Tour de Bretagne : Entre fatalité et colère
C’est en train de devenir une habitude dans les courses cyclistes. Les chutes bien sûr ne sont pas nouvelles, mais les neutralisations qui vont même jusqu’à l’arrêt total commencent à s’accumuler dans les épreuves. Rien que depuis le début de l’année, les amateurs ont vu Bordeaux-Saintes, manche de Coupe de France N1, être annulée après une lourde chute qui a sollicité toutes les ambulances. Rebelote à la Gislard quelques semaines plus tard, en Elite Nationale. Maintenant, à l’échelon du dessus, c’est une étape du Tour de Bretagne qui restera vierge de palmarès. "C’est comme ça, ce sont les aléas de notre sport", regrette Sébastien Cottier, directeur sportif de Cre’Actuel-Marie Morin-U 22. "Ça commence à faire beaucoup, peste Jason Yon Snoeck. Il faut s'interroger sur le pourquoi de ces chutes, pourquoi des neutralisations. C'est une journée compliquée, on ne peut pas tirer de conclusions, la priorité est la santé".
Le directeur sportif de Sojasun espoir-ACNC n’a pas vu de ses yeux le carambolage du jour, puisqu’il était présent avec Clément Poirier à l’avant de la course. "J'ai vu l'état de la route en passant, la route était dégueulasse, mais qui aurait imaginé une telle chute ? C'est triste, la course a été faussée". Dans une descente, la route était boueuse, et la chute d’un coureur à l’avant du peloton a mis tout le monde par terre, si ce n’est quelques rescapés dans les premières positions. "La descente était super sale", note Ruben Plaza, directeur sportif d’Israel Premier Tech Academy. "Il y avait une bonne épaisseur de boue sur une route étroite. C’était dangereux", ajoute Damien Poisson, qui n’a pas été surpris de voir une telle chute massive. "Je pense que les agriculteurs travaillent beaucoup à cette période de l’année. Il y en a un qui a dû étaler un peu de terre sur la route", imagine Paul Cordon.
« LA FAUTE À PAS DE CHANCE » ?
Kévin Van Melsen a la même théorie que le coureur du VC Pays de Loudéac. Mais le problème est sans doute ailleurs pour le Belge. "Ça, l’organisateur n’y peut rien. Mais quand le jury est passé derrière l’échappée… Pour moi, c’est un manque de respect total vis-à-vis des coureurs et des équipes. Certains peuvent jouer leur carrière là-dessus. Sans parler du coût du matériel cassé". Pourtant, la dangerosité du passage avait bien été annoncée à la radio. "Je n’en veux pas à l’organisateur mais je pense qu’il y a des gens qui n’ont pas fait leur travail correctement. Plusieurs fois sur RadioTour, on nous a avertis qu’il y avait des portions mouillées et dangereuses. Donc je n’ai pas très bien compris que l’on ne neutralise pas la course à cet endroit-là". Sébastien Cottier lui répond en partie. "La Garde républicaine et les signaleurs ne peuvent pas être partout sur 200 kilomètres. Ils préviennent bien des portions délicates, mais après c'est la faute à pas de chance. Il y a une portion de terre, sur 50 mètres en descente, et voilà".
Cette portion boueuse aurait pu être anecdotique. "Avec dix jours de soleil ça fait de la poussière et basta, ça passe. Là c'était humide et boum", pense Sébastien Cottier. L’aspect moins aléatoire réside dans le choix des routes. "On a pris une énième petite route, c’est comme ça depuis le début de la semaine. C’est arrivé aujourd’hui mais ça aurait dû arriver plus tôt. Depuis le début de semaine, on ne fait que passer sur des routes comme ça, le long des fermes, où ça passe à deux de front maximum… C’est hyper nerveux. Il faut faire du spectacle, d’accord, mais pas jouer avec la sécurité des coureurs. Ce sont des choix de parcours bizarres, je pense qu’il y a bien mieux à faire sur les routes bretonnes", détaille Paul Cordon, avant que le directeur sportif de Cré’Actuel-Marie Morin-U 22 ne lui réponde indirectement. "Des petites routes il y en aura toujours, sur le Tour de Bretagne et ailleurs, tous les week-ends. Là malheureusement, cinq coureurs ça passe, mais derrière il reste 130 mecs".
« DANS LA TÊTE, C’EST DUR, ILS EN ONT MARRE »
Pour Sébastien Cottier, tout ne réside pas dans le choix des routes empruntées. Car les chutes n’arrivent pas que dans des passages compliqués. "Louisfert hier par exemple, je connais car je suis de là-bas. La route est large, pas de souci, mais il y a beaucoup de tension. Ça tombe à l'avant et il y a 40 mecs dans un tas. Ça, on ne pourra jamais y échapper. La problématique, c'est de ne pas rajouter de la difficulté sur la difficulté du sport lui-même". Bien que la problématique d’un organisateur soit facilement compréhensible. "C'est difficile pour un organisateur de prendre des grandes routes pendants sept jours et 170 kilomètres tous les jours. Les petites routes font partie du sport cycliste, mais parfois il y en a beaucoup aussi. C'est tendu, il y a souvent des chutes et il faut éviter au maximum d'ajouter des éléments qui peuvent en causer encore".
Jason Yon Snoeck est forcément habitué à la Bretagne et son épreuve reine. "Les conditions sont comme ça, les routes aussi, c'est le Tour de Bretagne !". Ainsi, Sébastien Cottier regrette certaines polémiques ouvertes à chaque situation similaire. "Il faut arrêter certaines polémiques qui disent que les oreillettes font tomber etc. Nous, on n'en a pas, et ça tombe quand même. C'est la tension du peloton, parce que tout le monde veut avoir le meilleur résultat, tout le monde veut être devant, c'est la stratégie. Oreillette ou pas, grande route ou pas, ça tombe, de toute façon. Ce ne sera pas fini, il y en aura d'autres". Avant d’évoquer les principaux intéressés, à savoir les coureurs. "Dans la tête, c'est dur, ils en ont marre". Et si Sébastien Cottier dit vrai, ce n'est malheureusement pas la dernière gamelle. En Bretagne comme ailleurs.