David Gaudu : « Je suis aux anges »
La voix tremblante et quelques larmes sur les joues, David Gaudu n’a pu retenir son émotion, quelques minutes après sa victoire sur le Tour du Jura (1.1). Après des mois de galères et de doutes, le Breton de la Groupama-FDJ est parvenu à retrouver le chemin du succès, ce samedi, au terme d'une jolie bataille dans la montée finale. Un temps lâché, l’athlète de 27 ans a trouvé des ressources tant mentales que physiques pour revenir puis placer une attaque décisive avec le peu de force qu’il lui restait encore dans les jambes (voir classement). Le voilà désormais plus déterminé que jamais à l’idée de retrouver le gratin mondial la semaine prochaine, sur la Flèche Wallonne puis à Liège. DirectVelo s’est entretenu en longueurs avec David Gaudu à l’arrivée de l'épreuve.
DirectVelo : Celle-là, tu l’attendais !
David Gaudu : Il y a beaucoup d’émotions. Même si ça ne reste qu’une Classe 1, je n’avais pas levé les bras depuis une étape du Dauphiné en 2022 et il y a un très beau palmarès sur cette course. L’an passé, je n’avais pas gagné. Lever les bras, c’est la chose dont on a le plus envie lorsqu’on est coureur cycliste. Parfois, on enchaîne les péripéties et on a envie de tout envoyer balader. Je n’ai pas eu énormément de chance ces derniers temps. Le destin m’a joué des tours, j’ai aussi fait des fautes. Aujourd’hui (samedi), j’ai tout fait à 100%, comme jamais depuis quelques semaines. L’hiver dernier, au moment d’établir le calendrier, j’avais demandé à l’équipe de participer à ce type de courses, de disputer un plus grand nombre de courses d’un jour de Classe 1, avec des plateaux moins relevés qu’en WorldTour, pour que l’équipe et moi puissions peser sur la course.
Ce final a longtemps été très indécis. Tu as même, un temps, semblé trop juste pour jouer la victoire…
Au briefing, j’avais annoncé que je comptais attaquer assez tôt, dès le pied de la dernière montée. Ça s'est fait à la patte et au mental. Les autres étaient très forts. C’est une explosion de joie. Cette victoire va me permettre d'engranger une confiance que je n’avais plus ces derniers temps. Hier, quand Lenny (Martinez) a attaqué, je n’y suis pas allé car je n’étais pas en confiance. Alors c’est important d’en retrouver. C’est bien avant la Flèche Wallonne. En plus, j’ai vu qu’il allait pleuvoir là-bas, ça me plaît. Avec ensuite Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Romandie, c’est un beau bloc de courses qui m’attend.
« J’AI VOULU FAIRE LE BOURRIN ET ME FAIRE PLAISIR, SANS RÉFLÉCHIR »
Raconte-nous ce dernier kilomètre !
J’étais distancé, Guillaume (Martin) est parti seul. Je savais qu’il fallait que je fasse l’effort et que je revienne sur lui avant le dernier replat sinon c’était perdu. J’ai pu le faire. Cette montée finale m’a fait penser à celle de la Loge-des-Gardes, l’an passé lors de Paris-Nice, avec un replat à l’entame du dernier kilomètre. Ensuite, comme il n’y avait pas de vent, je me suis dit qu’il fallait que je joue mon va-tout. Si je me faisais contrer, c’était forcément par plus fort. J’ai voulu lâcher les chevaux, faire le bourrin et me faire plaisir, sans réfléchir. J’avais 600 mètres pour faire la différence. Il ne fallait pas être attentiste. Je voulais faire le vrai champion, ne pas attendre et ne pas me mordre les doigts après la ligne.
Physiquement, as-tu le sentiment d’être revenu à un excellent niveau ?
Je sens que ça revient bien, oui. Hier, je n’étais pas encore à 100%. Pour gagner aujourd’hui, même si ça reste une Classe 1, il fallait forcément être costaud. Je me sentais bien et j’avais envie de faire une très belle montée. On a assumé le poids de la course, comme hier. L’équipe peut être fière de ce qu’elle a réalisé. Jamais deux sans trois, comme on dit. Je ne serai pas là demain mais je souhaite à l’équipe de faire le triplé.
« C’ÉTAIT LA PREMIÈRE PÉRIODE DE GROSSES GALÈRES DE MA CARRIÈRE »
On te sent ému…
Forcément, je savoure. Je suis aux anges. Toute ma famille est derrière l’écran, ma copine aussi. Ils m’ont vu galérer pendant un an (il verse quelques larmes, NDLR). Ça a été dur mentalement ces derniers mois. Je suis très content de retrouver mon niveau. Gagner ici, ça fait très plaisir. Dans une carrière cycliste, chaque coureur connaît des problèmes à un moment ou un autre. Je pense à Thibaut (Pinot) qui a galéré avec ses problèmes de dos pendant un an et demi… Il est revenu. On m’a d’ailleurs rappelé que l’an passé, Thibaut avait attendu le triptyque franc-comtois pour vraiment se relancer. J’y ai pensé. C’était la première période de grosses galères de ma carrière, pendant huit mois. Le vélo, c’est beaucoup de sacrifices et peu de moments de bonheur comme celui-là. Il faut savoir en profiter. Ce n’est pas encore une victoire en WorldTour mais ça reste une victoire.
Avais-tu déjà vécu une telle émotion après une victoire ?
Non, même pour des plus belles. Je pense que c’est une décharge d’émotions. Après ces galères, c’est logique. Bien sûr, des émotions j’en ai connu d’autres, notamment après avoir coupé la ligne des Champs-Elysées en faisant 4e du Tour de France, ou en revenant dans le bus. C’était une grosse émotion également. Je ne gagne pas beaucoup de courses dans ma carrière mais quand je gagne, ce sont souvent des belles. Pour moi, le Tour du Jura, ça reste une très belle arrivée au sommet, à la pédale où je gagne devant d’autres champions. J’ai réussi à activer le mode gagneur (sourire).