On a retrouvé : Benjamin Jasserand
Benjamin Jasserand a tourné la page. Après avoir été l'un des meilleurs Juniors français en 2012, il a passé trois années dans les rangs Espoirs au Chambéry Cyclisme Formation. Fin 2015, il a décidé de raccrocher le vélo pour se consacrer à ses études (lire ici). Près de cinq ans plus tard, DirectVelo a pris de ses nouvelles.
DirectVelo : Que deviens-tu ?
Benjamin Jasserand : Je suis en train de terminer mes études. Je vais faire un stage de six mois pour valider mon cursus. Je partirai le 1er septembre à Neuchâtel (Suisse) pour bosser dans la joaillerie. J'étais à Paris, je suivais des cours à CentraleSupélec. J'avais une spécialisation en supply chain en production (la gestion de la chaîne logistique, NDLR). Je devais terminer les cours le 27 mars. L'école a fermé mi-mars, on n'a donc eu que quinze jours de cours par visio. Les stages ont été plus impactés avec des reports voire des annulations. Par exemple, j'aurais pu commencer en mai-juin mais les manufactures ont fermé en Suisse.
Tu es passé d'une école de commerce à une école d'ingénieur...
Ce sont deux mondes qui s'opposent un peu, mais c'est plus qu'intéressant de voir les deux côtés. Lors de mon école de commerce à Chambéry, j'ai effectué un stage dans l'aéronautique à Genève (Suisse). Mon second stage était dans le secteur naval côté militaire dans le Sud. J'ai fait de la création d'offre industrielle et ça m'a orienté vers ces problématiques de logistique et de supply chain. J'ai pris ma décision de partir là-dessus, ça me plaisait.
« LE VÉLO NE M'A JAMAIS MANQUÉ »
Tu as aussi travaillé un temps dans la communication et la recherche de sponsors pour le Chambéry Cyclisme Formation...
De septembre 2016 à début mai 2017, j'avais un contrat civique au CCF. Loïc Varnet m'avait proposé ce projet pour chercher des nouveaux sponsors et créer des évènements d'entreprise. Quand je n'avais pas cours l'après-midi, j'allais aux locaux du club. Je bossais avec Loïc Varnet et Clément Brossais qui était chargé de communication et qui est un ancien du CCF avec qui j'ai passé une année. J'étais bien dedans, c'était un peu chargé avec mon emploi du temps, mais c'était cool. C'était une manière de rendre la pareille au club pour ce qu'il m'avait apporté.
Est-ce que c'était particulier d'être de l'autre côté de la barrière ?
Non car c'était encore une période où j'étais à 100% dans la région. Je n'avais pas d'a priori, j'étais à ma place. C'est intéressant de voir ce qui se passe de l'autre côté et de voir les problématiques. Il n'y a pas que des problématiques sportives. Il faut faire vivre le centre, il faut ramener des sous pour que ce soit toujours plus attractif. C'était intéressant de se rendre compte de tout l'envers du décors et du travail qu'il y a derrière pour permettre aux coureurs de faire les plus belles courses avec le meilleur encadrement possible.
Le monde du vélo te manque-t-il ?
Le vélo ne m'a jamais manqué. C'est plus l'ambiance avec les copains. Au CCF, ce n'était pas seulement des coéquipiers mais des amis. On déconnait, on rigolait bien... On allait à la guerre ensemble. On a vécu des trucs au top. Perdre cette ambiance de groupe, c'est ça qui était le plus compliqué.
« OBLIGÉ DE LÂCHER UNE PETITE LARME »
Avec le confinement , tu es revenu en Savoie. En as-tu profité pour rouler depuis le déconfinement ?
Je suis allé rouler deux-trois fois avec Aurélien Paret-Peintre, Benoît Cosnefroy, Nans Peters et Clément Chevrier. Pendant qu'eux font des séances de récupération, je fais une séance d'intensité... Je me fais "cogner" dessus mais ça reste du plaisir. On en profite pour boire un café. Je roule également un peu de mon côté pour me maintenir dans un état correct et arriver à parler avec eux lors des sorties. Je n'ai plus vraiment le même régime alimentaire qu'eux, je mange des côtes de boeuf et je bois des bières (Rires).
Est-ce que tu suis de près les performances de Nans Peters, ton "binôme" chez les Juniors ?
C'était le premier Junior français, j'étais 2e. On a pris deux trajectoires totalement différentes. Nans fait partie de mes amis très proches. On avait fait un pari en début d'année dernière. S'il gagnait une étape sur le Giro, je devais lui repeindre son mur. Chose faite. On sait le travail que c'est. Je suis encore le cyclisme parce qu'il fait du vélo ainsi que mes anciens collègues du CCF.
As-tu regardé en direct sa victoire au Giro ?
J'avais eu des messages à 50 kilomètres de l'arrivée comme quoi Nans était dans une grosse échappée. Je regardais de loin le direct. À 20 km de l'arrivée, j'ai mis la vidéo en continu sur mon téléphone. Je me suis dit "tiens, ça vaut peut-être le coup", puis ça n'a pas manqué. Au fur et à mesure des kilomètres, c'était de plus en plus tendu, c'était beau. J'ai été obligé de lâcher une petite larme quand même. Je l'ai eu par message, on s'est appelé plus tard, ça ne servait à rien de le déranger le soir même.
« UNE BANDE DE COPAINS »
Que gardes-tu comme souvenirs de ta carrière cycliste ?
C'était des supers années, de supers souvenirs. On était entre copains. J'ai eu la chance lors de mes années Juniors qu'on marchait plutôt pas mal avec le Chambéry CC. C'était top. Il y avait une super ambiance au sein de l'équipe du CCF. Je retiens le positif. Il y a eu certes des moments difficiles. Le vélo et le sport en général, ce ne sont pas que des bons moments. Avec le sport, on apprend sur nous, sur les autres. Il y a eu des moments compliqués, mais ça restait des bons moments.
La transition Junior-Espoir a-t-elle été dure pour toi ?
Je ne me sentais peut-être pas aussi impliqué que ce que j'aurais pu l'être dans les années Juniors. Ce n'est pas parce qu'on rentre au CCF qu'on est destiné à être pro. C'est ça qui est bien et qui marche dans leur modèle. Il y a cette idée de double projet. Ils nous disent qu'on ne passera pas tous pros, mais on fera tous des études, on aura tous un bagage scolaire. Si ça ne marche pas dans le vélo, on aura de quoi se retourner. On voit que leur modèle marche car il y a six anciens du CCF qui sont dans la présélection pour le Tour de France chez AG2R La Mondiale.
Quand as-tu compris que ce serait impossible de passer professionnel pour toi ?
Lors la première année Espoir, j'ai compris que ce serait impossible. Quand je sortais des Juniors, il y avait cette effervescence. Avec Nans Peters, on avait eu des gros résultats. On gagnait sur des courses internationales. Je ne m'étais jamais vraiment imaginé passer pro. Pour autant, étant donné que j'étais tout le temps là-dedans, je me voyais peut-être être pro. Assez rapidement, je me suis rendu compte que ce n'était pas fait pour moi. Tous les gars qui passaient pro étaient très forts physiquement. Ils avaient des résultats de fou et ils étaient impliqués mentalement comme jamais.
Pourquoi n'as-tu pas tenté une expérience en dehors du Chambéry Cyclisme Formation ?
Lors de mes trois années au CCF, c'était une bande de copains. Je ne me serais pas vu partir ailleurs pour faire du vélo. Le vélo, c'était être avec des copains pour moi. C'est peut-être un peu bête de dire ça mais c'est ce que je pense.