Marcello Albasini : « On n'aura pas de stagiaires chez EF »

Crédit photo Team NIPPO-Provence-PTS

Crédit photo Team NIPPO-Provence-PTS

Se lancer dans un nouveau projet et dans une création d’équipe ne ressemble en rien à un long fleuve tranquille mais plutôt à une route semée d’embûches, et Marcello Albasini le sait très bien. À 64 ans, le Suisse en a déjà vu un rayon, après plusieurs décennies passées dans le monde du cyclisme. Ces dernières saisons, il a notamment travaillé en tant que directeur sportif chez Cervélo, IAM Cycling ou Vorarlberg, avant de rejoindre la Swiss Racing et d’être également à la tête de la sélection suisse chez les Espoirs. Après toutes ces aventures, le père de Michaël Albasini - qui a pris sa retraite sportive fin 2020 - imaginait (enfin) prendre sa retraite et s’offrir un peu de repos. C’était sans compter sur la proposition d’un certain Robert Hunter, ancien cycliste professionnel et aujourd’hui agent de coureurs, qui a décidé de lancer sa propre Continentale suisse pour 2021 : le Team NIPPO-Provence-PTS. Et le Sud-Africain a proposé à Marcello Albasini d’en être le directeur sportif principal, avec l’appui (relatif pour le moment) d’un autre néo-retraité du peloton : l’Italo-Suisse Enrico Gasparotto.

ENCADRER LES JEUNES ESPOIRS, UNE PLUS GRANDE SATISFACTION QUE CHEZ LES PROS

En réalité, Marcello Albasini s’est vite retrouvé à cumuler toutes les tâches (sportives et administratives) ou presque. “Mes journées commencent à 7h et se terminent à 23h, généralement”. Et pour cause : il est à la fois au four et au moulin depuis que le projet est sorti de terre. “Je ne pensais pas avoir tant de choses à gérer. L’aspect sportif, bien sûr, avec la mise en place d’un calendrier le plus cohérent possible, les déplacements, la gestion du matériel, les hébergements… Mais aussi toute la paperasse. Il vaut mieux avoir la passion !”. Une passion qui l’a poussé à accepter ce nouveau rôle qui, occasionnellement, le dépasse un peu. “Il arrive que l’on fasse parfois des bêtises par passion”, sourit-il au moment où on l’interroge sur son choix de s’être lancé dans ce projet, sans, bien sûr, véritablement regretter l’aventure qu’il est en train de vivre. Bien au contraire, lui qui se veut attaché à l’aspect humain du métier et qui se considère plus comme un éducateur/formateur que comme un directeur sportif. “Je ne me suis pas lancé là-dedans pour l’argent. C’est la passion qui me guide. Ce genre de projet me correspond. Travailler avec les jeunes, avec les talents de demain, c’est ce qui me plaît le plus. C’est un travail différent de ce que j’ai connu avec les équipes professionnelles du plus haut niveau. La satisfaction est plus grande. C’est même ma plus grande satisfaction”.

Mais tout n’a donc pas été franchement simple depuis la création de l’équipe. À cause de la covid, notamment. “Pour être honnête, le départ a été compliqué. Le virus a bloqué pas mal de choses, notamment au niveau du matériel. Il a fallu attendre longtemps avant de recevoir nos vélos. Les coureurs ont dû courir avec des vélos prêtés ou avec leurs machines de 2020. Nous n’étions pas les seuls dans ce cas mais le problème, c’est que nous sommes une nouvelle équipe, donc nous partions de zéro. Nous n’avions pas de stocks”. Une situation cocasse qui a, par exemple, obligé Robin Meyer a roulé sur son vélo de contre-la-montre durant de longues semaines (lire ici). En plus d’un défaut de matériel, il a également fallu composer avec des problèmes de visa, notamment pour les deux coureurs éthiopiens de l’équipe. “Ils n’ont toujours pas pu courir, et ça reste compliqué aujourd’hui encore… Sur le papier, on a quatorze coureurs mais pendant six mois, on a tourné avec neuf coureurs maximum. Nos Japonais de Delko aussi étaient prévus depuis un moment mais ne sont arrivés que récemment dans le groupe”

UN CALENDRIER RICHE ET DE QUALITÉ

Dans ce contexte, il n’est que très rarement arrivé que l’équipe soit positionnée sur deux fronts le même week-end. Mais cette situation convient à Marcello Albasini. “Deux juste pour dire de… Ça ne sert à rien, c’est contre-productif. Cette année, je préfère que l’on soit sur un front, en faisant ça comme il faut, avec les autres coureurs qui ne sont pas dans le groupe qui peuvent courir en individuel à côté”. Surtout, l’Helvète se dit satisfait du calendrier qu’il est parvenu à concocter à ses troupes cette saison. “On a fait plein de belles courses notamment en France, mais aussi l’Alentejo, le Sibiu Tour… C’est bien !”, se félicite celui qui est, depuis ce mercredi, sur les routes du Tour Alsace (2.2) avec six de ses coureurs. En revanche, contrairement à ce qui avait été sérieusement envisagé, l’équipe ne sera finalement pas au départ du Tour du Portugal en août. “C’était prévu mais on ne va pas le faire. Les organisateurs n’avaient pas pris de décision… On ne pouvait plus attendre, avec la préparation logistique que ça demande etc. Donc on a préféré décliner, dans le doute, car ils ne pouvaient pas nous garantir une place”. Qu’importe, le calendrier est riche et Marcello Albasini se félicite d’avoir des coureurs à déjà plus de 30 jours de course peu après la mi-saison. “J’ai beaucoup travaillé pour offrir aux coureurs un programme intéressant dès cette saison. Pour une Conti, je pense pouvoir dire que nous avons un joli calendrier, en qualité comme en quantité”.

D’un point de vue sportif, les jeunes espoirs de l’équipe n’ont pas encore décroché de résultats particulièrement marquants, mais leur directeur sportif souhaite leur laisser du temps. Et au moment d'évoquer les satisfactions de ce début d’exercice 2021, il cite un coureur français. “Je suis vraiment content de Jonathan Couanon. Ce n’est pas le coureur le plus extraordinaire du peloton mais il est malin et régulier. Il sait se placer et il est toujours là au bon moment pour aller faire une place. Il ne se loupe que très rarement et sa façon de courir me plaît. Fabio Christen est prometteur, lui aussi. Il n’a pas encore gagné grand-chose mais ça pourrait venir”.

DES LIENS AVEC LA WORLDTEAM EF EDUCATION-NIPPO À (RE)DÉFINIR

Marcello Albasini se projette sur l’avenir mais à court terme, aucun de ses quatorze coureurs ne devrait s’essayer au niveau supérieur cet été, et ce malgré le fort lien entre le Team NIPPO-Provence-PTS et la WorldTeam EF Education. “On discute déjà de 2022, on réfléchit à comment faire évoluer tout ça. Mais cet été, on n'aura pas de stagiaires chez EF”, confirme-t-il pour DirectVelo. D’ailleurs, le Suisse réfute le terme de réserve officielle et de « development team » pour traduire le lien entre son équipe et la WorldTeam américaine. “Bien sûr, on a pratiquement les mêmes maillots, et on est en lien. EF nous aide sur le matériel. Mais ça s’arrête là”. Mais alors, n’y a-t-il pas l’envie de, justement, renforcer ce lien entre les deux entités ? “C’est à EF et aux sponsors de décider… Pour moi, ça ne change rien… Peut-être que ça faciliterait certaines invitations à de belles courses mais ça ne change rien à ma façon de travailler et de former les jeunes au métier”.

Ainsi, le manager sportif espère bien voir les meilleurs de ses protégés au plus haut niveau à terme. Du côté d’EF, ou ailleurs. “L’idée est de les faire passer au-dessus. Pour notre part, on n’a pas l’intention de monter plus haut avec l’équipe. L’idée est de rester en troisième division très longtemps… Notre équipe doit être une passerelle. Pour l’instant, il n’y a rien eu de concret pour cette première saison. On a eu une demande timide pour qu’un coureur soit éventuellement stagiaire, mais c’est tout… On verra bien en 2022. On est en train de discuter de tout ça, de voir s’il faut changer des choses ou non”. Depuis le début de l’année, Marcello Albasini promet en tout cas n’avoir eu aucun contact direct avec Jonathan Vaughters, le manager de la WorldTeam EF. En tant qu’entraîneur de Stefan Bissegger - il entraîne aussi Marlen Reusser et plusieurs coureurs de sa propre équipe -, il est parfois en contact avec la cellule des entraîneurs de la structure du WorldTour. Mais rien de plus, du moins à ce stade.

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