Yaël Joalland : « Une nouvelle vie commence »

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

C’est “un miracle”, et le mot n’est certainement pas galvaudé. Il vient d’ailleurs de la bouche des différents représentants du corps médical. Victime d’une terrible chute lors du GP d’ouverture La Marseillaise, en tout début de saison, Yaël Joalland aurait pu ne jamais remonter sur un vélo de sa vie. Peut-être même aurait-il pu ne jamais remarcher. Ou pire encore, perdre la vie dans cette descente des Crêtes, le 28 janvier, lorsqu’il a percuté un mur de pleine face. “J’ai eu une dizaine de fractures au visage, les sinus, la cloison nasale, la mâchoire… On m’a posé des plaques et des vis au menton. Quatre vertèbres ont été touchées également, dont une qui était éclatée et qui n’est, à l’heure actuelle, toujours pas stable”, racontait-il à DirectVelo quelques semaines après l’accident (lire ici), en ayant encore du mal à ouvrir la bouche correctement et donc à s’exprimer.

Depuis, la situation a évolué doucement. Mais sûrement. “Je peux commencer à manger des aliments tendres”, nous expliquait l’athlète de 23 ans au mois de mars, près de deux mois (!) après l’accident. Longtemps, il a eu la crainte de devoir passer une nouvelle fois par la case opération avec des risques importants de complication. “Il n’y a pas encore de début de consolidation pour mon dos. Les médecins préfèrent éviter l’opération car il faudrait passer par le côté et casser deux côtes et il y a des chances de perforer les poumons ou d’abîmer la moelle épinière”. Cette fameuse opération n’a finalement jamais eu lieu. “Elle aurait entraîné à coup sûr des séquelles. Les médecins ont préféré laisser le temps faire son travail”, nous précisait-il début juillet. Depuis, malgré les douleurs et un corps qui n’est pas encore remis à 100%, le sociétaire du CIC U Nantes Atlantique a fini par remonter sur son home trainer, puis à reprendre l’entraînement. Jusqu’à faire le choix, avec son équipe, de se tester en compétition, le 8 septembre prochain, lors du Grand Prix de Fourmies. Une situation qui semblait franchement impensable à la fin du printemps. DirectVelo fait le point avec un garçon prêt pour un nouveau grand départ. Entretien.

DirectVelo : Tu vas faire ton retour à la compétition d’ici quelques jours !
Yaël Joalland : Je ne me voyais pas trop reprendre d’ici la fin de saison mais c’est vraiment cool. Il s’est passé tellement de choses depuis le début d’année… C’est une première victoire de pouvoir reprendre la compétition, même si je ne suis pas totalement remis et qu’il va me falloir encore un peu de temps pour retrouver mon meilleur niveau.

Reprenons dans l’ordre : depuis que tu es rentré chez toi, tu as longtemps craint de devoir retourner sur le billard pour une opération très risquée…
Je voulais éviter cette opération. J’ai pris l’avis de différents médecins pour me faire la meilleure idée possible. Ils ont tous préféré éviter d’opérer en misant sur un début de consolidation, qui a mis du temps à venir mais qui est finalement arrivée. Lorsqu’on m’a dit que c’était en train de se remettre tout doucement, que le processus était lancé, ça a été un énorme soulagement. J’ai pu me projeter sur la suite et même remonter sur le home trainer début juin. J’ai enchainé les séances de 30 minutes, puis 45… Tranquillement. Pendant environ un mois. Puis les chirurgiens m’ont donné le feu vert pour retourner sur la route. Et c’était parti !

« J’AI TOUJOURS MAL AU DOS »

Sans douleurs ni craintes ?
Au début, si, c’était très douloureux. J’avais le dos très raide. Après une heure sur le vélo, je commençais à ressentir très fort toutes les petites vibrations de la route. Mais ça a progressé petit à petit grâce au travail de consolidation et à l’appui de mon kiné que je vois cinq à six fois par semaine. Pour ce qui est des craintes, je n’en ai eu aucune en remontant sur le vélo. C’est sûrement car je ne me rappelle pas de l’accident. Je n’ai donc pas de traumatisme ni d’appréhension. Par contre, j’ai dû faire très attention au début car il ne fallait pas retomber et aggraver la situation. J’ai récemment passé un scanner et maintenant, ça devrait aller, à moins de reprendre une aussi grosse chute qu’à La Marseillaise.

Gardes-tu, encore aujourd’hui, des stigmates de la chute ?
Je ne suis pas rétabli à 100% et je ne le serai peut-être jamais. J’en ai eu pour des mois de rééducation, c’était très lourd. J’ai perdu en mobilité au niveau de la mâchoire. Je continue de bafouiller parfois quand je parle et j’ai du mal à manger certaines choses complexes. J’ai toujours mal au dos sur les longues sorties même si mon corps s’habitue et s’habituera de plus en plus. C’est supportable.

Ne reprends-tu pas la compétition trop tôt ? Pourquoi ne pas attendre 2025 ?
Je suis récemment monté à Nantes faire des tests à l’effort. J’en ai profité pour revoir les médecins de l’équipe et le staff que je n’avais pas vu depuis le début d’année. On a vu que c’était OK au niveau du cœur et de tout le reste. Ce sera l’occasion pour l’équipe de me tester en compétition. Ce sera un indicatif pour se projeter à plus long terme et repartir sur de bonnes charges de travail cet hiver, en vue de la saison prochaine.   

« JE M’EN SERAIS BIEN PASSÉ MAIS IL FAUDRA FAIRE AVEC »

Tout cela est donc pratiquement derrière toi !
Pas tout à fait car je vais devoir être opéré une nouvelle fois en novembre. L’opération à Marseille s’est mal passée et certaines vis et broches n’ont pas été mises correctement. Il y a des conséquences, malheureusement. Je perds parfois la sensibilité au niveau des côtes et j’ai des petits fourmillements. Le plus problématique, c’est que ça me fait parfois comme des petits coups d’aiguille dans le corps car ça touche les nerfs. Je vais donc retourner sur la table en novembre pour me faire enlever ce matériel. Je m’en serais bien passé mais il faudra faire avec.

Dans quel état d’esprit es-tu au moment de retrouver les pelotons, toi qui t’es accroché à ce rêve-là depuis la fin janvier ?
C’est une belle victoire. Il y a beaucoup d’excitation de voir ce que ça va donner. J’ai conscience de la chance que j’ai, même si je ne suis pas rétabli à 100%. Tous les chirurgiens m’ont dit que j'étais un miraculé. Je pense à toutes les personnes qui ont été à mes côtés durant tous ces moments difficiles, en premier lieu ma copine qui a été formidable et mes parents, l’ensemble de ma famille… Dans le monde du vélo, je tiens à nommer Pascal Chanteur et l’UNCP (l’Union Nationale des Cyclistes Professionnels, NDLR). Dans des moments aussi pénibles, le soutien est important. Il aide à avancer, à se projeter, à se battre. Or, Pascal Chanteur a eu un rôle important pour moi et pour mes proches. Il a appelé ma copine deux-trois jours après l’accident puis il ne nous a jamais lâchés. Il m’a encouragé dans ma rééducation, il a aidé ma copine à remplir des papiers, il a même débloqué des fonds pour que je puisse avoir accès à un fauteuil médicalisé chez moi, ce qui m’a évité de rester au lit éternellement. Il a toujours pris de mes nouvelles. Je lui dis un grand merci. Mentalement, ces épreuves m’ont rendu plus fort. Je relativise beaucoup de choses désormais. Ma vie, celle des autres… Une nouvelle vie commence, clairement. Et cette vie-là ne sera jamais plus comme avant. 

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