Alexys Brunel : « Le plus heureux du monde »

Crédit photo Nicolas Gachet - DirectVelo
Alexys Brunel a frappé fort d’entrée de jeu. De retour dans les pelotons professionnels 19 mois après avoir rompu son contrat avec UAE Team Emirates, le Nordiste de 26 ans s’est distingué dès sa première course de l’année, la Classica Camp de Morvedre, une épreuve de Classe 2 qui lançait ce vendredi la saison européenne.
Très rapidement sorti en compagnie de Nils Aebersold (Lidl-Trek Future Racing), Jo Brookes (AVC Aix Provence Dole) et Morne Van Niekerk (St-Michel-Preference Home-Auber 93), il s’est ensuite offert un numéro en solitaire, comme il aime tant en partant dans la première des deux montées de l’Alto del Garbi, la principale difficulté du jour. Il restait alors plus de 50 kilomètres. Parfaitement posé sur sa machine, le spécialiste du chrono a tenu tête au peloton jusqu’à 23 bornes du but, soit quatre kilomètres du sommet de la seconde ascension de l’Alto del Garbi.
Loin d’être à bout de force, le coureur de TotalEnergies s’est finalement extrait du principal groupe pour aller chercher une belle 4e place (voir classement). Élu sans surprise plus combatif de l’épreuve espagnole, il est revenu sur sa belle journée au micro de DirectVelo juste avant de profiter de la cérémonie protocolaire.
DirectVelo : Quel retour !
Alexys Brunel : Je suis vraiment content de la journée. J’aurais préféré un podium voire gagner bien sûr mais je crois que je n’ai pas assez cru en moi. C’est mon retour, je ne savais pas ce que ça allait donner. Le vent a joué un rôle important. Je me suis vite retrouvé tout seul dès la première des deux montées. Dans la descente, j’ai vu que j’avais bien progressé techniquement. Franchement, merci le gravel (rires). Je pense qu’on serait allé au bout si j’avais été accompagné d’un ou deux coureurs.
Tu arrives même à ressortir dans le final…
Comme je l’ai dit, je pense que je n'ai pas assez cru en moi. J’ai demandé à "Alex" Delettre comment il se sentait, moi je n’arrivais pas à me jauger par rapport aux autres. C’est aussi le cas à l’entraînement, j’ai perdu l’ensemble de mes repères. Finalement, j’ai voulu rouler pour Alexandre mais j’y suis allé hyper fort et je suis ressorti sans le vouloir. J’aurais dû plus croire en moi. Mais c’est déjà bien pour mon retour, je suis content. J’ai envie de dire “Brutus (son surnom) 1, les haters 0” (rires).
Est-ce qu’il était prévu que tu t'échappes d’entrée ?
Non, on s’était dit qu’on devait tous être actifs dès le début de la course. Rayan (Boulahoite), notre plus jeune coureur, a mis la première attaque. J’ai mis la deuxième quand on a repris son groupe. J’en ai mis une belle, ça n’a pas mis longtemps à sortir et j’ai ensuite essayé d’organiser le groupe. Dommage, on n’était que quatre. On a eu jusqu’à presque huit minutes d’avance. Le mec de Trek (Nils Aebersold, NDLR) a voulu mettre en route dans la bosse, mais il a tout mis là et s’est écrasé. J’ai lissé mon effort et je l’ai repris. J’ai essayé d’être ensuite le plus aéro possible. Mais avec le vent de côté ou de face, c’était impossible. Cependant, je vois que je suis là, c’est important.
Espérais-tu un tel retour ?
Je me suis bien entraîné. J’ai fait une saison complète en triathlon longue distance, avec la course à pied, ma VO2 max a beaucoup évolué. L’année dernière, en gravel, j’ai fait de très longues courses où ça roule tempo toute la journée. Avec mon entraîneur Paul Sauvage, on avait bien travaillé. Et là je bosse de la même façon avec les entraîneurs de l’équipe et ça me plaît. Je travaille bien, je suis plus léger qu’avant et j’ai plus de watts. Maintenant, il faut remettre tout en place, il y a un rythme à reprendre car c’est quand même différent du gravel.
« J'ÉTAIS PEUT-ÊTRE EN TRAIN DE RATER QUELQUE CHOSE »
Ça t'avait manqué ?
Carrément. Aujourd’hui, j’étais content d’être à l’avant. C’était peut-être dommage comme j’étais bien, j’aurais pu faire mieux en restant dans le peloton. Avec le vent, on a mis beaucoup de watts en l’air. Mais comme on avait dit au briefing avec l’équipe, c’était une journée où il fallait se faire plaisir et ça a été le cas. Je suis juste heureux d’être dans cette équipe.
Qu’est-ce qui t’a poussé à revenir sur la route ?
Après une course de gravel où j’ai vu que les watts se rapprochaient de ceux de chez UAE, j’ai appelé en août dernier mon agent Clément Gourdin. Il m’a dit qu’il espérait avoir cette conversation un jour. On s’est dit que j’étais peut-être en train de rater quelque chose dans ma vie. J’avais les capacités de revenir alors pourquoi pas essayer. Ça a fonctionné, et si ça n’avait pas été le cas, ça n’aurait pas été grave. Mais aujourd’hui, je suis le plus heureux du monde. Je suis content d’avoir pris cette décision.
Aujourd’hui, quelle est ton approche du vélo ?
Je me mets moins de pression, je profite plus. Avant, je ne m’apercevais pas de la chance que c’était de faire ce métier. Ça m'a vite manqué. C’est ma passion. M’entraîner et courir, c’est ce que j’aime dans la vie. Je suis vite revenu. Quand j’ai arrêté, les gens n’ont pas compris que c’était une dépression mais pas à cause du vélo. Le vélo, c’était toute ma vie. C’était la vie d’à côté où ça n’allait pas du tout. Je n’arrivais plus à concilier les deux. La santé mentale est importante, je reste un humain. J’étais le plus triste du monde à devoir arrêter. Les gens n’ont pas compris, ils n’étaient pas dans ma situation. J’ai lu des messages de gens qui disaient que chacun rêvait d’être pro mais entre être cyclo et rouler quand tu veux, et le faire tous les jours parce que c’est ton métier, c’est vraiment deux mondes différents. Les gens oublient vite que c’est un métier, et aujourd’hui je suis très heureux de le faire.
Qu’est-ce que serait une saison réussie ?
Je n’arrive pas trop à savoir. J’ai envie d’être performant, évidemment lever les bras comme chaque coureur souhaite le faire, de donner le meilleur de moi-même et tout donner pour l’équipe. J’ai envie de continuer d’être heureux. Je fais attention par exemple à la nutrition mais sans me priver. Et comme je m’enlève toute pression, ça marche tout seul.
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