Eliott Pierre : « Ça fait super chaud au cœur »

Crédit photo Paul Lefaure
Près d’un an après son grave accident (lire ici), Eliott Pierre a retrouvé le chemin de la compétition le week-end dernier à l’occasion du Tour du Territoire de Belfort. Le sociétaire de l’AC Bisontine revient pour DirectVelo sur ces derniers mois avec sa longue rééducation et sa reprise du vélo entrecoupée d’un nouvel accrochage. L’athlète de 23 ans évoque également sa joie de remettre un dossard et son avenir.
DirectVelo : Qu’as-tu ressenti samedi dernier au départ de ta première course depuis ton accident ?
Eliott Pierre : C’était dingue, tout le monde est venu me voir pour me dire que c’était top ce que je faisais. C’était trop bien, ça faisait super chaud au cœur d’être de retour et de retrouver les pelotons. C’était très émouvant. En plus de ma compagne Camille, il y a avait ma mamie que je n’avais pas vue depuis deux ans. Elle a toujours été ma grande supportrice, c’était top de revivre un week-end comme chez les jeunes.
« DES DOULEURS ATROCES »
Où en étais-tu physiquement ?
Ce n’était pas trop mal. J’avais un niveau suffisant pour me faire plaisir même si ça reste une petite Open 2. Le premier jour, j’ai fait un peu le con, je me suis échappé 70 bornes et j’ai été repris à la fin. Ça m’a pesé dans les jambes le lendemain pour le chrono dans le Ballon d’Alsace ainsi que pour la dernière étape en ligne. Malgré tout, j’ai terminé 7e et 4e le dimanche, ça reste plus que raisonnable pour une reprise. Je suis très content.
Tu es revenu de loin ! Comment s’est déroulée ta rééducation ?
Je suis rentré au centre le 4 octobre. Au début, c’était super dur, j’avais des douleurs atroces au poignet, au coude, à l’épaule…. C’était difficile de rééduquer quelque chose qui ne marche plus à mon poignet. Je suis resté non stop au centre jusqu’au 23 décembre. De janvier à fin mai, j’effectuais des allers-retours tous les jours, je dormais chez moi. Je suis tombé sur des gens top. Ils ont fait ce qu’ils ont pu. Mais fin mai, j’ai senti qu’ils ne pouvaient plus grand-chose pour moi. J’ai demandé à sortir du centre et à avoir des séances de kiné en libéral. Actuellement, j’ai trois séances de kiné par semaine et deux de préparation physique avec Baptiste Marie, le préparateur physique du Pôle France VTT. J’habite juste au-dessus, c’était la suite logique des choses.
« UN NOUVEL ACCIDENT MI-AVRIL »
Gardes-tu des séquelles ?
J’ai une paralysie du poignet droit et des muscles extenseurs des doigts. Mon poignet tombe, j’ai des difficultés à étendre mes doigts. Le nerf radial a été étiré à cause de la fracture. Quelques muscles extenseurs recommencent à bouger mais c’est très long. Le nerf repousse d’un millimètre par mois, on peut tabler sur deux ans, donc j’en ai encore pour un an à galérer. Si j’ai les mains au creux du cintre, je ne peux pas aller chercher le frein. Il faut que je les descende sur les cocottes. Heureusement, mon poignet touché est le droit et concerne le frein arrière. Si ça avait été le gauche, ça aurait été beaucoup plus embêtant pour le frein avant. Sinon à l’épaule, j’ai un gros cal osseux qui limite grandement mes mouvements. Je ne peux plus me mettre en position aéro sur le vélo et être fléchi à 90° sur les cocottes.
Quand as-tu réenfourché le vélo ?
J’ai commencé le home trainer fin décembre. Fin février, j’ai recommencé les sorties en extérieur. Je roulais 7-8 heures par semaine jusqu’à un nouvel accident mi-avril…. Je remontais une file de voitures embouteillées en double file. Un camion bloquait une sortie de boulangerie et a dit à une voiture de passer sans regarder si un vélo ou un scooter remontait. La voiture s’est empressée de sortir et m’a tapé… Heureusement, c’est surtout le vélo qui a été impacté. Mais ça m’a quand même mis un énorme coup au moral, ça faisait beaucoup, je me suis demandé si j’allais reprendre le vélo. Pendant un mois, j’ai totalement coupé. Puis je me suis dit que si je voulais revenir un jour en Elite, il fallait que je roule de nouveau. Après deux-trois petites sorties, je me suis lancé un défi de faire 200 bornes avec Paul Lefaure qui a été impliqué dans le même accident que moi fin août. On a fini dans un drôle d’état (sourire). C’est à ce moment-là qu’on s’est dit qu’on allait courir ensemble avec Paul au Tour du Territoire de Belfort. Depuis, je roule 15 à 20 heures par semaine.
« PAUL CAVALE PAS MAL »
À ce propos, comment va Paul Lefaure ?
Il va plutôt bien. Il a un peu moins de séquelles que moi. Il a encore des raideurs au dos et aux cervicales, mais c’est normal. Il a repris la course à pied et le trail. Son corps s’est bien remusclé. Il a participé au Trail des Forts où il a fini dans le Top 20, il cavale pas mal (sourire). Il aurait bien aimé participer avec moi au Tour du Territoire de Belfort mais ça n’a pas pu se faire avec son club de Jura Cyclisme. L’an passé, il avait une licence à l’AC Bisontine, mais il avait préféré ne pas reprendre finalement. D’ailleurs, ça devait être sa cinquième sortie de l’année quand on a eu l’accident, il n’a vraiment pas eu de chance….
As-tu un peu d’appréhension quand tu roules ?
Le cerveau est assez bien fait, tout s’est effacé de ma mémoire, je n’ai pas de visions. En revanche, depuis mon deuxième accident en avril, c’est devenu plus compliqué en ville, j’ai plus d’appréhension en milieu urbain et je prends beaucoup plus mon temps.
« COURIR LA DERNIÈRE ÉLITE DE LA SAISON ET ÊTRE DE RETOUR À 100 % EN 2025 »
Quelle est la suite de ton programme ?
En août, je vais encore courir deux Open 2 à Rochefort-sur-Nenon et la montée du Ballon d’Alsace. En septembre, je rebasculerai sur une licence en Open 1. Mon objectif est de courir la dernière Élite de la saison, Paris-Chalette-Vierzon ou Paris-Connerré.
Avant de repasser par la case hôpital….
Je vais me faire réopérer en octobre. Ils vont essayer de me raboter l’épaule pour retrouver plus d’amplitude. Il y a aussi tous les clous à enlever dans le fémur, le poignet, l’humérus et les plaques dans la mâchoire. J’aurai aussi peut-être une chirurgie pour reconnecter ma main à un autre nerf que le nerf radial afin de retrouver de l’extension au niveau du poignet. Ensuite, je marcherai trois semaines avec des béquilles. J’aurai peut-être un peu de retard dans ma préparation hivernale mais mon but est d’être de retour à 100 % en 2025 et ce dès les Boucles du Haut-Var.
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