Sylvain Chavanel n’a pas envie de se « mettre en avant »

Crédit photo Amélie Barbotin

Crédit photo Amélie Barbotin

Loin des pavés, des courtes ascensions voire des cols qui ont fait sa renommée et qui lui ont permis de cumuler les succès chez les professionnels - au moins autant que les émotions procurées aux spectateurs sur le bord des routes ou derrière leur écran -, Sylvain Chavanel s’apprête à remettre un dossard, ce dimanche, sur la Vienne Classic (Elite Nationale) (voir la liste des engagés). Dans son département, lui qui est originaire de Châtellerault, et qui défend les couleurs du club de sa ville. Alors qu’il a passé la quarantaine, l’ancien maillot jaune du Tour de France raconte à DirectVelo son retour à la compétition, ses motivations, son état d’esprit mais aussi ses projets pour l’avenir, lui qui est loin d’avoir fait une croix sur le sport.

DirectVelo : Te voilà de retour dans un peloton !
Sylvain Chavanel : Je ne compte pas faire une deuxième carrière (sourire). Mes frangins sont en amateur, moi aussi. Du coup, j'ai une licence. C'est une course dans le département et mes frangins la font, ils voulaient que je la fasse avec eux. Je me suis dit : « allez pourquoi pas, je me lance ». Malgré la condition que je n'ai plus. Mais je m'en fiche un peu. Je ne compte pas « faire » la course, je n'envisage pas de résultat. Après deux ans sans vraiment courir, c'est surtout pour refaire des efforts parce que je fais la Titan Désert au Maroc (course par étapes de VTT, NDLR) depuis deux ans. Je voudrais me sentir mieux pour cette course car je m'éclate dans le désert marocain. J'aimerais bien être meilleur au général. Donc en faisant quelques épreuves amateurs, ça me permet de retrouver un peu de rythme. Mais sans prise de tête, je sais que je vais en chier dimanche parce que ça fait un moment que je n’ai pas couru en peloton. Mais je n'ai pas de prétention bien sûr. Je n'ai pas forcément envie de me mettre en avant, j'ai fait mon temps, j’ai mon histoire dans le vélo. Certains ne se voient pas remettre un dossard, moi ça ne me dérange pas, pour partager des épreuves avec mes frangins. C’est un retour à la base (sourire).  

Comment abordes-tu ce retour en compétition ?
L'année dernière, j'avais fait le prix d'ouverture à Châtellerault en 2e catégorie. Les 1re catégorie ont tous le couteau entre les dents, ils veulent tous passer pros. Donc ça créé un gros niveau amateur. Ça demande de l'entrainement derrière. Donc le plus important, c’est de ne pas me dégoûter du vélo mais de prendre du plaisir. Avec mes sensations, je ne suis pas trop mauvais mais je n'ai plus le niveau, je n'ai plus le poids de forme. J'ai développé le haut du corps car j'ai fait de la natation. J'aimerais me lancer un peu dans le triathlon. En restant actif, le cœur ne s'endort pas trop, et quand on reprendra une vie normale, avec toutes les compétitions, au moins je serai déjà bien.

« ON DÉLAISSE NOS JEUNES »

Il y a donc peu de chances qu’on te voit remuer la course…
Ça va être marrant ! Mais ce n'est plus de mon âge, j'ai 42 ans. Je n'ai pas envie de me casser la gueule donc je ne vais pas aller frotter. Ma vie d'avant, c'est ma vie d'avant. J'ai encore une certaine condition, je vais faire des compétitions. Mais ailleurs. Comme le triathlon ou la Titan Désert. Donc je me dois de pousser un peu les efforts. Je ne suis pas dans le cas de Romain Feillu qui relance à moitié une carrière. Ce n'est pas mon idée. J'ai envie de passer un bon moment avec les frangins et puis ça reste une course dans mon département. Les 2e catégorie pouvaient être invités, on a décidé d’y aller il y a deux semaines. Et ça permet aux frangins de courir… 

Notamment avec la Covid…
Avec le virus, on ne peut pas courir en 2e catégorie. Il faudra m'expliquer la différence entre une course de 1re caté et de 2e, le système est le même, on court en peloton. Il y a des choses difficiles à comprendre. Pourquoi faire plaisir à certains et pas à d'autres. On délaisse nos jeunes, nos Minimes, Cadets, Juniors... Que va-t-on en faire ? Ils n'ont pas de compétitions, qu'est-ce qui va les motiver ? L'entrainement, ça va deux minutes. Ça devient désespérant. Je comprends que ça limite la propagation, mais un peloton de 1re caté ou de 2e caté, c'est la même chose. On est en train de sacrifier une génération. 

« J’AI ENVIE DE VIVRE COMME TOUT LE MONDE »

Que deviens-tu depuis que tu as quitté le monde professionnel ?
Avec ce Covid, on n'arrive pas à se projeter car c'est compliqué pour tout le monde, y compris pour quelqu'un en reconversion. Il y a plein de choses que je n'ai pas envie de faire, donc c'est dur. Ce n'est pas non plus évident de se reconvertir. Je travaille par prestations donc j'en ai à droite/à gauche et ça me suffit largement par rapport à ma vie d'aujourd’hui. Je drive (un terme d’équitation proche du jockey, NDLR) aussi en amateur à mes heures perdues, chez des entraineurs, puis je cours des fois. Je fais quelques résultats, je progresse. J'approche du podium, c’est cool. 

As-tu toujours un lien avec le monde du vélo ?
Je regarde toute l'actu du vélo bien sûr. J'ai été ambassadeur sur le Tour pour ASO. Ils m'ont redemandé donc je vais le refaire, avec des insides sur quelques étapes avec des partenaires. Puis j'ai des prestations sur des séjours cyclistes. J'encadrais des cyclos et des séjours de luxe autour du Mont Ventoux avec une agence parisienne. J'espère que ce sera toujours d'actualité avec le covid. J'avais mis sur pied une course Minimes/Cadets au Futuroscope fin mars, mais on a annulé et reporté en octobre. Donc j'ai des projets quand même ! 

Pourrais-tu retrouver une place de premier plan dans le cyclisme ?
Déjà, dimanche, si la pluie est annoncée, je suis capable de ne pas prendre le départ (rires). Parce que je n'ai plus envie de me faire chier. Pour monter sur le vélo, il faut qu'il fasse beau. Il faut être réaliste. Je ne fais plus le métier au niveau de la bouffe. Mais avec 5-6 kilos de plus que mon poids de forme, ça ne va pas m'empêcher de faire du vélo. Je n'ai rien à prouver, j'ai envie de vivre comme tout le monde. J'aime bien faire différemment de tout le monde (sourire). Je n'ai plus envie de partir tous les quatre matins, comme je le faisais en tant que coureur. J'ai fait 20 ans dans le milieu donc si on ne me voit pas DS ou entraineur, c'est parce que ça ne me motive pas et ne me donne pas envie. Ça demande énormément de déplacements. Je veux les faire en famille maintenant. Mais j'ai quelques prestations, ça ne me dérange pas, tant que ça me motive. Le Tour reste le Tour, je suis recordman des participations donc je le respecte et je fais en sorte que ça plaise. 

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