D. Arnaud : « Le Tour de France, c'est grâce aux clubs DN »

Dominique Arnaud, 19 grands tours au compteur (dont trois Tours de France victorieux, comme coéquipier de Hinault, Delgado et Indurain), a apprécié l'édition 2014 de la Grande Boucle. Et pas seulement la prestation de ses deux ex-coureurs, Mickaël Delage et Matthieu Ladagnous. Le manager de l'Entente Sud Gascogne explique à DirectVelo.com que l'ascension des jeunes Français apporte de la "crédibilité" à l'ensemble des clubs de Division nationale (DN). Mais il réclame plus de moyens pour un système de formation qui, selon lui, "a fait ses preuves".
 
DirectVelo : Que t'inspirent les performances de la jeune génération française sur le Tour de France ?
Dominique Arnaud : Ce Tour confirme que les jeunes coureurs français sont très mâtures et très professionnels. Au-delà des performances de Thibaut Pinot et de Romain Bardet, je retiens par exemple la rapidité d'adaptation d'un Bryan Coquard, qui est maintenant omniprésent dans les sprints à haut niveau : je suis frappé par son ressort, par son énergie dans la dernière ligne droite ! De plus, ce Tour confirme que les coureurs français sont sains dans un cyclisme sain.
 
Pendant les retransmissions, France Télévisions a cité le CC Etupes comme club formateur de Thibaut Pinot, voire le CR4C Roanne et Chambéry CF comme creusets pour Romain Bardet. Ce Tour de France peut-il apporter de la reconnaissance aux clubs de Division nationale ?
Je l'espère. La performance des jeunes talents sur le Tour a été rendue possible par le travail des clubs DN ! Le système des divisions nationales permet aux meilleurs coureurs venus de la France entière de se mesurer les uns aux autres chaque week-end. Autrefois, ces confrontations étaient plus rares. Aussi, les clubs qui ont « fabriqué » les champions du Tour de France 2014 peuvent être très fiers. Mais les autres aussi, parce qu'ils ont formé leurs adversaires chez les amateurs. L'ensemble des clubs a crée un contexte de haut niveau qui a fait émerger ces champions. J'associe les organisateurs à la réussite de ce système, parce qu'ils se battent comme nous et dans la même direction que nous – sauf certains qui préfèrent engager sur des épreuves de classe 2 UCI des équipes Continentales étrangères plutôt que des clubs DN français. 
 
Qu'est-ce que le bon Tour des jeunes Français peut apporter de concret aux clubs DN ?
De la crédibilité, mais ce ne sera pas suffisant. J'espère que les partenaires privés vont contribuer à l'éclosion des champions. De façon générale, les clubs manquent cruellement de soutien.
 
Qui doit aider les clubs ? Les équipes professionnelles ?
Oui, en premier lieu. Nous devons mettre en place un système d'indemnités de formation. En foot, la recette marche. Chaque fois que Jonathan Martins Pereira marque pour Guigamp, le club de Tarnos - où il a débuté - gagne un peu d'argent. On nous rétorque [la FFC et la Ligue, selon plusieurs courriers que DirectVelo a pu consulter, NDLR] que la mesure doit être validée par l'UCI. C'est une façon de botter en touche. Et si la France commençait ? Vu le succès du Tour de France, on pourrait donner l'exemple, non ?
 
« INQUIET POUR LA PERENNITE DES CLUBS » 
 
Tu attends aussi de l'aide de la part de la Fédération française de cyclisme ?
Dans un premier lieu, j'attends qu'elle ne nous mette pas de bâtons dans les roues. Le principe de contrôle de gestion des clubs est positif... même s'il doit à la fois rester humain et sans passe-droits. Mais le cahier des charges des clubs DN est parfois trop rigide. Ainsi, pourquoi l’entraîneur doit-il être obligatoirement salarié et non bénévole ? Les exigences de la FFC à l'égard des clubs correspond bien mal à leur situation économique. Par ailleurs, je suis très préoccupé par le sort que la FFC réserve aux clubs de DN dans son schéma de développement.
 
Qu'est-ce qui t'inquiète dans les projets de la Fédération ?
Il semble que la FFC veuille déplacer le centre de gravité de la formation vers des Pôles régionaux. Mais qui va alors payer pour les coureurs ? Les meilleurs iront dans les régions les plus riches... Dans le même temps, l'UCI souhaite que chaque équipe WorldTour dispose d'une équipe Continentale. Si la France doit labelliser une demi-douzaine de Continentales pour répondre à la demande, elle va certainement s'appuyer sur des DN existantes. Quel sera l'avenir des autres clubs DN, entre d'une part ces Continentales et les Pôles régionaux ?
 
Tu souhaites également plus de soutien de la part des collectivités publiques ?
Les clubs de DN dépendent des subventions publiques, qui couvrent parfois 90% de leur budget. La réduction de la dépense publique et le regroupement des régions font peser une véritable menace. Je suis inquiet pour la pérennité des clubs. L'aide publique est indispensable. Par exemple, l'Entente Sud Gascogne est le club qui reçoit le moins de subventions. Et c'est justement ce qui lui manque pour former une équipe compétitive qui envisagerait la remontée en DN1.
 
Quel futur proche pour ton club ?
En 2015, nous serons toujours en DN2. Mais je veux une équipe combative, qui joue la reconquête du label DN1. Je travaille d'ores et déjà sur ce projet. L'année 2014 a été difficile et j'y étais prêt (lire ici). Notre effectif de 10 coureurs, réduit par les contraintes budgétaires, est actuellement entamé par les blessures des uns et l'arrêt des autres [l'Espagnol Ion Pardo a raccroché le vélo fin juin pour se reconvertir dans la vie active, comme chauffeur de bus, NDLR]. Nous manquons de résultats mais nous essayons de peser sur les courses. Au Tour Nivernais Morvan, nous avions entre un et deux coureurs présents chaque jour dans la principale échappée. Stéphane Lemoine, qui a du mal à trouver le temps de s'entraîner, a offert de nous aider comme mécano au Tour des Deux-Sèvres, et il a fourni un travail remarquablement soigné. Il y a un bel état d'esprit entre nous. Jusqu'au bout, on se battra.

Crédit Photo : Aurélie Tscheiller - Photographies cyclistes
 

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