La Grande Interview : Dylan Kowalski

Quand on lui demande s'il est un "vrai coureur nordiste", Dylan Kowalski n'a pas un millième d'hésitation : "Je valide !" Cet exilé normand, membre du VC Rouen 76, sera cet été stagiaire chez Cofidis, l'équipe professionnelle qui a établi son quartier général dans sa région. Sans surprise, il en pince pour Paris-Roubaix, qu'il a découvert chez les Juniors et où il a joué de malchance cette année. Un vrai coureur nordiste s'exprime parfois "comme un Belge", dit-il. Dylan Kowalski, 20 ans, revendique sa culture des bordures ou de la pluie et, au-delà, son goût de l'effort sans chichi : "Je suis un flahute." Pas vantard pour un sou mais fier de son style « généreux » en compétition. A son retour des Championnats d'Europe, à Nyon (Suisse), où il a disputé le contre-la-montre et la course en ligne, DirectVelo.com s'est entretenu avec un "vrai coureur nordiste."
 
DirectVelo.com : Tu fais partie de ces cyclistes amateurs très populaires sur les réseaux sociaux, comme on le voit à chaque publication d'une photo ou info te concernant. Tu possèdes donc un grand fan club ?
Dylan Kowalski : Non, non. Disons que beaucoup de gens m'aiment bien parce que je ne suis pas méchant et je reste ouvert aux gens. Ils m'interpellent souvent, quand je suis dans le Nord ou en Belgique.
 
En Belgique ?
C'est de l'autre côté de la frontière que j'ai fait les trois quarts de mon calendrier de courses chez les Juniors. Ça me manque de ne plus y aller ! Certains disent que les routes sont mal en point là-bas mais, au contraire, je les trouve magnifiques. Sur la ligne de départ, j'avais parfois des frissons, la tête pleine d'envie de faire quelque chose. Surtout quand il y avait une course professionnelle qui se déroulait après la nôtre. Je me rappelle des grosses classiques : le Tour des Flandres, Kuurne-Bruxelles-Kuurne, Gand-Wevelgem, Gand-Menin... La Belgique est un pays fantastique !
 
« JE SUIS ENCORE TROP GENTIL »
 
Qu'est-ce que la Belgique t'a appris ?
A faire du vélo, tout simplement ! Les Belges roulent tout le temps à fond. Sur une épreuve de 130 kilomètres, ils se livrent pendant 130 kilomètres, sans se poser de question. A force de les observer, j'ai appris à frotter, à être guerrier, à être méchant !
 
Donc, tu es gentil avec les gens mais méchant sur le vélo ?
Hélas, je suis encore trop gentil en course. Je n'ai pas encore le truc pour rester dans les roues, je suis trop généreux dans l'effort. Je cours comme un Belge... Bon, en France on se regarde trop pédaler et ça donne des courses nulles à la fin.
 
Quelles courses as-tu trouvées intéressantes cette saison ?
Il y en a plein, heureusement ! En particulier celles que j'ai gagnées (sourires). La première, c'était le Prix Souvenir André-Gislard (le 13 avril, NDLR). Puis il y a eu le Tour de la Manche où j'ai eu une superbe équipe autour de moi. On a bien rigolé, on a pris du plaisir... Comme sur les Championnats d'Europe, d'ailleurs. J'ai commis une erreur tactique à Nyon, en attaquant tout seul. Puis je me suis mis au service du collectif, pour emmener Thomas (Boudat). Ce Championnat reste un beau souvenir. De même que Paris-Roubaix Espoirs, début juin. J'ai eu de la malchance du début à la fin, mais cette course, c'est la plus belle...
 
« IL FAUT DEBRANCHER LE CERVEAU »
 
Avec tes 63 kilos pour 1,79 mètre, as-tu le bon gabarit pour dompter les épreuves flandriennes ?
Dans la catégorie Espoirs, j'ai ma chance sur ce type de terrain. Je suis rouleur, puncheur et attaquant, à l'aise dans les bordures et quand ça roule vite. En un bon, je suis flahute ! Mais j'ai bien conscience de ne pas encore être formé à 100%. Si je veux rester au contact des meilleurs sur les courses pavées à l'avenir, il faut que j'acquière un peu de puissance dans le haut du corps. 
 
Il faut aussi un mental à pavés !
Je sais m'exprimer sur un Paris-Roubaix, parce que je ne me dis jamais qu'un secteur est plus pourri qu'un autre. Il faut débrancher le cerveau...
 
Tu appuies souvent sur le bouton off ?
Sur le type d'épreuves que j'aime, j'évite de trop réfléchir. Quand tu emmènes un sprint, quand tu essaies de te placer, tu débranches le cerveau. Pareil pour les contre-la-montres, surtout sur des courtes distances. Je passe tous les virages comme un fou-fou, pour gagner chaque seconde possible. A l'arrivée, le directeur sportif me dit qu'il a eu peur que je tombe. Sur le prologue du Tour de la Manche, j'ai oublié les freins, comme si on avait coupé les câbles. Mais j'ai gagné. On finit toujours par rigoler des risques que je prends ! Cette année, j'ai chuté une fois, sur le Tour du Piémont Vosgien. J'allais un peu trop vite dans un virage...
 
« STAGIAIRE CHEZ COFIDIS, UN HONNEUR POUR UN NORDISTE »
 
Tu aurais pu courir pour une équipe belge ?
Oui. Pour 2013, j'avais une proposition d'EFC-Quick Step. Mais aussi du CC Nogent-sur-Oise et de l'Armée de Terre, ou encore de l'ESEG Douai qui est basé dans ma région. Finalement, j'ai choisi le VC Rouen 76. Mon frère (Rudy, 24 ans, aujourd'hui professionnel au Team Roubaix-Lille Métropole, NDLR) y a couru avant moi et m'en a dit du bien. Jean-Philippe (Yon), mon directeur sportif, m'a accordé sa confiance depuis le début, même lorsque j'ai eu une tendinite qui a gâché ma saison en 2013. Il m'a proposé de prolonger en 2014. Du coup, si je devais rester chez les amateurs en 2015, je pense rester fidèle au club.
 
Quel sens donnes-tu au stage que tu feras cet été avec les professionnels de Cofidis ?
Ce sera un test pour jauger mon niveau par-rapport à celui des professionnels. Je vais me lancer dans le grand bain ! Après ce stage, je vais tout faire pour progresser grâce à ce que j'aurai appris. Jean-Philippe m'a beaucoup aidé à obtenir ce contrat et je l'en remercie énormément. Je sais déjà que Cofidis sera une expérience top ! Je ne connais pas encore mon programme exact. Certainement que je vais courir le Tour du Poitou-Charentes. Dans tous les cas, c'est un honneur de courir pour une équipe nordiste quand on est soi-même nordiste ! Et naturellement, j'espère qu'il y aura un contrat professionnel au bout, pour 2015.
 
« LE DEUXIEME PRO DE LA FAMILLE »
 
Partager tes entraînements avec ton grand-frère Rudy, ça augmente ton envie ?
Oui, très clairement. Je roule souvent avec Rudy à l'entraînement. En course, on ne se croise pas beaucoup et, d'ailleurs, chacun reste avec son équipe et sous son maillot. Mais je voudrais bien devenir le deuxième coureur pro de la famille !
 
C'est son parcours qui a suscité ta vocation de cycliste ?
Chez nous, tout le monde fait du vélo, ou presque. Mon père (Jérôme) a été coureur amateur et il travaille désormais comme mécanicien chez les pros (au Team Roubaix Lille Métropole, NDLR). Mon grand frère Rudy faisait du foot, puis il s'est mis au vélo. A un moment donné, il est revenu au foot, et enfin il est retourné au cyclisme. Moi, je jouais au foot, jusqu'à ce qu'à l'âge de 15 ans, j'aie envie de de rejoindre mon frère dans les pelotons. 
 
Par choix personnel ?
Oui, personne ne m'a contraint à changer de sport. D'ailleurs, si mes autres frères sont aussi cyclistes (Tony et Dany ont respectivement 17 et 18 ans, NDLR), le dernier de la famille, Eddy, préfère la moto. Il nous accompagne parfois sur les courses, et nous on respecte son choix de ne pas être cycliste.
 
« MA GRAND-MERE ME CONNAIT PAR COEUR »
 
Et toi, tu encourages tes petits frères sur le bord des routes ?
Parfois, mais il faut avoir le temps. Tony court en UFOLEP et travaille à côté. Dany a pas mal de résultats en ce moment. Il sort de l'Ain'Ternational Valromey Tour, où il a abandonné. C'est la preuve qu'on n'a pas franchement de grimpeur dans la famille ! (rires)
 
A la maison, les conversations tournent autour du cyclisme ?
Depuis deux ans, je ne vis plus à la maison mais chez ma grand-mère, à Petite-Forêt. Tout a changé il y a deux ans et demi, quand j'ai arrêté mes études. Mon grand-père était malade, alors je me suis installé chez lui. Je l'ai aidé, ainsi que ma grand-mère. Après son décès, j'ai aidé ma grand-mère à avancer. Et elle, elle m'aide aussi.
 
Ta grand-mère, c'est le secret de ta réussite ?
Oui. Elle me fait à manger, moi je lui fais le ménage. Elle me connaît par cœur. Elle sait ce qui est bon pour moi. Parfois, j'ai l'impression que c'est moi qui fais son travail et elle qui est sur le vélo !

Crédit Photo : Camille Nicol
 

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