Lorenzo Finn, au jeu du dernier survivant
La victoire pouvait-elle lui échapper ? Ce n’est pas certain. Ce jeudi, alors que la quasi totalité de ses adversaires ont souffert du froid, de la pluie et de la difficulté du parcours, Lorenzo Finn a semblé voler d’un bout à l’autre de l’épreuve, écrasant les pédales dans les ascensions, filant pleine balle dans les descentes pourtant détrempées, pour s’en aller décrocher le maillot arc-en-ciel au terme d’un numéro en solitaire en deux temps (voir classement). “Il était au-dessus du lot, tout simplement”, concède son dauphin, Sebastian Grindley, auprès de DirectVelo, au terme du Championnat du Monde Juniors.
ALBERT PHILIPSEN PERD TOUT SUR UNE CHUTE
La pluie quasi incessante tout au long des 127 km du parcours tracé dans et autour de Zurich (Suisse) a malmené les corps et broyé le mental des athlètes, les uns après les autres. Paul Seixas, leader des Bleus et désireux de réaliser le doublé après sa victoire lors du chrono, a fini par exploser. “À la fin, je n’avançais plus. J’étais complètement mort et gelé” (lire ici). Hector Alvarez, parmi les favoris lui aussi et très longtemps en course pour la médaille - il était encore seul 3e à quelques kilomètres de l’arrivée - a explosé d’un coup d’un seul. Défiguré par la souffrance physique et le froid sur la ligne, les yeux lui sortant presque de la tête, l’Hispanique n’a eu la force de ne lâcher que deux phrases en zone mixte : “j’ai tout donné. Je suis cuit”. Eliott Boulet, comme d’autres, n’a pas caché sa joie de ne pas avoir de demande de quelconque journaliste. “Parfait, merci !”, sourit-il quand on lui indique qu’il peut filer.
Il faut dire que la bataille a été particulièrement rude dans les 80 derniers kilomètres, tant est si bien que dans le final, les cinq premiers étaient éparpillés sur la route, un par un. Scénario rare et épique pour un Mondial de guerriers. “Sur le final, j’ai tout donné pour rentrer et jouer la médaille mais j’avais des crampes. C’était fou. Je me suis arraché, je savais que je pouvais chercher ce podium au sprint et ça l’a fait au dernier moment, mais c’était terrible”, concède Senna Remijn. Le Néerlandais, qui décroche le bronze, résume le ressenti de beaucoup de coureurs du peloton en une phrase, lui aussi : “c’était l’une des courses les plus dures de ma vie jusqu’à présent”.
SEBASTIAN GRINDLEY, LA PLUIE COMME MEILLEURE AMIE
Longtemps, c’est Albert Philipsen qui a fait la plus belle impression. Très à l’aise dans ces conditions météo, pas franchement effrayé par la difficulté du parcours, le Danois a mis ses équipiers à contribution durant toute la première partie de course pour épuiser la concurrence, avant de se porter à l’avant… Puis de chuter dans une courbe sur la droite - et d’abandonner - alors qu’ils n’étaient plus que quatre en tête. C’est à ce même moment que le futur lauréat s’est isolé pour de bon. “La première fois que j’y suis allé, ce n’était pas prévu que je me retrouve tout seul. J’espérais que quelqu’un rentre. J’ai pris mon rythme sans m’enflammer, déclare le Transalpin. Derrière, ça ne s’entendait pas forcément alors je suis resté seul devant un moment. Trois mecs sont rentrés. Albert est tombé et je me suis une nouvelle fois retrouvé tout seul”.
Le maillot bleu ciel de la Squadra Azzurra scintille alors au milieu des phares des motos de sécurité, malgré une luminosité qui laisserait parfois, depuis l’écran, penser à une course nocturne. Seul en contre, Sebastian Grindley a fait sensation. Lors de cette course à élimination et dans ce jeu du dernier survivant, le Britannique a longtemps tenu tête à Lorenzo Finn. Il faut dire que le garçon n’a été que peu perturbé par ce temps “so British”. Dont il s’est même réjouit. “J’espérais que ce soit comme ça, en réalité. Je comptais en profiter car je sais que d’autres coureurs sont bien moins habitués à ces conditions-là”. Malgré tout, il a lui aussi fini par subir un coup de bambou. “Je me suis retrouvé dans le dur, j’ai cru que ça allait m’échapper, j’ai dû aller chercher au plus profond de moi-même pour tenir. Mais j’ai toujours cru à la médaille et j’ai même eu le temps de m’imaginer jouer le titre”. Mais c’est bel et bien Lorenzo Finn, trempé jusqu’aux os, qui a passé la ligne les bras en croix. “Je n’oublierai jamais ce moment”. Ses adversaires non plus.