Xavier Jan : « Il faut passer du constat à la force de propositions »
À l'occasion de l'Assemblée Générale de la Ligue Nationale de Cyclisme (LNC), Xavier Jan a évoqué plusieurs dossiers chauds au sein de l'institution dont il a fraîchement été réelu à la présidence. Dans un contexte où la LNC et la FFC se retrouvent devant le Conseil d'Etat dans le cadre du nouveau statut de Conti fédérale, et où le cyclisme à l'échelon national peine à exister face au WorldTour, Xavier Jan a évoqué avec DirectVelo les axes de travail à venir et ce bras de fer politique avec la Fédération, mais se veut optimiste quant à un travail en collaboration.
DirectVelo : Que retiens-tu de ce premier mandat à la tête de la Ligue ?
Xavier Jan : Je retiens la capacité de l'ensemble des familles à travailler ensemble. On a mis en place un certain nombre de réformes pour essayer de structurer l'institution pour anticiper le cyclisme de demain, prendre en considération les contraintes. Il y a des travaux majeurs qui ont été mis en place, comme l'accès au statut pro des Continentales pour conserver ces règles. Ça a traduit les capacités, y compris de la Fédération, de s'inscrire dans un travail collectif pour l'intérêt de tous en prenant en considération chacun. Ce dossier est révélateur de ce qu'il y a de mieux dans la Ligue, cette richesse unique au monde, à savoir se mettre ensemble autour de la table et travailler ensemble.
Tu as beaucoup insisté là-dessus dans ton discours de fin, pour que le vélo s'en sorte et soit encore plus important, en étant tous ensemble...
Ce n'est pas toujours simple, mais je veux adresser un message pour rappeler nos valeurs, nos compétences, mais aussi notre obligation de travailler ensemble avec la Fédération, et se projeter. Il faut qu'on élargisse cette réflexion. On voit l'UCI dans son rôle de mondialisation. Pour autant on voit un déplacement vers des pays où la pratique n'est pas au rendez-vous, le public non plus. J'ai envie de dire qu'il faut essayer d'inverser le phénomène. Essayons d'encourager des investisseurs de ces pays à venir chez nous, au sein de nos équipes et nos organisations. On fait des constats mais il faut passer à l'étape d'après. Il ne s'agit pas d'aller déclarer la guerre, il s'agit d'être force de propositions. Mais ce qu'on vit en France, c'est ce qu'ont déjà vécu nos voisins comme l'Espagne et l'Italie, mais avec une plus grande ampleur. Il s'agit de travailler avec l'UCI. Les réflexions sont en cours, elles émergent entre les fédérations. J'insiste, il faut passer du constat à la force de propositions.
« ON NE PEUT PAS LEUR DEMANDER N'IMPORTE QUOI »
On est toujours le pays qui organise le plus de courses. Mais il y a un peu moins de jours de course...
Il y a une partie dûe aux JO à cause des contraintes financières. Mais aussi des contraintes de mise à disposition des forces de police et gendarmerie. Ils devaient prendre du repos et l'équation était dure à résoudre. Il y a aussi des difficultés financières propres à certains organisateurs qui considéraient que l'année serait difficile à passer. Pour autant il faut rester mesuré dans cette diminution de 8%. Il y a des facteurs d'explication, et il y a déjà un calendrier fourni. La réflexion sur le statut pro des épreuves vise comme pour les équipes à mettre un numerus clausus. On doit être en capacité de prendre en considération les contraintes des groupes sportifs, notamment WorldTour, on ne peut pas leur demander n'importe quoi.
L'arrivée d'une nouvelle équipe comme celle de Bas Tietema apporte quoi à la Ligue, sachant que c'est une équipe très axée sur la communication...
Ça a été une très grande surprise puisqu'ils nous ont contactés très tardivement, puisqu'ils avaient une clause de confidentialité par rapport au rachat d'Unibet de la FDJ. J'ai cru à une blague car j'ai reçu un message à 23h30 pour demander la procédure. Maintenant, c'est surement une bonne nouvelle pour nos organisateurs, ça fait une équipe de bon niveau en plus. Ils viennent enrichir nos plateaux donc on peut s'en réjouir, ils sont les bienvenus. Ils ont une bonne réputation, à la fois sportive et administrative.
« LE MESSAGE A ÉTÉ RAPPELÉ DE CONSERVER NOTRE PÉRIMÈTRE »
Où en sont les liens avec la Fédération ? On parle d'unité mais il y a un recours au Conseil d'Etat...
On nous a emmenés dans un chemin, et on avait fixé une ligne rouge. Pour autant, même si ça a refroidi nos rapports, ça reste très respectueux. J'ai beaucoup de respect pour le président, quel qu'il soit. Le message a été rappelé ce matin, à savoir notre volonté de conserver notre périmètre. Mais j'ai aussi envoyé un message pour travailler en collaboration. J'espère qu'elle s'exprimera en 2025 avec les élections qui arrivent.
Quand sera prise la décision du Conseil d'Etat ?
Nous n'avons pas de date, donc je ne sais pas.
« ARRÊTER DE FORMATER CES JEUNES QUI SONT ÉTOUFFÉS »
Tu avais évoqué dans un PV du Bureau exécutif de la FFC la santé mentale des coureurs...
C'est un sujet sur lequel j'alerte régulièrement. J'ai remercié le CIO, il y a eu une table ronde sur le sujet avec des chiffres éloquents. Ces chiffres étaient destinés aux cyclistes professionnels mais ils concernent aussi les autres sports. Il y a 27% des coureurs qui sont dans un état pseudo dépressif, c'est particulièrement inquiétant. Il faut prendre ça en considération, des travaux sont entamés avec le médecin fédéral, on s'y penche depuis un moment. Aujourd'hui, on empile des contraintes, certaines sont nécessaires. Mais on n'en retire jamais. On en parlait ce matin par rapport à l'entrainement, mais il y en a d'autres. La géolocalisation, les réseaux sociaux... On va rajouter une dimension avec les cartons jaunes, même si je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire. Mais on va remettre une couche, sans en enlever. À un moment, dans le logiciel, on doit considérer que si on en rajoute une, où est-ce qu'on en enlève une. Pour arrêter de formater ces jeunes qui sont étouffés. Et ils n'en ont pas conscience, on ne laisse plus les personnalités s'exprimer.
Quant à la sécurité, quelle est la position de la Ligue ?
J'ai souhaité que la Ligue s'empare du sujet avec tous les acteurs, pour réfléchir de notre côté mais pas en confrontation avec Safer, de l'UCI. Nous avons mis en place une réunion mensuelle avec les organisateurs des épreuves du mois à venir pour faire un point sur la sécurité, et échanger pour évaluer les conditions. Ce n'est pas pour faire le gendarme, c'est un accompagnement. Un groupe de travail s'est mis en place pour mettre un calendrier en place, des objectifs, des méthodes, un séminaire sécurité en toute humilité, sans confrontation mais pour augmenter cette sécurité qui est un sujet capital aujourd'hui.