CLM par équipes : « La montée sera la clef mais... »
Pas moins de 62,8 kilomètres sont au programme du Championnat du Monde du contre-la-montre par équipes Hommes ce dimanche, à Innsbruck. Après 40 kilomètres de plat, les coureurs devront se frotter à une bosse de 4,6 kilomètres, à 5,7% de pente moyenne, dont un passage à 13% : la Côte d'Axams. Cette dernière peut-elle faire la différence, et comment faudra-t-il la gérer ? “L’idéal, c’est de maintenir toute l’équipe ensemble y compris dans l’ascension. Il est évident que pour une formation comme la nôtre, cette montée doit être un avantage et un moyen de faire la différence. Cela dit, je ne crois pas que l’ascension jouera un rôle majeur dans ce contre-la-montre”, estime Andrey Amador auprès de DirectVelo. Le Costaricain ne donne pas une importance capitale à cette ascension, située aux trois-quarts du parcours autrichien. “L’épreuve sera très longue. Sur plus de 60 kilomètres, tu ne vas pas rattraper ton retard sur une seule ascension. Il faudra rouler très vite sur le plat pour espérer l’emporter. Je pense que la moyenne du chrono sera très élevée, même avec cette bosse. Pour moi, ça ne change pas des autres chronos : ça reste pour spécialistes”, ajoute le sociétaire de la Movistar.
« IL FAUT RÉFLÉCHIR À BEAUCOUP DE CHOSES DIFFÉRENTES »
Discours bien différent du côté de Daniel Oss, pour la Bora-Hansgrohe. “Bien sûr que la montée sera la clef !”, lance l’Italien. “Bon, ce n’est pas le seul moment important… Mais ce sera une partie critique. Il faudra trouver le bon équilibre pour faire une grosse première partie, tout en gardant de l’énergie pour monter la bosse à un bon rythme. C’est un titre qui peut se gagner sur la tactique”. De son côté, Alexandre Geniez donne également de l’importance à l’ascension, sans en faire une fixation pour autant. “Je pense que la clef sera surtout le haut de l’ascension. Il faudra bien gérer la partie raide sur le sommet pour pouvoir bien relancer sur le faux-plat descendant après la bosse”.
Plus encore peut-être que sur les autres chronos par équipes, la tactique et la gestion de l’effort pourraient donc être des éléments importantissimes. “Ce sera forcément tactique. Tu es obligé de te demander comment tu vas gérer une distance de 63 kilomètres, si tu prends des risques dans les descentes dès le début, par exemple… Il faut réfléchir à beaucoup de choses différentes et prendre le temps d’élaborer la meilleure tactique possible”, synthétise l’ancien Champion du Monde Michał Kwiatkowski, au pied du bus de la Team Sky.
« L’ASCENSION, TU PEUX PERDRE DEUX MINUTES DEDANS »
Pour le tout nouveau Champion d’Europe, Matteo Trentin, l’état de fatigue dans lequel les coureurs se présenteront au pied de l’ascension sera déterminant pour ensuite gérer la montée. “Les quarante premiers kilomètres vont être super intéressants car c’est propice à rouler extrêmement vite. Mais en même temps, on sera obligé d’en garder un peu car sinon, si tu es déjà au taquet au pied de la côte, tu peux perdre deux minutes dedans”, considère l’athlète de la Mitchelton-Scott. “Dans la pente, une équipe peut exploser, ou inversement faire une grosse différence”, avance l’Italien.
Spécialiste de la discipline, l’Irlandais Ryan Mullen s’attend à souffrir sur les hauteurs d’Axams. Le coureur de la Trek-Segafredo devrait faire partie de ces coureurs sur qui les collectifs compteront surtout dans les quarante premiers kilomètres. “C’est difficile d’anticiper une certaine situation, suivant les jambes de chacun le Jour-J. Après le sommet de la montée, il restera quand même encore de la route jusqu’à l’arrivée, alors il vaut sans doute mieux éviter de se retrouver à quatre en haut. Si quelqu’un n’est vraiment pas bien, le reste du groupe ne pourra pas l’attendre, c’est évident, mais il faut quand même espérer que personne ne soit dans une très mauvaise journée”, explique celui qui tentera de faire attention aux efforts de chacun dans son collectif. “L’important, c’est de bien connaître ses coéquipiers et de savoir où en est chacun au fur et à mesure, par la communication. Si notre quatrième ou cinquième homme est au maximum, il faudra que celui qui emmène dans la bosse ralentisse un peu”.
« ON PEUT POTENTIELLEMENT SACRIFIER UN GARS »
Est-il envisageable de sacrifier un coureur dans la première partie plane, avant que ce dernier ne s’écarte complètement au pied de l’ascension ? “Pourquoi pas… On peut imaginer ce scénario-là”, répond Daniel Oss. “Je ne pense pas que ça serve à grand-chose de sacrifier un coureur sur les quarante premiers kilomètres, même si ça peut aussi dépendre de la configuration des équipes. Si quelqu’un ne passe vraiment pas les bosses, ça peut être envisageable. Mais pour moi, il n’y a pas grand-chose à y gagner”, répond pour sa part Alexandre Geniez. Même son de cloche pour Matteo Trentin : “On peut potentiellement sacrifier un gars dans la première grosse partie, s’il roule très fort et qu’il aura beaucoup de mal à suivre dans la bosse. Mais sinon, je pense qu’il vaut mieux temporiser un peu plutôt que de sacrifier quelqu’un, car ce coureur pourra servir dans le final”.
Les coureurs interrogés sont tous d’accord sur un point : mieux vaut aborder la partie finale avec six coureurs, que quatre ou cinq. Il restera en effet 17 kilomètres entre le sommet d’Axams et la ligne d’arrivée dans le coeur d’Innsbruck. “Les équipes qui passeront au sommet au complet auront un gros avantage pour le final : ils pourront aller beaucoup plus vite”, explique Matteo Trentin. Pour ce faire, un tempo régulier devra être imprimé dans la côte. “Chaque coureur de l’équipe pourrait potentiellement rouler à une allure différente dans l'ascension. L’idée ne sera pas forcément de choisir un coureur en particulier pour faire le tempo, mais de se mettre d’accord avant sur l’allure à adopter”, détaille le vainqueur d’étapes sur les trois Grands Tours. "Il faudra être homogène jusqu’à l’arrivée car les dix kilomètres après la descente seront encore importants. Entre une équipe qui tournera à six et une à cinq, ça jouera forcément dans les derniers kilomètres”, conclut Alexandre Geniez.