Romain Bardet est passé tout près du sacre mondial, ce dimanche à Innsbruck (Autriche). Après une grosse partition des Bleus, l'Auvergnat n'a été devancé au sprint que par le seul Alejandro Valverde, qui décroche le Graal à 38 ans (voir classement). "Il était plus fort que moi au sprint", reconnaît - beau joueur - l'habituel coureur d'AG2R La Mondiale. Le vice-Champion du Monde revient sur son Championnat du Monde pour DirectVelo. 

DirectVelo : Quel sentiment prédomine après cette deuxième place sur le Mondial ? 
Romain Bardet : Il n'y a aucun regret à avoir. Alejandro Valverde était plus fort que moi au sprint. Pourtant, après 260 kilomètres et autant de dénivelé, je savais que tout pouvait arriver. J'avais encore de la force dans les jambes donc j'y croyais vraiment. Mais il est l'un des coureurs les plus rapides du peloton. L'arrivée, sur le plat, lui convenait mieux qu'à moi. Je n'ai pas le sentiment d'avoir fait une erreur dans ce dernier kilomètre... 

Peux-tu nous raconter cette terrible montée de Gramart ?
Je savais qu'il fallait bien gérer son effort. Moi, je me suis mis au turbin plus tôt que prévu parce que je pensais vraiment que Julian (Alaphilippe) pouvait faire la différence au sommet. L'idée, c'était vraiment de le mettre dans les meilleures dispositions. Thibaut (Pinot) a fait un super boulot avant, et Rudy (Molard) avait roulé au pied. On était dans le plan. Moi, je jonglais avec cette limite. Je savais que je pouvais accélérer encore un petit peu.

Mais Julian Alaphilippe a craqué...
Une fois qu'il n'était plus là, ce n'était pas à moi d'insister pour le distancer encore davantage, au contraire. J'essayais de rouler un peu plus à l'économie avant d'attaquer. Mais à ce moment-là, j'ai fait une erreur de développement et j'ai failli tout perdre. Heureusement, ça n'a pas eu de conséquence au final, mais c'est vrai que j'ai eu très peur à ce moment-là. C'est de ma faute. J'étais encore sur le développement à gauche et j'ai voulu passer le grand plateau pour attaquer : c'est clair que ce n'est pas quelque chose qui marche... On ne fait jamais ça, mais quand on a l'acide lactique jusqu'aux oreilles, on prend des décisions un peu... 

Auriez-vous pu courir d'une autre manière dans le final ?
C'est un peu facile de se dire que l'on aurait pu faire autrement, après la course. La déception, c'est simplement d'avoir eu un problème mécanique sur le sommet au moment où je comptais attaquer... Mais ce problème est totalement de ma faute, comme je le disais. J'ai eu très peur de perdre les roues de mes adversaires à ce moment-là.

« J'ETAIS UN PEU PEU PERDU »

Tu as finalement franchi le sommet flanqué d'Alejandro Valverde et de Michaël Woods...
J'étais un peu perdu, pour être honnête. On m'a dit en haut que Dumoulin était à 15 secondes. Il n'y avait aucune moto ni quoi que ce soit d'autre pour avoir des infos. Je ne savais même pas s'il était devant, si nous étions en tête ou pas. Dans ces moments-là, tu es juste concentré sur la roue qui est devant la tienne, et sur ton effort, rien d'autre. C'est compliqué de prendre le temps d'analyser le tout. 

Comment as-tu vécu les derniers kilomètres ?
Alejandro ne me lâchait pas d'une semelle. Je regardais si j'arrivais à jouer un peu avec Woods. On sait que c'est un grand coureur, mais il n'est pas le plus entreprenant dans le final d'une course. C'était un peu compliqué à manoeuvrer. J'espérais juste que ça rentre de l'arrière pour qu'on ait plusieurs options tactiques. Finalement, seul Dumoulin est rentré. 

Il n'y avait pas les oreillettes...
C'est mieux pour tout le monde de courir sans radio. Tu dois courir devant pour voir ce qu'il se passe. Et ça peut être un avantage quand tu veux créer une course de mouvement. C'était une belle course, sans la radio. 

Quel bilan feras-tu de ce Mondial ?
On s'est régalé. Je suis content. Nous nous sommes beaucoup investis sur ce Championnat, mais c'était un vrai plaisir. Il n'y avait aucune contrainte. Je savais que j'allais être au rendez-vous aujourd'hui (dimanche). Je m'étais bien préparé pour ça. Je n'ai jamais été inquiet, les chiffres n'ont jamais été aussi bons à l'entraînement. Je savais où j'allais. J'ai une fraîcheur mentale et une envie de faire du vélo que je n'avais encore jamais eue au 30 septembre. Il y avait une bonne énergie au sein de l'équipe de France. Je savais qu'on pouvait le faire tous ensemble.