Audrey Cordon-Ragot : « Sortir par la grande porte »

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard / DirectVelo

Un dernier pour la route. Ce jeudi, sur le parcours de Saint-Martin-de-Landelles (Manche), Audrey Cordon-Ragot a décroché son septième titre de Championne de France Élites du contre-la-montre après 2015, 2016, 2017, 2018, 2021 et 2022. Et la Bretonne le promet : il n’y en aura pas d’autres, puisqu’elle a pris la décision de mettre un terme à sa carrière cycliste à la fin de la saison, histoire de tenter de finir au sommet de son art. Ce nouveau sacre a une saveur d’autant plus particulière que la récente annonce de sa sélection pour les Jeux Olympiques, en lieu et place notamment d’Evita Muzic, avait fait beaucoup de bruit dans le petit monde du cyclisme. DirectVelo était présent à la conférence de presse de la sociétaire de la formation Human Powered Health, 34 ans, après la course.

DirectVelo : On imagine que ce titre a une saveur particulière !
Audrey Cordon-Ragot : Oui, car ce sera le dernier. Et parce que, comme tout le monde le sait, lorsque la sélection pour les Jeux est tombée, elle a fait polémique, évidemment. Ce que j’ai compris. Je sais qu’il y avait beaucoup de déçues et j’avais à cœur, par respect aussi pour ces filles-là, de marquer le coup aujourd’hui.

Comment as-tu vécu ces critiques ?
Pas très bien, évidemment. J’ai été de l’autre côté, je sais ce que c’est et ce que ça fait. Ne serait-ce que l’année dernière, lorsque je n’ai pas été retenue pour le Championnat du Monde chrono. J'ai appris ma sélection pour les Jeux de Paris quelques jours avant l’annonce officielle. J’appréhendais beaucoup le jour où ça allait être officialisé. Je me suis coupée des réseaux sociaux car ça fait trop mal. Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’ils peuvent écrire et de la façon dont ça peut nous toucher. La seule opinion qui m’intéressait, c’était celle des filles qui n’étaient pas retenues. Pour le reste, par rapport au mal que ça peut faire, je dirais que je l’ai assez bien vécu.

« JE VOULAIS ÊTRE LA MEILLEURE VERSION DE MOI-MÊME »

Comment es-tu parvenue à rester focalisée sur ce Championnat de France ?
J’ai la chance d’être très bien entourée, avec ma famille, mes amis, ma préparatrice mentale Anne-Julie (Briend), mon coach Paul Herman, mon manager, ma soigneuse et mon mari qui est d’un calme olympien. La clé de la réussite d’un athlète de haut niveau, c’est d’être entouré des bonnes personnes. C’est ce qui fait ma force aujourd’hui. Je voulais garder la tête froide, me concentrer sur ma propre performance sans regarder les autres. Et surtout, je voulais être la meilleure version de moi-même. C’est ce que je me suis répétée depuis quatre jours. Et ça a fonctionné.

Cette polémique quant à ta sélection t’a-t-elle boostée ?
Non car de toute façon, le Championnat de France a toujours été un moment important de ma saison, un passage obligatoire et une course où j’ai envie de réussir. La seule différence, c’est que cette année je n’avais pas performé jusque-là. Je n’ai pas été au niveau auquel j’espérais évoluer pour l’instant. J’ai eu de la malchance sur des courses que j’avais ciblées. Pendant ce temps, d’autres Françaises ont bien performé. Alors je suis arrivée ici avec des doutes, en me demandant si j’allais réussir à avoir le niveau que j’ai eu les années précédentes. Mais j’ai essayé de chasser les doutes en faisant un chrono propre, en m’axant sur la performance avec un plan à suivre au maximum. Je voulais juste être fière de moi en passant la ligne d’arrivée.

« J’AVAIS DE LA FORCE »

Parle-nous de la façon dont tu as géré ton effort…
Je m’étais fixé un objectif de puissance moyenne sur l’ensemble du chrono, en découpant le chrono en plusieurs parties. J’étais surtout focalisée sur mes watts tout au long du chrono. Je n’ai jamais levé la tête du guidon et je n’ai presque pas vu le chrono passer. Je suis partie un poil au-dessus de ce qui était prévu. Comme ça répondait bien, je ne voyais pas pourquoi me freiner. D’ailleurs, c’est marrant car il y a deux jours, je regardais la série Netflix du Tour de France et je voyais (Jonas) Vingegaard qui disait qu’il était à 380 watts et que ça allait bien, alors qu’il était prévu qu’il soit à 360. Bon, moi, je n’étais pas à 360 (rires) mais c’était ce principe-là. J’ai eu le même sentiment. J’avais de la force. Pourtant, je me sentais fatiguée. D’ailleurs, j’avais un bouton de fièvre depuis deux jours et ça m’a mis aussi le doute. Mais finalement, la fraîcheur compte un peu moins sur un chrono de 35 bornes.

Le doublé ce samedi lors de la course en ligne te semble-t-il envisageable ?
C’est tellement tactique, tellement compliqué. Je serai encore une fois toute seule malheureusement. J’aurais pu avoir une équipière cette année mais Maëlle Grossetête est malade et ne sera pas là. Je ne suis pas la seule dans ce cas, avec Cédrine (Kerbaol), Juliette (Labous) et d’autres. Disons que ce serait un bonus de gagner samedi mais après cette victoire au chrono, j’aurai de toute façon moins de stress. Si je ne gagne pas, ce ne sera pas la fin du monde.

« JE NE SUIS QU'À 80-85% »

Ce chrono va-t-il te servir pour les Jeux Olympiques ?
Oui, c’était un test bien sûr. Je suis arrivée ici sur de la fatigue car je sors de trois semaines de stage en altitude. Je manque d’un peu de fraîcheur, je ne suis rentrée que dimanche. Mais je vais pouvoir enchaîner sur une période de repos relatif avant d’enchaîner sur une période de travail spécifique pour le contre-la-montre, et on sera vite à Paris. Cette fois-ci, j’espère y être à 100%. Ici, je ne suis qu’à 80-85% mais c’était prévu comme ça. Il reste encore une petite marge pour être encore plus forte à Paris.

En tout début de conférence, tu évoquais ton dernier Championnat de France. C’est donc acté ?
Il est important pour moi de sortir par la grande porte. Je pense que c’est chose faite aujourd’hui. Je n’ai aucun regret. Ma carrière a été belle. Maintenant, il faut savoir laisser la place aux jeunes. Et autant vous dire qu’on a une nouvelle génération qui est extrêmement costaude. On aura des Championnes du Monde et des Championnes Olympiques à terme, j’en suis persuadée. Et si je peux les aider d’une façon ou d’une autre, je serai très heureuse. Mais ce ne sera plus sur le vélo, c’est sûr.


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