Dauphiné : « C'est logique et l'ensemble du peloton est content »

Crédit photo ASO / Billy Ceusters

Crédit photo ASO / Billy Ceusters

Les coureurs auront au moins pris le temps d'entendre les applaudissements sur la ligne d'arrivée tracée à Saint-Priest, à l'occasion de la cinquième étape du Critérium du Dauphiné. Oubliés les trains de sprinteurs et les pointes de vitesse qui s'expriment dans les derniers hectomètres, oubliée la tension dans les équipes de leaders pour ne pas perdre de places dans le peloton, oubliés le stress et la pression d'une arrivée massive, comme elle aurait sans doute dû avoir lieu dans le Rhône. Ce jeudi, les coureurs ont pris le temps dans la dernière ligne droite. Pris le temps de panser les plaies pour certains, pris le temps de profiter d'une arrivée d'étape dans le calme et la lenteur. Car 20 kilomètres auparavant, sur la route, le calme de l'arrivée avait cédé la place à une forme de chaos dans les sirènes des ambulances et les klaxons des voitures.

À la bascule de la côte de Bel Air, Mathis Le Berre (Arkéa-B&B Hôtels) et Tobias Bayer (Alpecin-Deceuninck) font la course en tête. Mais les deux hommes sont alors arrêtés par les commissaires. "Je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé derrière", raconte l'Autrichien. Derrière, c'est une bonne moitié du peloton qui se retrouve par terre. Dans la descente, rendue très glissante par un orage passé juste avant les coureurs. C'est un, puis deux, puis dix et finalement des dizaines d'hommes éparpillés partout qui se voient reconvertis surfeurs. "Je tombe 25e environ, je me suis juste fait faucher par un mec de derrière qui m'a doublé sur le ventre... Ils allaient plus vite au sol que nous sur le vélo, c'est assez incroyable", rapporte Valentin Madouas.

REMCO EVENEPOEL « SAUVÉ » PAR SON CASQUE

Clément Champoussin est quelques places derrière le coureur de Groupama-FDJ. "C'était une descente assez rapide en ligne droite, c'était bien mouillé. J'étais placé dans les 30-40 donc c'était tombé assez haut. Beaucoup sont tombés. J'étais un peu dans les vapes, je n'ai pas trop vu qui était tombé, ni combien. J'ai glissé longtemps mais je n'ai que glissé, donc en soi je suis content". Les principaux leaders n'y échappent pas. Juan Ayuso, Primoz Roglic, et même le maillot jaune Remco Evenepoel, qui met du temps à reprendre ses esprits. "Je voulais laisser retomber l'adrénaline pour que tout revienne un peu à la normale. Puis après j'ai vu que tout bougeait correctement, rien n'était cassé. Mon casque m'a bien sauvé aujourd'hui. On pourra montrer une photo pour témoigner de l'importance du casque. J'ai un peu mal au genou, la hanche est touchée et je suis tombé sur l'épaule".

Heureusement pour le Belge, ce ne sont que des blessures bénignes qui ne devraient pas affecter la suite de sa course. Alors que côté Visma-Lease a Bike, les hommes de Grischa Niermann sont moins chanceux avec les abandons de Dylan van Baarle et Steven Kruijswijk. "Je ne sais pas ce qu'ils ont, mais évidemment ils ne partiront pas demain. C'est une mauvaise année pour nous, surtout les derniers mois avec les chutes. Mais on doit faire avec. Ça fait partie du vélo", relativise le directeur sportif. Derrière, on s'agite justement dans les voitures pour secourir et venir aux chevets des coureurs. Valentin Madouas assiste alors à des scènes originales. "C'était une patinoire. Il y a des mécanos qui sont sortis des voitures et qui ont glissé eux-mêmes". L'organisation décide alors d'arrêter tout le monde pour faire les bilans.

« ON NE POUVAIT PAS FAIRE AUTREMENT »

Thierry Gouvenou, directeur de l'épreuve, n'avait de toute façon pas le choix. "Notre effectif d'ambulances était plein, on ne pouvait pas faire autrement. Ou alors il aurait fallu attendre 45 minutes ou une heure avant que ça ne revienne... Mais les coureurs n'étaient pas forcément enclins à repartir. Ce sont des moments de peur et de frayeur de voir tous ces coureurs à terre". Une situation qui rappelle le Tour du Pays Basque à Remco Evenepoel, lorsque le peloton des favoris avait pris une gamelle collective. Le Belge n'avait d'ailleurs pas couru depuis. "Dans ma tête, il y avait plusieurs pensées. Ce qu'il s'est passé il y a deux mois d’abord, puis j'ai vu quelques gars au sol avec le bras en écharpe. Il y avait du monde par terre, ce n'était pas beau à voir".

Après de longues minutes, la décision finale est tombée. Les coureurs ne repartiront qu'en cortège jusqu'à Saint-Priest. "Ce n'est jamais évident quand on a fait une promesse à une ville de disputer une étape et qu'on ne répond pas à nos promesses, regrette Thierry Gouvenou. Mais c'est exceptionnel d'avoir des chutes aussi massives". Une décision qui fait l'unanimité. "C'était impossible de reprendre, il n'y avait pas d'ambulance. Il ne fallait pas prendre de risques. On ne pouvait pas continuer avec le monde tombé", constate Valentin Madouas, rejoint par Julien Jurdie, directeur sportif de Decathlon AG2R La Mondiale qui a eu cinq coureurs pris dans la chute, dont Bruno Armirail et Oliver Naesen, plus durement touchés. "C'est une très bonne décision. On sait que l'intégrité physique est la priorité. Les années filent, j'ai une certaine expérience et c'est l'une des premières fois que je vois une chute aussi importante avec autant de coureurs impliqués".

« UNE ÉVOLUTION DANS LE BON SENS »

Le technicien se réjouit d'ailleurs de l'évolution de son sport. "C'est là qu'on voit une évolution dans le bon sens. Je pense qu'il y a quelques années on aurait continué. Il n'y a pas eu de réflexion très longue, ASO nous a dit la neutralisation puis le convoi. C'est logique et l'ensemble du peloton est content, je pense". Malgré les dégâts pour son équipe, Grischa Niermann n'en veut en rien à l'organisation. "Il n'y avait pas forcément de signes problématiques en voyant la route ou la descente. Tu ne peux pas blâmer l'organisation parce que la route était mouillée et que ça glissait. Surtout que quand tu passes en voiture ça ne glisse pas. Peu importe l'équipe ou le coureur, une chute est une chute. Mais pour nous c'est une nouvelle pièce du puzzle avec laquelle il est difficile de composer à l'approche du Tour".

Viendra ensuite le temps de comprendre. Et Thierry Gouvenou n'hésite pas à s'interroger. "La répétition prouve qu'il y a peut-être un problème de matériel quand même. Du freinage mal adapté, des cadres pas préparés aux routes pas très lisses... En ajoutant la pluie, il suffit qu'un coureur freine un peu plus, glisse, et c'est l'enchaînement avec 50 gars par terre". Le directeur de l'épreuve a conscience d'aller contre la technologie. "Quand je dis ça je m'oppose un peu aux coureurs et aux équipes. Je n'ai pas parlé avec elles de ça, mais ces derniers temps on sent que ça pose question. Ce n'est pas 100% à cause du matériel, mais dans la répétition il y a beaucoup de ça". Mais heureusement, la chute restera sans conséquences graves. "Les chutes font malheureusement partie de notre sport mais le plus important est d'être encore en vie". Et c'est bien le principal pour Remco Evenepoel et le reste du peloton.

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