Anthony Perez, porté par ses rêves et ses combats
L’air serein, comme sûr de sa force, Anthony Perez a toujours été un garçon à la fois discret et charismatique. Fort caractère, entier, le Toulousain a rarement un mot plus haut que l’autre mais n’hésite pas à dire ce qu’il pense. Et ce n’est pas nécessairement un paradoxe. Endurci par les coups durs de la vie, sur le vélo et plus encore dans la vie de tous les jours, il a déjà de sacrés bagages. Et s’il peut paraître froid au premier abord, il s’agit en réalité d’abord d’une timidité qu'il a longtemps combattu mais qui cache beaucoup de bienveillance et d’ondes positives. “Quand j’ai commencé le vélo à 11 ans, c’était mon rêve et mon échappatoire. Je ne voyais aucune autre alternative. Dans ma tête, c’était la seule façon de m’en sortir, assure-t-il à DirectVelo, depuis l’hôtel où il loge avant les Boucles Drôme-Ardèche. Je ne viens pas d’un milieu aisé. Je ne viens pas des cités non plus mais pour moi, c’est comme les jeunes qui se voient footballeur ou rien. Dans ma tête, c’était cycliste ou rien. Je vivais pour ça, je ne me suis jamais autorisé à partir en vacances”.
Si bien qu’il en a fait rire certains copains lorsqu’il était encore dans les jeunes catégories. En réalité, le grand gaillard savait déjà où il allait. “En Juniors à l’AS Villemur, je me souviens qu’un collègue, Jérôme Sudries, m’avait proposé de venir en vacances chez lui au Cap d’Agde dans une maison de vacances familiale. Je lui ai répondu : « Pas possible, cet été je serai au Championnat du Monde ». Il a rigolé. Mais en fait, huit mois plus tard j’y étais. Je me suis toujours accroché à mes rêves. Quand j’étais petit, je ne gagnais pas de course, ou une par an maxi. Mais j’étais content, je n’ai pas lâché”. Villemur justement, Anthony Perez y a gardé des liens. C’est ainsi que ce week-end, dans le cadre de la Mapei Classic et de la Ronde Bessieraine, se tient le Challenge Anthony Perez. “Ce sont des voisins”, précise celui qui a longtemps vécu à Tournefeuille, en banlieue toulousaine, et qui s’est récemment installé à Montauban avec femme et enfants - 3 ans et quatre mois -. “J’investis un peu dans la course. Ça permet à des Cadets et Juniors de venir dans le coin, découvrir nos belles routes. Ils sont contents de l'organisation, ça fait plaisir. Villemur, c’est le moment où j’ai commencé à rêver. C’est normal de garder un lien”.
« TU ES OBLIGÉ D’ALLER DE L’AVANT, TU N’AS PAS LE CHOIX »
La souffrance sur le vélo, aussi violente peut-elle sembler parfois, n’est jamais rien en comparaison des coups durs de la vie. En fondant en larmes sur les hauteurs de Grasse après avoir enlevé la première étape du Tour des Alpes-Maritimes et du Var, début 2021, Anthony Perez en avait dit bien plus que s’il avait lâché le moindre mot. Il rendait alors hommage à sa Maman, partie quelques mois plus tôt et qui lui avait fait promettre d’en gagner une belle pour elle. Il n’avait que 28 ans. Depuis, l’Occitan a (encore) connu d’autres gros coups durs familiaux, ces sales maladies qui touchent les gens que vous aimez le plus au Monde, sous votre propre toit, et qui vous contraignent à vous battre, encore et toujours. “Il faut traverser chaque épreuve de la vie. Tu es obligé d’aller de l’avant, tu n’as pas le choix. On a tous une force en nous qui nous aide à nous en sortir dans les moments durs. Je ne suis pas exceptionnel de m’en sortir aujourd’hui malgré ce que je traverse. C’est la vie, lâche-t-il modestement. Tu ne peux pas faire marche arrière ou mettre pause. Il faut avancer. J’aime tellement ce que je fais, j’y prends tellement de plaisir… Mentalement, le vélo m’a aidé. Ce que j’évacue sur le vélo, je ne le garde pas en moi. Je me lance des défis, ça m’aide. Le truc, ce ’est pas d’oublier, c’est d’avancer”.
Avancer en écrasant les pédales, porté par ses rêves et ses combats, comme il l’a fait il y a tout juste un an en luttant à la fois face à une rude concurrence et à une météo atroce - vent glacial -, sur ces mêmes routes de la Drôme Classic, pour l'emporter après un magnifique numéro en solitaire. “Je m’en rappelle très bien ! Le samedi, il caillait grave, et le dimanche encore plus (rire). C’était la mort. Ces courses-là, chaque année c’est super dur. Je me rappelle que dès la première année, j’avais fait une échappée à la Drôme Classic. Chaque année, je me dis que c’est la dernière fois que j’y viens car c’est trop dur. Et chaque année, je reviens. Je sais où il faut attaquer maintenant !”. En tant que tenant du titre, le puncheur de l’équipe Cofidis n’avait de toute façon pas d’autre choix que de venir une nouvelle fois en terres drômoises. “Je suis venu chercher mon dossard 1. L’année dernière, je suis allé sur la Classic Loire Atlantique, en tenant du titre, et on m’a filé le 26... Du coup, c’est la première fois que je vais enfin avoir le 1 !”, s’amuse-t-il, heureux comme un gosse.
« C’EST CE QUI MAINTIENT LA FLAMME »
À 32 ans, Anthony Perez continue donc de rêver. Et ne compte pas arrêter de si tôt. “Je continue de progresser et je prends toujours du plaisir. J’aime grave la compet’. Ce qui m’anime, c’est de gagner des courses. Aux Alpes-Maritimes, j’étais vraiment fou de ne pas gagner (4e dimanche dernier, NDLR). J’ai lancé de loin mais c’est facile de le dire après coup. Gagner, je sais que c’est encore possible. Sur des manches de Coupe de France par exemple. Sur ces courses-là, l’idée de la victoire me stimule. Je peux en sentir l’odeur. C’est ce qui me maintient en vie sur le vélo, alors qu’en WorldTour, je ne prétends pas pouvoir tout gagner”.
Malgré tout, Anthony Perez - six victoires chez les pros en comptant celle au Tour du Gévaudan en Classe 2 - ne désespère pas d’en gagner une au plus haut niveau mondial un jour. “Dans le fond, ça reste accessible sur une échappée, sur des profils qui me correspondent. Aujourd’hui, je ne pense pas pouvoir me taper le gratin mondial sur une WorldTour”, admet celui qui avait tout de même battu Greg Van Avermaet au Luxembourg en début de carrière. “Mais c’était juste Greg, en quelque sorte. Maintenant, la densité est folle pour un mec comme moi. Je suis un coureur complet mais je n’ai pas une qualité exceptionnelle. Cela dit, avec une échappée sur un Grand Tour, pourquoi pas. C’est ce qui maintient la flamme. Rêver de gagner une étape du Tour de France n’est pas interdit”. Des rêves et des combats, encore et toujours. “C’est comme ça que l’on avance ! De toute façon, il ne faut pas garder le mauvais en soi. J’aurais pu être aigri de plein de choses. Quand je suis tombé avec Benoît (Cosnefroy) alors que j’étais maillot à pois du Tour de France, j’aurais pu lui en vouloir mais au contraire, c’est devenu un copain. J’aime véhiculer des choses positives et heureuses. Quand je dis des choses positives, ça ne veut pas dire qu’il faut faire croire que tout est beau, mais simplement qu’il faut se battre et qu’on va y arriver”.