VTT

Yvan Clolus : « Aux JO, les grands champions ne se ratent pas »

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Les Jeux olympiques de Paris 2024 resteront comme l’un des grands moments du VTT français. Alors qu’ils n’avaient plus été médaillés depuis 2008 chez les Hommes et 2012 chez les Femmes, les pilotes tricolores ont replacé la France en haut de la hiérarchie des nations. Samedi 27 juillet, sur la colline d'Élancourt (Yvelines) où était tracé le circuit de l'épreuve de VTT, Pauline Ferrand-Prévot a inscrit la seule ligne qui manquait à son immense palmarès, le titre olympique. Le lendemain, Victor Koretzky a failli signer un doublé historique, mais a dû se contenter de la médaille d’argent, après s’être incliné face au Champion du Monde en titre, Tom Pidcock, au terme d’un dernier tour haletant et musclé.
Avec du recul, Yvan Clolus, le sélectionneur de l’équipe de France, revient sur cette olympiade réussie, lors d’un long entretien au micro de
DirectVelo. Dans cette première partie, le sélectionneur s’arrête sur la performance de Pauline Ferrand-Prévot, de Victor Koretzky ou encore de Loana Lecomte, victime d’une lourde chute durant sa course. 

DirectVelo : Pauline Ferrand-Prévot a remporté le seul titre qu’il manquait à son palmarès en VTT. Après plusieurs désillusions aux JO, elle est enfin Championne olympique. Comment l’as-tu vécu ?
Yvan Clolus : C'est spécial parce que l'histoire est belle, le destin est unique pour elle. C'est une forme de délivrance, elle avait tout mis en place comme elle le souhaitait depuis des mois. La veille de la course, elle m'a dit “quoi qu'il arrive, je ne regretterai rien parce que j'ai fait le maximum”. À 32 ans, et avec cette carrière, la boucle est bouclée avec le VTT. C'est une sacrée page qui se tourne pour elle. C'est le livre complet du VTT qui se ferme, c'est une immense satisfaction. Pauline a énormément de talent, et elle a beaucoup travaillé. Rien que physiquement, quand on la voit arriver sur une compétition, on voit qu'elle est prête, mais plus que les autres, il n'y a pas photo. Mais ça, c'est du travail, on ne peut même pas imaginer les sacrifices qu'elle a faits, le travail qui a été fait depuis des mois, depuis deux ans même avec sa nouvelle équipe (INEOS Grenadiers, NDLR)

C’est une récompense plus que méritée…
Oui, elle le vit comme ça, comme une récompense par rapport à son travail et tout ce qu'elle a fait depuis des années et des années. Et puis il y a la manière en plus, parce que c'était le premier titre de la France sur ses Jeux en individuel, c'était dimanche après-midi, on se baladait quelques jours après dans Paris, tout le monde la reconnaissait. C'est sûr que c'est quelque chose, mais c'est à l'image de la femme qu'elle est, qu'on a toujours connue. C'est quelqu'un qui rayonne, qui prend beaucoup de lumière et qui a toujours eu ça. Depuis le début, on voyait qu'il y avait un destin un peu particulier pour elle.

Pauline Ferrand-Prévot arrêtera le VTT à la fin de la saison pour retrouver la route avec l'équipe Visma (lire ici), l’équipe de France va perdre une athlète qui a empilé des titres sous le maillot tricolore…
On la perd oui, mais toutes les bonnes choses ont une fin. Ce qu'elle nous a donné, c'est déjà énorme, c'est le meilleur palmarès du cyclisme féminin mondial. On a eu Julien Absalon à un moment donné, on a Pauline maintenant, on a juste beaucoup de chance, il faut en être conscient, c'est ça qu'il faut savourer. C'était normal que ça s'arrête, et que ça puisse s'arrêter sur un titre olympique, à la maison, de cette manière là, on a du mal à imaginer un meilleur scénario. On savoure juste et on la remercie. 

« LA DURE LOI DES JO »

La course Femmes a aussi amené son lot de déception avec la chute de Loana Lecomte alors qu’elle était dans le jeu pour une médaille... 
C’est le côté cruel des Jeux olympiques. Je passe beaucoup de temps à expliquer autour de moi la différence entre les Jeux et le reste des compétitions, il faut le vivre de l'intérieur pour comprendre. Loana a fait une faute d'engagement, et ce n'est pas une faute de quelqu'un qui ne sait pas faire. C'est quelqu'un qui veut vite trop bien faire et qui se prend les pieds dans le tapis. C'est à nous qui l'entourons, d'arriver à canaliser tout ça, à comprendre pourquoi il y a eu cette faute et ensuite s’en servir pour la faire progresser. Elle va vite s'en remettre et elle saura tirer le bénéfice de ce moment, et elle peut très bien être Championne du Monde dans trois semaines. Je ne suis pas du tout inquiet. Malgré tout, c’est certain que c’est une chance énorme de médaille qui lui a filé entre les doigts. Mais c'est la dure loi des JO. 

Avec l’arrêt de Pauline Ferrand-Prévot, Loana Leconte aura peut-être un rôle encore plus important à jouer en 2028 ?
Loana avait déjà une place importante, on fera le bilan pour préparer la suite. Mais même si elle est déjà vice-Championne du Monde, on a encore beaucoup de travail parce qu'en face, on aura Puck Pieterse et des Américaines à domicile (à Los Angeles, NDLR). Un nouveau cycle va commencer chez les filles et on ne pourra pas se contenter de s’entretenir. Il va falloir progresser si on veut espérer une médaille en 2028. Après, il ne faut pas oublier que Loana a 25 ans et a déjà fait deux fois les Jeux. Elle aura 29 ans à Los Angeles et sera en pleine puissance. C'est encourageant. 

« ÇA AURAIT ÉTÉ GIGANTESQUE »

Sur la course Hommes, Victor Koretzky est aussi passé très près de l’exploit. Depuis le bord du circuit, comment l'as-tu vécu ?
J'y ai cru jusqu'au bout, encore plus dans le dernier tour parce qu'avant, avec la crevaison de Tom Pidcock, on était devant, mais on voyait bien que les écarts ne se creusaient pas. Et puis Victor et Tom Pidcock nous ont offert un final suffocant, parce qu'on a vraiment touché la médaille. Et Victor, qui était capable d'attaquer Pidcock à la Pidcock, dans la dernière bosse, c'était super. Malheureusement, il fait une erreur dans la descente qui lui fait perdre du temps et qui permet à Pidcock de repasser devant. Victor arrive encore à repasser, preuve qu’il était très fort mais dans le final, dans le bois, il fait une toute petite faute tactique en prenant une trajectoire qu’il n'aurait pas dû prendre à mon avis. Je pense qu'il le sait, c'est pour ça qu'on n'a pas posé réclamation, même si c'est chaud et que ça paraît un peu cavalier. Mais on connaît bien notre sport. Je pense que Pidcock lui-même était surpris qu’une petite porte s’ouvre, et il ne faut pas lui faire de place. Il reste un grand champion. On était à deux doigts de le battre, ça aurait été gigantesque. 

Victor Koretzky n’était pas donné gagnant face à Tom Pidcock, alors réussir à le défier jusqu’à la fin doit déjà être gratifiant ? 
La médaille d’argent, Victor doit la savourer parce qu'on aurait signé il y a un an, voire il y a quelques mois, parce que ce n’était pas fait. Il a eu une fin de printemps un peu difficile, c'est sa blessure qui lui a permis de se refaire la cerise et de repartir sur un cycle de belle préparation pour les JO. Il a répondu présent, il a éclaté le public, c'était fou les derniers tours. Il passe la ligne, il retrouve sa femme, son petit, et une médaille d'argent olympique. Franchement, là, je pense qu'il réalise et on savoure parce que c'est déjà énorme et dans le cœur des Français, il a l'or donc c'est parfait.

« DES ATHLÈTES EXCEPTIONNELS »

Être déçu de ne pas remporter deux médailles d’or, mais une d’or et une d’argent, témoigne du niveau de nos Bleus ! 
C'est sûr que le doublé aurait été fantastique, il n'a jamais été fait par une nation. Il ne faut pas faire la fine bouche, ce ne sont pas les Championnats du Monde. Aux JO, tout le monde est prêt, les grands champions ne se ratent pas. C'est énorme ce qui a été fait par nos athlètes. Ces deux médailles, ce sont aussi grâce à Loana et Jordan (Sarrou) et à ceux qui ont été tout proches de cette sélection au printemps et qui font que le VTT français en est là aujourd'hui. Nos deux médaillés représentent tout ça, notre filière de formation, notre fédération. C'est génial pour notre activité.

Au moment du bilan, cette olympiade rappelle à tout le monde que la France est une nation forte du VTT, si ce n’est la meilleure, non ?
Je ne sais pas si c'est la meilleure parce que peut-être que dans quelques semaines, on va prendre une gifle au Mondial. Mais en tout cas, on fait partie des meilleures nations, on a un des meilleurs bilans chiffré sur l'ensemble des olympiades. On a la chance d'avoir des athlètes exceptionnels, un système de compétition et de formation qui fait ses preuves. On peut être fiers et quand je dis "on", j’associe tous ceux qui font démarrer ces gamins dans les clubs au départ. Ils ont utilisé le VTT, le jeu, pour générer des passions, des vocations. On sent que ça fonctionne et j'espère qu'à la rentrée, les clubs seront débordés grâce à nos deux filles et nos deux garçons. 

 

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