être quasiment sûr d’avoir les deux grands champions que sont Van der Poel et van Aert, et que tout le monde veut voir en vrai, et moi le premier. Les avoir ici à Troyes, pourquoi pas, mais l’avenir nous le dira.

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